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Il n'y a pas de femme, quelque laide qu'elle soit, qui ne se trouve quelque trait de beauté.

Sibi quæque videtur amanda,`
Pessima sit, nulli non sua forma placet.

OVID de Art. Am. 1. 2.

La beauté dans le sexe expose à tant de périls, qu'il est bien difficile qu'on ne succombe à quelques

uns.

Les femmes ont souvent raison de vouloir, à quelque prix que ce soit, paraître belles, puisque c'est tout ce que les hommes leur ont laissé; car point de gouvernement pour elles, point d'autorité absolue, point de conduite d'âmes, point de pouvoir dans l'église, point de possession de charges, point d'entrée dans le secret des affaires d'état. Il semble même qu'on leur veuille ôter jusqu'à l'esprit, en traitant de précieuses celles qui en font paraître. Laissons-leur donc la beauté, et quand elles n'en ont point, laissons-leur du moins le plaisir de croire qu'elles en ont.

La laideur fait quelquefois présumer la vertu où elle n'est pas; et la beauté a cela de funeste, qu'on croit les belles personnes capables de toutes les faiblesses qu'elles

causent.

La beauté sans la grâce, est un appât sans hameçon.

En desirant trop ardemment de laire, on ne se rend pas plus aimable.

La réputation qui vient de la beauté est quelque chose de si délicat parmi les femmes, qu'encore qu'elles aient la plus grande indifférence du monde pour quelqu'un, jamais pourtant cette indifférence n'ira jusqu'à vouloir que ce quelqu'un porte ailleurs ses hommages et ses soupirs. Tant de fierté qu'on voudra, une belle personne regarde toujours la fuite d'un amant, sans mérite si on veut, et qu'elle n'estime pas, comme autant de diminué sur son empire.

Il y a des beautés si engageantes, que si on ne fuit, sans hésiter, on ne fuit pas loin. On ne peut aller tout au plus que de la longueur de ses chaînes.

Le véritable esprit de politesse consiste dans une certaine attention à faire ensorte que, par nos paroles et par nos manières, les autres soient contens de nous et d'euxmêmes.

L'incivilité n'est pas un vice de l'âme, elle est l'effet de plusieurs vices; de la sotte vanité, de l'ignorance de ses devoirs, de la paresse, de la stupidité, de la distraction, du mépris des autres, de la jalousie, etc.

Rien n'est plus contraire à la véritable politesse et à la bienséance, que de l'observer avec trop d'affectation, c'est s'incommoder, c'est s'embarrasser, pour incommoder, pour embarrasser les autres.

Il est presque autant contre la bienséance de se cacher en faisant le bien, que de chercher à se faire voir en faisant le m...

Tel croit mériter le nom de poli, qui ne mérite que

celui de dameret ou de pindariseur, La vraie politesse est souvent confondue avec des qualités qui méritent plus de blâme que de louange.

On doit obéir sans cesse à la loi des usages et des bienséances; il n'y a que les lois de la nécessité qui nous dispensent de toutes les autres.

On voit beaucoup de gens qui savent comme on vit, mais fort peu qui sachent vivre; c'est qu'on est trop curieux de savoir ce que le monde fait, et qu'on ne l'est pas assez de ce qu'il devrait faire.

La politesse ne donne pas le mérite, mais elle le rend agréable; sans elle il devient presqu'insupportable, car il est farouche et sans agrément.

On perd presque tout le mérite du bien, si on le fait sans politesse ; une mauvaise manière gâte tout, elle défigure même la justice et la raison.

Le chef-d'œuvre de la politesse est de n'insulter jamais à ceux qui en manquent, et de se contenter de les instruire par l'exemple, sans rien faire davantage.

ELOGE DU PÈRE RAPIN.

Le père Réné Rapin, jésuite, était né à Tours, et mourut, à Paris, le 27 octobre 1687, âgé de soixantesix ans. C'est une perte considérable pour son ordre,

dont il était un des principaux ornemens, et surtout pour la république des lettres, qu'il a enrichie de plusieurs beaux ouvrages. Il avait un génie heureux pour les sciences, un naturel fait pour la vertu, et une probité exacte. Sa physionomie sage, ses manières simples et modestes, lui gagnaient le cœur de tout le monde, et il avait un fonds de bonté et de raison qui ne se rencontre guère ailleurs. Il avait acquis beaucoup de politesse dans le commerce des grands, qui l'ont honoré de leur amitié. Il était officieux au-delà de tout ce que l'on peut croire, prévenant les prières et les desirs, et servant avec chaleur jusqu'aux inconnus, par le seul principe d'une inclination bienfaisante. Les gens du monde le regardaient comme un parfait homme d'honneur, et les gens de lettres comme un des plus beaux esprits de notre siècle. Il a excellé dans la poésie latine, et les ouvrages que nous avons de lui en ce genre ont rendu son nom célèbre par toute l'Europe. Les savans ont admiré entr'autres son Poëme des Jardins, et l'ont jugé un chef-d'œuvre digne du siècle d'Auguste, et digne de Virgile même. Il connaissait aussi toutes les beautés de notre langue, et ce qu'il a écrit en français a une élégance particulière. Son esprit était rempli de toutes les belles connaissances; et rien ne marque mieux son érudition que ses Réflexions sur l'Eloquence, sur la Poésie, sur la Philosophie et sur l'Histoire; ses comparaisons de Virgile et d'Homère, de Démosthène et de Cicéron, de Platon et d'Aristote, de Thucidide et de Tite-Live. Son zèle pour les intérêts de la religion et pour l'honneur de sa compagnie lui fit entreprendre, il y a plus de vingt ans, un grand ou

vrage (1), où il a travaillé constamment, sans nulle espérance de le voir paraître, et que Dieu lui a fait la grace d'achever avant sa mort.

Voilà ce que nous avons extrait d'un Mémoire que l'on prétend avoir été dressé par le père Bouhours pour honorer la mémoire de son confrère. Ceux qui ont lu les ouvrages du père Rapin, trouveront assurëment "qu'il n'y a point là d'exagération ni'de 'flatterie, pour ce qui regarde les qualités de l'esprit.

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