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Du col au pâturage de Tenneverge, le chemin descend parallèlement à une chaîne de montagnes qui présente quatre sommets. Ce sont, de l'est à l'ouest, le Pic de Tenneverge, la « Barma-aux- Féïes »; puis, profondément séparée de celle-ci, une tour abrupte suivie d'une deuxième, de forme identique.

Le 20 juillet 1905, avec les guides Emile Revaz et Alexandre Bochatey (de Salvan), je me trouvais au pied du couloir correspondant à l'encoche entre la <«< Barma-aux-Féïes » et la première tour. Notre intention était de remonter ce couloir et d'attaquer ensuite la paroi N-E de la tour, la seule qui ne soit pas absolument lisse et verticale. La vaste plate-forme du sommet, doucement inclinée, vient la rencontrer à angle presque droit.

A 7 h. 2, nous commençons à gravir le couloir. A mi-hauteur nous en sortons sur la droite par une pente gazonnée et raide, coupée par gradins. Nous reprenons bientôt le couloir, puis tirant une

ECHO DES ALPES. - 1908.

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seconde fois à droite, nous gagnons l'encoche, exactement sous l'à-pic occidental de la Barma-aux-Féïes. Trois pitons de roc se dressent entre nous et la paroi de la tour. Sur le versant nord, deux couloirs très étroits et très escarpés, se précipitent, parallèles d'abord, puis réunis en un seul.

Le passage s'effectue plus facilement que nous ne le pensions. Après avoir contourné le dernier gendarme sur le côté nord, nous nous trouvons dans le

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haut du second couloir, à quelques mètres de son sommet, sorte de fenêtre étroite comprise entre le gendarme et la paroi abrupte de notre pointe, si abrupte que nous commençons à douter de pouvoir la franchir.

Bochatey s'élance plusieurs fois, inutilement. Enfin, un pied dans chacun des montants de la fenêtre, semblant vouloir l'ouvrir plus grande en repoussant le roc de gauche et de droite, il s'élève lentement; puis, d'un violent effort, avec infiniment d'adresse et d'équilibre, il se colle à la paroi princi

pale, se dresse, et saisit une bonne prise, qui le conduit à un petit replat. Ici le rocher est moins lisse, mais fort délité. Cependant, préservés par la corde d'une « défenestration» fatale, nous rejoignons B. qui repart aussitôt.

Pendant une demi-heure, nous continuons à monter l'un après l'autre sans apercevoir le sommet, car la pente se redresse au-dessus de nous. Un coup d'œil sur la « Barma-aux-Féïes » nous permet de constater que nous approchons du point d'intersection de la paroi et de la plate-forme. Un surplomb, impossible à contourner, nous arrête. La situation est délicate; nous recourons avec précautions à la courte-échelle, seul moyen de continuer. Debout sur nos épaules, le premier s'accroche à une prise solide, presque hors de portée, puis, un pénible rétablissement le hisse audelà des difficultés, sur le rebord de la plateforme. Tirés à la corde, nous abordons à notre tour sur une sorte de pierrier. Celui-ci monte en pente si douce qu'après quelques pas la paroi escaladée se trouve déjà invisible. Nous enlevons rapidement la corde et, deux minutes plus tard, nous nous trouvons au

sommet.

La construction d'un gros steinmann, surmonté d'une longue dalle, nous prit beaucoup de temps. Il doit être bien visible du Buet.

Avant de repartir, nous fimes à la hâte le tour de la plate-forme. De chaque côté, elle aboutit à un formidable à-pic, d'une profondeur effrayante sur le versant nord.

L'emploi de la double corde et de quatre fiches auxquelles ceux qui nous suivront feront bien de ne pas se fier) nous permit de descendre sans trop de difficultés. Nos guides ont proposé de donner à

notre tour, à laquelle ils ne connaissent pas de nom, celui d'« Aiguille des Chamois ». Je souscris volontiers à leur désir, s'il ne soulève pas d'objections de la part de personnes autorisées.

A LA FORTERESSE (Dents du Midi.)
Première ascension directe par la face S.).

La Forteresse présente deux sommets de même altitude, séparés par une brèche très accentuée, quoique peu profonde. Cette brèche correspond à une fissure qui sillonne, de haut en bas, toute la face de la Forteresse jusqu'à niveau du glacier de PlanNévé, quelques mètres à gauche (en montant) de l'entrée du chemin du Col de la Cime de l'est. A mihauteur environ, une vire horizontale, assez inclinée, traverse toute la paroi, du col de la Cime de l'est au sommet du couloir de la Cathédrale. Formée de plaques lisses, cette vire interrompt, sur l'espace de quelques mètres, la fissure dont il est question.

Le 30 juillet 1907, après avoir couché à Salanfe, je me rendis à Plan-Névé, avec Revaz et le porteur Adolphe Coquoz (de Salvan), dans l'intention de gravir la Forteresse directement du glacier en utilisant la fente verticale. Le temps était peu engageant, mais nous espérions être hors de difficultés avant l'orage qui menaçait. — Le bas de la paroi, peu pourri, demande de grands efforts car les prises, quoiqu'excellentes, sont assez distantes pour nécessiter une série de pénibles rétablissements. Aux approches des plaques de la vire, le rocher devient meilleur, mais l'inclinaison est considérable. Sans difficultés

sérieuses, nous franchissons les plaques, et maintenant toujours la direction, rentrons dans la fissure. La brèche entre les deux sommets ne doit plus être éloignée, à en juger par le vide qui se creuse sous nos pas.

Mais voici que l'escalade se complique brusquement. Nous sommes dans une cheminée verticale, très étroite, qui s'incurve légèrement sur la droite. Le fond en est absolument couvert de glace. Les faces essentielles de la cheminée sont heureusement assez rapprochées pour nous permettre de nous coincer. Nous avançons au prix de grands efforts, mais sans réel danger. Au sortir de la cheminée, le rocher se trouve tout à fait délité, mais nous touchons à la brèche et par quelques mètres de pierres roulantes, nous parvenons au sommet oriental. A gauche de la cheminée verglacée, se trouve une faille qui pourrait également être escaladée, mais le passage en serait moins sùr. En effet, si la difficulté du verglas n'existe pas ici, les prises, en revanche, semblent très peu solides.

Surpris par la grêle, nous descendons tout de suite, pêle-mêle, par l'arête orientale et le col de la Cime de l'est; puis, prenant en écharpe, rejoignons PlanNévé là où nous l'avions quitté, fermant ainsi une vaste boucle autour de la Forteresse. La grêle, la pluie et le vent accompagnent notre retour à Salanfe où nous arrivons à onze heures.

Somme toute, cette nouvelle route peut être recommandée aux amateurs de belle varappe, s'ils sont bien exercés. Les difficultés ne sont pas considérables, et, par un temps sec, les chutes de pierres ne sont pas fréquentes.

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