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Alexandre dit vous en parlant à la reine Sifygambis,& la reine Sifygambis dit tu en parlant à Alexandre; & cela eft nénéceffaire pour conferver ce caractere étranger. Cette différence de tu à vous donne à la traduction de Lucien, par M. d'Ablancourt, une grace que l'original ne peut avoir car que le philofophe Cynique dife toi à Jupiter, & que tous fes autres perfonnages fe tutoyent, cela fait une plaifanterie, & marque les caracteres; ce qu'il ne fait pas dans le grec on ils ne fauroient parler autrement. Qu'on mette vous au lieu de tu, toute la gentilleffe fera perdue.

Dans les remarques, je ne defcends que très rarement à une critique de mots; car il n'y a rien de plus fec, de plus défagréable & de moins utile dans un ouvrage comme celui-ci, où il y a tant de chofes bien plus importantes que les mots, & qui méritent davantage notre attention. Je me contente d'expliquer tout ce qui eft obfcur, & de rendre raifon des changemens que j'ai faits dans le texte, foit par conjecture, foit par le fecours des manufcrits. Je releve les fautes d'Amiot, au moins les principales ; car il y en a beaucoup dont je ne parle point, car

elles

elles font peu importantes; & le lecteur les remarquera de lui - même, s'il veut prendre la peine de conférer fa traduction avec la mienne. Je n'oublie rien de tout ce qui peut rendre l'original intelligible aux lecteurs ftudieux, & j'ofe promettre qu'ils n'y trouveront rien qui puiffe les arrêter dans cette lecture. Je rapporte tout ce qui eft néceffaire pour la parfaite intelligence de l'antiquité. J'explique les coûtumes, les facrifices, les fêtes & toutes les cérémonies tant publiques que particulieres. J'indique les différentes fources où Plutarque a puifé; & lorfqu'il y a des traditions différentes, je tâche de découvrir les raifons du choix qu'il fait, & de la préférence qu'il donne aux unes fur les autres : & quand l'antiquité fournit des particularités remarquables qu'il a oubliées, je les rapporte avec foin, comme des fupplémens néceffaires de ces vies.

Si je n'avois commenté ces vies que pour les favans, je me ferois épargné certaines réflexions que je fais pour donner les raifons de beaucoup de principes de morale & de politique, qui y font propofés; bien perfuadé que les favans n'ont pas befoin de mes lumieres pour découvrir

découvrir dans un fujet toutes les vérités qu'il renferme. Mais j'écris pour une infinité de jeunes gens qui liront ces vies, & qui ne font pas capables de trouver d'eux-mêmes toutes ces raifons.

Ces réflexions font donc néceffaires. A quoi des remarques peuvent-elles être mieux employées, qu'à rendre raifon de tous les préceptes, de tous les jugemens, en un mot, de tout ce qu'avance un écrivain qui travaille à former les mœurs ? C'eft de la philofophie qu'il faut tirer les éclairciffemens. Le pere d'Horace, après avoir donné à fon fils les préceptes nuds, comme cela convenoit à fon état, lui dit fort bien :

Sapiens, vitatu quidque petitu
Sit melius, caufas reddet tibi. *

<< Les philofophes te diront les raifons pourquoi une chose eft bonne ou mau»vaife, à fuivre ou à fuir ». C'est donc aux fages à rendre raifon de tout, & c'est auffi les fages que je fais parler dans mes remarques; car c'eft de leurs écrits que je tire ce qu'il y a de meilleur ; & c'est ainfi que la jeuneffe doit être inftruite. Quand on lit des hiftoires & des vies Horat, fat. 4. lib. 1.

il eft naturel de vouloir favoir le tems où fe font paffées les actions dont il y eft parlé, & ce n'eft pas toûjours une curiofité infructueufe; mais c'eft à quoi on trouve fouvent de grandes difficultés tant à caufe du défordre & de l'irrégularité du calendrier, que de ce que les mois grecs ne répondent pas exactement aux nôtres. On ne peut pas toûjours déterminer le jour précis dont il s'agit; comment le pourrions-nous aujourd'hui ? Plutarque même ne le pouvoit pas de fon tems. Mais aujourd'hui, dit-il dans la vie de Romulus, les mois des Romains répondent fi mal aux mois des Grecs, qu'il eft très-difficile de marquer précisément le jour de la fête Palilia, qui fut le jour natal de Rome. De-là vient que les favans ne font pas d'accord fur cette matiere. Par exemple, le mois Elaphébolion, que je traduis Avril, eft, felon d'autres, le mois de Mars. Munychion, Thargélion, Scirrophorion, que je prends pour Mai, Juin, Juillet, d'autres prétendent que c'eft Avril, Mai, Juin. Poféidéon, que je prends pour Janvier, eft, felon d'autres, Décembre. Cela pourroit fournir des differtations & des conteftations infinies. Il faut laiffer les chronologistes fe battre fur cela tant qu'ils

qu'ils voudront, cette matiere eft de leur reffort. Mais heureufement ce n'eft pas ce qu'il y a d'important dans ces vies, où nous devons chercher à apprendre d'autres chofes que les dates exactes, & que les bornes des mois, pour les faire quadrer avec les nôtres. Peut-être ne feroit-il pas impoffible de concilier les différens fentimens, parce que les mois des Grecs enjamboient ordinairement fur deux des nôtres, & que Munychion, par exemple, commençoit en Avril, Hècatombaon, en Juillet, &c. Dans l'embarras où jettent ces opinions fi différentes, Lai cru ne pouvoir mieux faire que de fuivre Plutarque même, qui en quelques endroits ajoûte le nom du mois latin au mois grec. Nous voyons que dans la vie de Sylla, en parlant de la prife d'Athenes, il afsûre qu'elle arriva le premier de Mars, qui répondoit, dit-il, à la nouvelle lune du mois Antheftérion; ce qui s'accorde parfaitement avec ce qu'Ap. pien a écrit de la mort de Céfar: Il fut tué, dit-il, le jour des ides de Mars, qui répondent au milieu du mois Antheftérion. Ce mois Antheftérion est donc le mois de Mars felon Plutarque & felon Appien, & nullement le mois de Novembre, com

me

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