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mal et régulier, de se développer et de se fortifier.

La part du travail total qui revient aux bras dans cette marche à deux bâtons n'est pas négligeable du tout. Elle présente cette particularité d'augmenter avec l'inclinaison de la pente que l'on gravit. Sur un terrain horizontal, il résulte des mesures que j'ai faites, que cette part équivalait à 7 à 12 % du travail total. Sur une pente escarpée, elle peut atteindre ou même dépasser la moitié de ce travail. c'est-à-dire qu'alors les jambes et les bras sont également mis à contribution, ce qui nous rapproche de l'idéal quadrupede.

Mais les avantages de cette nouvelle manière de marcher ne sont pas encore épuisés. L'un des plus importants est de faciliter très notablement la respiration en permettant le fonctionnement égal et régulier des deux poumons droit et gauche.

Dans la marche ordinaire, où le bras gauche pend inutile et ballant, toute la partie gauche de la cage thoracique est comprimée par le poids de ce bras, alors que la partie droite, mieux partagée, peut beaucoup mieux se dilater et s'aérer, grâce à ce qu'elle est soulagée du poids du bras droit, supporté en général par le bâton ou le piolet. Il résulte de cela que les sommets surtout des deux poumons gauche et droit, respirent d'une façon très inégale: le gauche, presque toujours comprimé, respire mal ou même pas du tout. Nos collègues, les médecins, nous diront que le sommet des poumons est fréquemment atrophié par défaut de fonctionnement et que c'est le lieu d'élection favori de notre. grand ennemi: le bacille de la tuberculose.

Nous avons tous fait l'expérience, du reste pres

ÉCHO DES ALPES.

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1908.

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que instinctive, de soulager et d'étendre les deux bras pour faciliter la respiration lorsque nous sommes essoufflés, et nous voyons le touriste en marche porter souvent la main gauche à la hauteur de l'épaule pour tenir la courroie du sac, de manière à soulager un peu le poumon gauche de la compression exercée par le poids du bras.

Il va bien sans dire que les deux bâtons ne sont guère à recommander pour les grandes ascensions, les grimpées dans les rochers et les traversées de pentes glacées qui nécessitent l'emploi du piolet. Mais, à côté de ces ascensions qui restent exceptionnelles pour la majorité d'entre nous, et surtout pour ceux qui ont dépassé un certain âge, il reste beaucoup de place pour l'exercice modéré, agréable et salutaire, représenté par les courses et les ascensions plus modestes où l'usage du piolet devient superflu.

Et du reste quel abus ne fait-on pas actuellement du piolet, que l'on a pris la fâcheuse habitude de trainer plus ou moins péniblement à toutes les courses sans exception, quelque lourd, encombrant et inutile que soit souvent cet instrument !

Je suis persuadé qu'on pourrait éclairer à l'électricité tous les appartements des clubistes avec la force que ceux-ci dépensent en pure perte à trimballer leurs piolets à la sueur de leur front! Certains clubistes ne peuvent plus monter à leur galetas sans être munis de leur piolet!

Moi-même, je l'avoue à ma honte, ai beaucoup péché de ce côté-là: je me souviens de m'être armé jadis d'un beau piolet tout neuf pour monter aux Rochers de Naye... en chemin de fer!

Aujourd'hui, rendu plus sage par l'expérience, je

ne le porte plus qu'à bon escient et je dois avouer, non sans rougir un peu, qu'il me rend plus de service dans mon jardin qu'à la montagne!

Le double bâton de montagne, dont je me sers, et que je me permets de vous recommander comme très pratique, est le bâton de ski en bois de frêne.

A la descente, les deux bâtons peuvent être fort agréables et très utiles: c'est surtout le cas dans les chemins escarpés et pierreux, où le pied est beaucoup plus sûr et où l'on avance bien plus rapidement avec deux bâtons qu'avec un seul. Sur les pentes escarpées, neige ou pâturage, par contre, ainsi que dans les rochers, les deux bâtons deviennent encombrants, et il est très commode alors de pouvoir les réunir facilement et rapidement en un seul, suffisamment solide pour être employé en guise de frein, de la façon bien connue, ou bien pour être attaché au poignet et remorqué.

Mais ce n'est pas à la montagne seulement que la marche à quatre pattes se recommande: une fois que l'on en a pris l'habitude, on l'apprécie très fort à la plaine aussi, en ce qu'elle facilite notablement les longues marches. Sur la grande route, les deux bâtons vous tireront en avant avec une telle rapidité que parfois vous aurez de la peine à les suivre!

Comme illustration des expériences que j'ai faites, je me permettrai de vous citer une course faite cet été avec l'Ecole polytechnique fédérale grâce à mes deux jambes supplémentaires, j'ai pu faire, avec beaucoup de facilité, le long trajet de Dissentis à Linthal par le Sandalppass, soit environ 40 kilomètres de distance horizontale, avec une montée de 1900 m. et une descente de 2300 m., en quatorze heures environ, et avec une charge de plus de 20 kg.

sur le dos. Le lendemain, après une nuit de repos, j'étais aussi frais et dispos que si je n'avais pas marché la veille, et me trouvais prêt à refaire la même étape avec la même facilité.

Pour récapituler et conclure, je recommanderai la marche à quatre pattes, c'est-à-dire avec deux bâtons, parce qu'elle régularise l'allure, soulage les jambes, développe et fortifie les bras, facilite la respiration et permet aux deux poumons de fonctionner régulièrement et également.

Dr J. AMANN. Section des Diablerets.

P. S.

Dans la discussion qui suivit cette conférence, M. le D' G. revendiqua la priorité pour cette marche à deux bâtons qu'il pratique depuis fort longtemps (avec un bâton et un piolet). Je reconnais volontiers le bien fondé de cette revendication et me déclare prêt à céder à notre excellent collègue tous les bénéfices éventuels que pourrait me procurer cette mirifique invention !

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AU CERVIN

toi, rempart de la frontière,
Toi qui dresses ta tête altière

Sur ton épaule de granit,
Géant de roc bardé de glace
Immobile sous la cuirasse
Dont te ceint l'hiver infini,

Toi qui rêves dans le silence,
Impassible, immuable, immense
Au bord de l'espace éternel,
O noir Cervin qui nous protèges!
Ne laisse pas des sacrilèges
Tramer leur complot criminel!

Jette sur eux tes rocs farouches!
Fais reculer leurs hordes louches,
Mets-les en fuite et les poursuis !
Que, du haut de l'arête blanche,
Ta voix roule avec l'avalanche !
Dis leur: « Savez-vous qui je suis?

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