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MÉMOIRES

SECRETS

POUR SERVIR A L'HISTOIRE

DE LA

RÉPUBLIQUE DES LETTRES
EN FRANCE,

DEPUIS MDCCLXII JUSQU'A NOS JOURS;

OU

JOURNAL

veaux •

D'UN OBSERVATEUR,

CONTENANT les Analyfes des Pieces de Théatre qui
ont paru durant cet intervalle; les Relations des
Affemblées Littéraires; les notices des Livres nou-
clandeftins, prohibés; les Pieces fugitives,
rares ou manufcrites, en profe ou en vers; les Vau-
devilles fur la Cour; les Anecdotes Bons Mots;
les Eloges des Savants, des Artiftes, des Hommes
de Lettres morts, &c. &c. &c.

TOME CINQUIEME.

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MÉMOIRES

SECRETS

POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES EN FRANCE, DEPUIS MDCCLXII JUSQU'A NOS JOURS.

ANNÉE M. DCC. LXIX.

1 Novembre. I L s'eft trouvé à la pofte une lettre ayant pour fufcription: Au Prince des Poëtes, Phénomene perpétuel de gloire, Philofophe des Nations, Mercure de l'Europe, Orateur de la Patrie, Promoteur des Citoyens, Hiftorien des Rois, Panégyrifte des Héros, Ariftarque des Zoiles, Arbitre du goût, Peintre en tout genre, le même à tout âge, Protecteur des Arts, Bienfaiteur des talents ainfi que du vrai mérite, Admirateur du génie, Fleau des perfécuteurs, Ennemi des fanatiques, Défenfeur des opprimés, Pere des Orphelins, MoA

Tome V.

dele des riches, Appui des indigents, Exemple immortel des fublimes vertus.

Cette lettre, tout confidéré, a été rendue à M. de Voltaire, quoiqu'elle ne portât pas fon nom, comme le feul à qui toutes ces qualités puffent convenir. Bien des gens qui ne feront pas d'accord qu'elles foient toutes méritées, & il femble que le fuscripteur lui eût pu donner des louanges moins équivoques & plus délicates, fans compromettre la vérité.

Les ennemis de M. de Voltaire prétendent que c'eft lui-même qui s'eft adreffé ou fait adreffer la lettre; ils appuient cette conjecture fur l'invraisemblance qu'elle pût venir d'ailleurs que des petites maisons, fur la fureur infatiable qu'a ce grand homme de faire parler de lui, & fur mille petites rufes de la même efpece qu'on fait, à n'en pas douter, qu'il a employées plufieurs fois avec une impudence auffi groffiere.

2 Novembre 1769. Dieu & les Hommes, Euvre Théologique, mais raisonnable, par le doctear Oberu, traduit par Jacques Aimon. Tel eft le titre d'un volume in-8°. de 204 pages, qui repaît en ce moment la curiofité des incrédules. En effet cette œuvre prétendue théologique, n'eft qu'une œuvre du diable, & n'en eft que plus courue. Le fond, très-rebattu, eft enrichi des graces du ftyle, & les connoiffeurs y reconnoiffent la touche du philofophe de Ferney. Cet auteur infatigable a voulu donner fans doute matiere à une nouvelle abjuration pour l'année prochaine, lorfqu'il fera fes pâques avec la ferveur dont il édifie le public depuis deux ans.

4 Novembre 1769. L'arrangement de la ville

au fujet de l'opéra n'eft pas encore fini, quoiqu'il foit arrêté. Bien des gens préfument que malgré ces premieres difpofitions, il n'aura pas lieu de la maniere dont on a parlé. On remue fortement auprès du corps municipal pour changer cette adminiftration, qui n'opéreroit rien de mieux que du temps où elle a eu lieu déja. On fent qu'un magiftrat & des échevins tirés du commerce, ou d'autres états du tiers ordre, ne peuvent apporter dans cette manutention les difpofitions nécessaires à bien régir une machine auffi compliquée, & qui exige dans le directeur une réunion de connoiffances prefqu'impoffible. D'un autre côté, les nouveaux propofés n'ont pas un mérite plus tranfcendant que leurs deux anciens confreres. D'ail leurs, les encouragements qu'on leur offre pour exciter leur induftrie, font trop foibles, trop incertains, trop éloignés. Ces réflexions, qu'on propofe à la ville & fur lefquelles on appuie, excitent une grande fermentation à ce bureau & il eft effentiel de bien débuter. Les opéra exécu tés à Fontainebleau cette année, n'ont pas fait honneur à ceux qui en ont fait le choix, & les ballets mêmes, genre où nous excellons aujourd'hui, n'ont pas répondu à ce qu'on avoit lieu d'attendre. C'étoit le cas où MM. le Breton & Trial auroient pu réparer le mauvais goût qu'on leur reproche.

8 Novembre 1769. On a parlé de la fermentation qu'avoit occafioné, il y a près de trois mois, le panégyrique de St. Louis prêché à la chapelle du Louvre devant MM. de l'académie Françoife, par M. l'abbé Couturier, chanoine de Saint-Quentin. L'orateur avoit été obligé de fe difculper pardevant M. l'archevêque, & fe

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