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Si l'on veut une infusion légère, on verse de l'eau bien chaude sur le Maté, on laisse infuser pendant une minute et on jette la première eau; on laisse infuser ensuite pendant 10 à 15 minutes dans une deuxième eau.

On peut ajouter à volonté du sucre, du lait ou un jus de citron.

La dose est d'une ou deux cuillerées à café par tasse et la même quantité peut fournir de 6 à 8 décoctions successives; dans ce cas, il faut faire bouillir la décoction ou ajouter une demi dose en plus.

A l'analyse, le Maté renferme un alcaloïde, la matéine, voisin de la caféine, mais bien différent quant à ses effets physiologiques. Sa formule est CH11Az3O1. On y a trouvé du tanin en quantités variant de 12,28 à 66,80 pour 1000, suivant les récoltes.

Ses cendres, analysées, se rapprochent beaucoup de l'analyse centésimale des Eaux de Vichy, ce qui explique pourquoi on peut employer le Maté comme digestif et sans fatigue pour l'estomac. La présence de la créosote permet de l'employer dans les maladies de la gorge et de l'appareil respiratoire pour lesquelles la créosote à faible dose est recommandée.

Les quelques indications qui précèdent permettent de classer l'infusion de Maté parmi les boissons excitantes capables, tout à la fois, de favoriser la nutrition générale et de retarder la dénutrition. C'est un aliment d'épargne, légèrement laxatif: il peut à ce titre prendre place avec la coca, la kola, le thé, le café, l'alcool, sans présenter les inconvénients de ces derniers. Tandis que l'alcool excite, puis déprime, le Maté réconforte sans jamais affaiblir. Il repose de la fatigue et excite au travail sans jamais causer d'insomnie.

Dans l'Amérique du Sud, il fait la boisson favorite. de 20 millions d'hommes qui, journellement, savourent son arôme exquis et le préfèrent à tout autre. Il est à remarquer que les contrées qui en font usage ne connaissent pas le fléau alcoolique. A ce titre, il pourrait être employé avantageusement chez nous. Il serait précieux pour les classes laborieuses auxquelles son bon marché excessif le rendrait facilement accessible.

Loin d'être un apéritif, il calme les tiraillements de l'estomac et tend à faire oublier l'heure du repas, ce qui rend son usage précieux dans les longs voyages et dans les ascensions de longue durée. Cependant, il ne rend pas l'estomac paresseux et facilite au contraire la digestion des aliments. S'il calme l'estomac, il n'ôte pas l'appétit.

D'après le docteur Couty, le Maté accélère dans une notable proportion les mouvements du cœur, toutefois son nerf modérateur, le pneumogastrique, conserve toute son excitabilité. Il stimule les fonctions et agit aussi bien sur l'intelligence et sur l'appareil locomoteur que sur la vie végétative. Il maintient l'énergie physique et morale.

Ces qualités font du Maté une ressource précieuse pour le soldat, l'ouvrier, l'homme adonné travaux de l'esprit, le sportman, etc., etc.

aux

On ne peut que recommander son usage aux rares touristes parcourant encore à pied nos campagnes et surtout aux alpinistes qui ne tarderont pas, nous le croyons, à en faire leur boisson favorite.

CHARLES MAERKY.

Section Genevoise.

Lamartine dans les Alpes.

Dans les numéros de juillet et aoùt l'« Echo des Alpes »> nous régale d'une étude très attachante sur les séjours et les voyages de Lamartine en Suisse. Ce genre de recherches constitue, si je ne me trompe, une innovation dans la littérature de la varappe, innovation qu'on ne saurait trop encourager. Notre collègue, M. Balavoine, nous a donné là un bel exemple à suivre, car, somme toute, on ne démontre pas uniquement son amour pour la montagne par des récits d'escalades plus ou moins périlleuses, ou par l'établissement de « records » plus ou moins fantasques. Espérons que d'autres de nos clubistes érudits, amateurs des curiosités de la littérature alpestre autant que des péripéties d'une « grimpée » inédite, voudront bien fouiller les archives pour nous rendre compte des sensations éprouvées par les esprits d'élite en présence de ces solitudes sublimes qu'on nomme les montagnes.

En attendant une plume plus autorisée que la mienne, il me sera peut-être permis de compléter par quelques détails supplémentaires, et pour ainsi dire inédits, l'étude si intéressante de notre sympatique collègue de la Section Genevoise.

M. Balavoine croit savoir que la première apparition de Lamartine dans les parages du Léman ne date

que de 18101. Si l'on peut prêter foi aux souvenirs du poète, il en serait autrement, car Lamartine prétend avoir fait un séjour prolongé à Lausanne dès sa plus tendre enfance. Ecoutons-le.

<«< Mon père et ma mère s'étaient établis pour quelques mois à Lausanne pendant la seconde année de leur mariage. Ils habitaient une de ces charmantes maisons qui descendent d'étage en étage de la colline de Montbenon jusqu'à la grève du lac. Gibbon en habitait une contiguë. Les deux jardins se touchaient, séparés seulement par une haie de jasmin. Ma mère qui commençait à me sevrer de son sein, me faisait essayer mes premiers pas dans les allées sablées de gravier du lac, le long du buisson. Gibbon, écrivant on lisant dans une charmille à l'angle de son propre jardin, admirait et écoutait ces jeux et ces voix d'une jeune Française et de son enfant. Il regarda par dessus la haie et crut reconnaître ma mère, qu'il avait vue avant son mariage, chez ma grand'mère, à Paris, au Palais Royal et à Saint-Cloud. Ma mère le reconnut à l'instant aussi, à sa prodigieuse laideur et à la bonhomie proverbiale de sa physionomie. Depuis ce jour, et pendant un long été, les deux maisons n'en faisaient qu'une. Mon père, ma mère, Gibbon et quelques amis des deux voisins furent une seule famille.

Soit pour flatter la charmante mère dans son fils, soit par un goût naturel des hommes d'étude et de solitude pour l'enfance, le grand historien passait ses heures de soirée à jouer avec moi. Ses genoux, me disait ma mère, étaient devenus mon berceau. La fin de l'automne sépara tout: Gibbon repartit

Echo des Alpes, p. 260, alinéa 8.

ECHO DES ALPES.

1908

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pour l'Angleterre, mon père et ma mère pour la France. Le vieillard pleura en me remettant pour la dernière fois aux bras de ma mère. Il lui fit toutes sortes d'heureux présages sur ma destinée, qui n'était encore écrite que dans mes sourires. Je ne crois pas aux présages, mais je ne peux jamais m'empêcher de penser que cette aimable paternité du célèbre écrivain avait jeté une bonne influence d'esprit sur ma vie, et que c'était à cette bénédiction du grand historien que je devais peut-être ma prédilection passionnée pour la haute histoire, le seul poème véritablement épique des âges de raison 1. »

M. Charles de Mazade prétend que Lamartine est certainement un des hommes qui, sans calcul et sans en avoir conscience, ont eu au plus haut degré « la faculté de l'inexactitude. »>

Le jugement est sévère, mais il est juste. Pour celui qui serre d'un peu près la vie et l'œuvre du grand écrivain, cette inexactitude devient désespérante. D'ailleurs, il en est conscient lui-même. « J'ai plus cédé en cela à la popularité qu'à la vérité, » avoue-t-il dans sa critique des « Girondins; » et on est tenté de croire que cette narration si admirablement circonstanciée de son enfance à Lausanne, est née, dans ses détails bien entendu, de l'exubérance artistique d'un de « ces moments d'enthousiasme plus poétique qu'historique, >> dont il se reconnaît coutumier.

Lamartine est né le 21 octobre 1790. Admettons qu'il fut sevré huit mois après, soit en juin, ce serait donc l'été de 1791 qu'il passa à Lausanne. Or, j'ai

1 Cours familier de littérature. Entretien X.

Lamartine, p. 107.

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