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où il fervit long-tems la reine " Omphale, * s'étant lui même impofé cette peine felon la coûtume de ce tems-là. Alors, pendant que la Lydie jouiffoit d'une profonde paix, & que tout y étoit en sûreté, on vit renaître de tous côtés en Grece les premiers defordres, parce qu'il n'y avoit perfonne qui pût ni les punir, ni les réprimer. Voilà pourquoi tous les chemins, par où on pouvoit aller par terre du Péloponefe à Athenes, étoient très - dangereux. Pitthée donc n'oublioit rien pour faire changer de deffein à Thefée, & pour l'obliger d'aller par mer. Il lui peignoit tous ces brigands l'un après l'autre, & lui racontoit tous les traitemens qu'ils faifoient aux étrangers; mais il y avoit déja long-tems que la gloire & la vertu d'Hercule lui avoient fecrettement enflammé le courage. Il n'eftimoit rien au prix de ce héros & étoit toujours prêt à écouter ceux qui lui racontoient quel personnage c'étoit, & fur-tout ceux qui l'avoient vû, & qui pouvoient lui apprendre quelque particularité de fa vie, dont ils euffent été les témoins. Alors on voyoit manifeftement

Omphale fille de Jardanus, & femme de Tmolus.

S'étant lui-même impofe cette peine, felon la coutume de ce tems-là.) Ceux qui avoient commis quelque meurtre, s'exiloient volontairement de leur pays, & s'impofoient certaines peines, jufqu'à ce qu'ils fuffent expiés; & cette coûtume venoit fans doute en partie des anciens Hébreux, à qui Moyle avoit établi des villes de refuge, afin que celui qui avoit

tué quelqu'un par mégarde, s'y retirât jufqu'à la mort du grand Sacrificateur. Hercule alla d'abord à Pýlos, chez Nelée, & de-là à Amycles, où il fut expié par Deiphobus, fils d'Hippolyte ; mais étant devenu extrêmement malade, & ayant confulté Apollon, il lui fut répondu que fes maux ne cefferoient qu'après qu'il auroit été trois ans efclave: c'eft pourquoi il fut vendu à Omphale. Apollod. Liv, 11.

> D'Epidaure

nifeftement qu'il fouffroit les mêmes agitations & le même travail d'efprit, que fouffrit, longtems après lui, Themiftocle quand il dit que les trophées de Miltiade ne le laifloient point dormir. Auffi l'admiration, que lui donnoit la vertu d'Hercule, faifoit que les actions lui revenoient la nuit en fonge, & qu'elles le piquoient le jour d'une noble émulation, & excitoient en lui un violent defir de l'imiter.

La parenté, qui étoit entr'eux, augmentoit encore fa jaloufie; car ils étoient fils de deux coufines germaines, fa mere Athra étant fille de Pitthée, & Alcmene, fille de Lyfidice. Or Lylidice & Pitthée étoient tous deux enfans d'Hippodamie & de Pélops; il trouveroit donc que ce feroit une chose honteufe & infupportable, qu'Hercule eût cherché par-tout le monde les brigands, qu'il en eût purgé la terre & la mer, & que pour lui il évitât même ceux qui fe préfentoient fur fon chemin ; que, par ce lâche embarquement, il deshonorât la mémoire de celui que le bruit du peuple faifoit paffer pour fon pere, & qu'il ne portât à fon véritable pere, pour toutes enfeignes, que des fouliers, & une épée qui ne connoiffoit pas encore le fang, au lieu de lui prouver la nobleffe de fon extraction par de grands exploits & par des actions immortelles. Avec des fentimens si élevés, & plein de ces réflexions, il fe mit en chemin, réfolu de n'attaquer perfonne, mais de repouffer courageufement tous les outrages & toutes les violences qu'on lui feroit.

Comme il paffoit par les terres d'Epidaure",
Periphetes >

D'Epidaure l'Argolide que, eft le chemin de Tré-
z Co-

fur le bord du golfe Saroni- zene à l'Ifthme.

* Periphetes, qui avoit une maffue pour armes, & qui à caufe de cela étoit appellé le Porteur de maffue, eut l'infolence de mettre la main fur lui, & de l'arrêter; Thefée le combattit & le tua; & ravi d'avoir gagné cette massue, il la porta toujours, comme Hercule porta la peau de lion. Cette peau fervoit à faire connoitre l'énorme grandeur de la bête qu'Hercule avoit tuée ; & la maffue, que portoit Thefée, faifoit voir qu'elle avoit pû être prise entre les mains de Periphetes, mais qu'elle étoit devenue imprenable entre les fiennes. De - là, traverfant à l'Ifthme de Corinthe, b il punit Synnis, le Ployeur de pins, de la même maniere dont ce géant avoit fait mourir plufieurs paffans. Ce n'eft pas qu'il eût jamais appris rien de femblable, ni qu'il s'y fût exercé; mais il fit voir par cet effai que la vertu est toujours audeffus de l'art & de l'exercice. Ce Synnis avoit une grande fille fort belle, nommée Perigone, qui avoit pris la fuite, voyant fon pere mort; Thefée couroit de tous côtés pour là chercher, mais elle s'étoit jettée dans un bois épais, tout plein de rofeaux & d'afperges fauvages, qu'elle prioit avec une fimplicité d'enfant, comme s'ils l'euffent entendue, les conjurant de la bien

z Corynetes, fils de Vulcain & d'Anticlie, fa maffue étoit d'airain.

a Entre le golfe de Corinthe & le golfe Saronique.

b Il punit Synnis, le Ployeur de pins, de la même maniere dont ce géant avoit fait mourir ceux qu'il avoit vaincus.) Quand ce géant avoit vaincu quelqu'un, il

cacher

courboit deux pins, attachoit à chacun un bras & une jambe de ce misérable & lâchoit en même tems ces arbres, qui emportoient les membres qu'on y avoit attachés. Paulanias écrit, que de fon tems, fous le regne d'Adrien, on voyoit encore un de ces pins près du rivage.

cacher & de l'empêcher d'être apperçue, & leur promettant avec ferment que, s'ils lui rendoient ce fervice, elle ne les arracheroit ni ne les brûleroit jamais. Cependant Thefée l'appelloit & lui donnoit fa parole qu'il auroit foin d'elle, & qu'il ne lui feroit aucun déplaifir. Perigone, touchée de fes promeffes, fortit du milieu de fes brouffailles, & alla fe rendre à lui. Thefée en eut un fils, qui fut appellé Menalippe. Il la donna enfuite en mariage à Deïonée, fils d'Eurytus, roi d'Echalie. De ce Menalippe nâquit Joxus, lequel, avec Ornytus, fut chef de la colonie qu'on mena en Carie, d'où font venus les Ioxides, qui, de pere en fils, ont confervé la coûtume de n'arracher & de ne brûler ni les afperges ni les rofeaux, mais d'avoir au contraire pour eux une espece de religion, & une vénération particuliere.

C

e Il y avoit alors à Crommyon une Laie,

Il y avoit trois villes de ce nom, une en Theffalie, une en Arcadie, & une dans l'Eubée, & l'on dispute laquelle étoit la patrie d'Eurytus: Sophocle & les autres poëtes font pour la derniere. d De ce Menalippe naquit Ioxus, lequel, avec Orny tus, fut chef de la colonie qu'on mena en Carie.) On ne trouve rien ailleurs de cette Colonie, ni de cette famille des Ioxides. Il paroît par quelques paffages deStrabon, que les Grecs s'établirent à diverses fois dans la Carie. Je ne fai où Amiot a pris qu'Ioxus bâtit la ville

qu'on

des Ioxides. Plutarque n'en dit pas un mot, & jamais cette ville n'a exifté. Tout ce qu'on peut conjecturer de ce que dit Plutarque, é'eft qu'en Carie il y avoit une famille de gens appellés Ioxides, comme defcendans d'Ioxus.

• Il y avoit alors à Crommyon une Laie.) Crominyon ou Cromyon, étoit un bourg du territoire de Corinthe. Thucydide le place à fixvingts ftades de la ville. C'eft-là que fe tenoit cette Laie. Strabon nous apprend qu'elle étoit mere du Sanglier Calydonien, Liv. 8.

f Sug

و

qu'on appelloit la Phaye, qui n'étoit nullement une bête à méprifer; car elle étoit très - dangereufe & très-difficile à vaincre. Thesée la combattit & la tua en chemin faifant, afin qu'on ne crût pas que la néceffité feule lui fit entreprendre tout ce qu'il exécutoit ; & perfuadé d'ailleurs qu'un homme de bien doit non-seulement combattre les méchans pour se défendre de leurs outrages, mais qu'il est obligé de chercher les bêtes les plus courageufes & de les attaquer le premier. D'autres ont pourtant écrit que cette Phaye étoit une femme de Crommyon, qui fe proftituoit à tous venans, & qui vivoit de meurtres & de brigandages; qu'elle fut appellée la Laie, à caufe de fes mœurs corrompues, & de la méchante vie qu'elle menoit, & qu'enfin elle fut mise à mort par Thefée.

Près des frontieres de Megare il défit Scyrron, & le précipita du haut des rochers dans la mer, felon la plus commune opinion, parce qu'il détrouffoit les paffans; ou, felon d'autres, parce que, par une infolence & par un orgueil infupportable, il préfentoit les pieds aux étrangers, leur ordonnoit de les lui laver, & pendant qu'ils le faifoient, il les pouffoit, & les précipitoit du haut de ces rochers. I eft vrai que les hiftoriens de Megare, s'oppofant à cette tradition, & combattant, 8 comme

f Sur les frontieres de l'Attique.

8 Comme dit Simonide.) Il y a eu, en différens tems, quatre Simonides, tous Hiftoriens & Poëtes; de forte qu'il feroit difficile de déci

dit

der duquel d'entr'eux Plu-
tarque rapporte le témoigna-
ge. Je croirois que c'eft du
plus ancien, de Simonide
Amorginus, qui vivoit vers
la 30. Olympiade, du tems
de Tullus Hoftilius.

k Car

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