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à une impasse, nous parvenons pourtant à vaincre une série d'obstacles en découvrant chaque fois un passage inattendu. Enfin la pente est moins forte et le dernier ressaut est franchi. Voici la moraine frontale du glacier du Triolet et voici des traces authentiques qui, au milieu des blocs amoncelés par le glacier ou roulés par le torrent, nous amènent par bonheur à l'étroite passerelle qui nous fait traverser les flots impétueux de la Doire. Plus loin nous trouvons un sentier qui devient tout à fait civilisé; quelle douceur de fouler un honnête chemin bien sage après une vingtaine d'heures de marche dans les rocs, la glace et les précipices!

Nous cherchons un chalet ; c'est là que les illusions ont beau jeu ! Tous les rochers épars dans les prés nous semblent des maisons et nous allons les tâter pour nous détromper; ici nous croyons voir un troupeau de vaches endormies; ailleurs nous prenons pour des personnages de vieux troncs que nous voyons remuer et auxquels les accents tumultueux de la rivière prêtent une voix.

23 août. Nous avançons toujours; enfin, à minuit et demi, renonçant à demander l'hospitalité à des hu mains, nous acceptons celle que nous offrent deux énormes blocs qui s'appuient l'un contre l'autre en ménageant entre eux un espace mal fermé; c'est là que nous allons nous caser. Nous mangeons quelque chose en somnolant, puis étendons nos membres fatigués. Mon ami dort avec conviction, mais le froid ne tarde pas à me réveiller. Je profite de ce que le bois mort est ici en abondance pour faire une immense flambée; et tout près du feu, convenablement rôti d'un côté, tantôt je sommeille et tantôt j'admire en

tre les deux roches écartées la cime des Grandes Jorasses qui là-haut, sur nos tètes, apparaît idéalement illuminée par le clair de lune.

Le même jour, après nous être bien réconfortés à Entrèves, nous montons au col du Géant pour continuer, avec un joyeux enthousiasme, notre série de conquêtes.

Dr ADRIEN SECHEHAYE, médecin-missionnaire.

L'excellent guide Kurz ne donne pour l'ascension de l'Aiguille du Triolet pour le versant Est que des indications très sommaires qui, du reste, se rapportent à une autre voie que celle que nous avons suivie ; (il aborde le sommet par la droite et nous, par la gauche). Nous croyons donc être utiles aux alpinistes, à qui nous recommandons fort cette belle grimpée de rocher, en donnant, outre le pointillé de la photographie, la description suivante du chemin à suivre :

Une grande plaque de neige située au-dessous du sommet mais plus à gauche, s'observe presque à mihauteur du versant oriental; elle s'appuie contre l'arête S.-E. de l'Aiguille du Triolet. Attaquer les rochers situés au-dessous de cette plaque de neige, vers l'endroit où ils descendent le plus bas dans les névés supérieurs du glacier de Pré-de-Bar. Puis gagner par une marche de flanc, de gauche à droite, dans de mauvais rochers, (chutes de pierres) l'épaule rocheuse qui soutient, vers son milieu, le rebord inférieur de cette plaque de neige; à partir de là les rochers sont d'excellente qualité. Contourner cette plaque à droite pour en gagner l'angle supérieur. En grimpant encore plus à droite, on parvient à un

couloir très rapide qui descend directement de la première échancrure de l'arête à gauche du sommet. Traverser ce couloir pour éviter par un contour à droite des passages difficiles; puis revenir à gauche pour atteindre par des escarpements abrupts mais solides, l'échancrure à gauche du sommet, en haut du couloir. Suivre un instant l'arête tranchante puis revenir à droite sur la face orientale pour gagner une étroite vire montante, appliquée contre une paroi verticale. On arrive par cette voie sous le sommet qu'on atteint de là sans difficulté.

De la rimaie jusqu'au sommet 5 heures en comptant largement.

Dr AD. SECHEHAYE

et L. BERTHOUD.

Zermatt en hiver.

Dans le but de faire connaître les splendeurs ignorées de Zermatt en hiver, MM. Seiler projettent de conduire en traînaux, là haut, au commencement de février, quelques membres de la Presse Suisse.

Dans le programme, il est promis une course à Riffelalp. Si le temps est favorable, ce sera une excursion qui ne manquera certes pas de charme.

Les Journaux.

(Janvier 1908).

Zermatt, 2 février 1908.

Hier au soir, nous sommes entrés à Zermatt à nuit close, dans le brouillard, couverts de neige, oppressés par le temps sinistre et la présence invisible, autour de nous, de toutes ces lourdes montagnes glacées.

A la gare de Viège déjà, le ciel, si clair la veille et le matin, semblait moins sûr. Il se gâtait tout à fait à Stalden, et, en approchant de St-Nicolas, c'était la neige, la neige à flocons serrés. Dès lors, notre caravane en traîneaux, dans le crépuscule et la brume, prit l'allure d'un convoi de déportés, emmenés au galop vers quelque Sibérie lointaine. Ce n'est qu'une fois rendus, dans la maison confortable où nous accueillent MM. Seiler, que leurs vingt invités se revoient aux lumières, et reprennent contact avec l'existence autour d'une table hospitalière et parée... Alors le mauvais temps est oublié comme un vilain rêve!

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