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cultivé. Il est arrofé de beaucoup de ruiffeaux, dont quelques-uns, comme celui de la rivière profonde, coulent dans des ravins d'une profondeur effrayante. Je m'en apprechai en retournant à la ville; le chemin paffe très-près du bord; je m'eftimois à plus de trois cents pieds d'élévation de fon lit. Les côtés font couverts de cinq ou fix étages de grands arbres: cette vue donne des vertiges.

A mefure que je descendois vers la ville, je fentois la chaleur renaître, & je voyois les herbes perdre infenfiblement leur verdure jufqu'au port où tout eft fec.

LETTRE XXI.

Du Port-Louis.

UN officier m'avoit proposé, Ma

dame, de faire le tour de l'île à pied: mais quelques jours avant le départ, il s'excufa je réfolus d'exécuter feul ce projet.

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Je pouvois compter fur le Noir qui m'avoit déjà accompagné; if étoit petit, mais il étoit robufte. C'étoit un homme d'une fidélité éprouvée, parlant peu, fobre & ne s'étonnant de rien.

J'avois acheté un efclave depuis peu, à qui j'avois donné votre nom, Madame, comme d'un bon augure pour lui. Il étoit bien fait, d'une figure intéressante mais

d'une complexion délicate; il ne parloit point françois.

Je pouvois encore compter fur mon chien , pour veiller la nuit & aller le jour à la découverte. Comme je favois bien que je ferois plus d'une fois feul, fans gîte dans les bois, je me pourvus de tout ce que je crus néceffaire pour moi & pour mes gens. Je fis mettre à part une marmitte, quelques plats, dix-huit livres de riz, douze livres de bifcuit, autant de maïs, douze bouteilles de vin, fix bouteilles d'eau-de-vie, du beurre, du fucre, des citrons, du fel, du tabac, un petit hamac de coton, un peu de linge; un plan de l'île dans un bambou, quelques livres,

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un fabre, un manteau le tout enfemble pefoit deux cens livres. Je partageai toute ma cargaifon en quatre paniers; deux de foixante livres & deux de quarante. Je les fis attacher au bout de deux forts rofeaux. Mon Noir fe chargea du poids le plus fort, Duval prit l'autre. Pour moi j'étois en vefte, & je portois un fufil à deux coups, une paire de piftolets de poche & mon couteau de chaffe.

Je réfolus de commencer mon voyage par la partie qui eft fous le vent. Je me propofai de fuivre conftamment le bord de la mer afin de me faire un fyftême de la défenfe de l'île, & de recueillir, felon l'occafion, quelques obfervations d'hiftoire naturelle.

Un habitant s'offrit de m'accom pagner jufqu'à fa terre, fife à cinq lieues de la ville, aux plaines SaintPierre. Une autre perfonne fe mit encore de la partie.

Nous partîmes de bon matin, nous prîmes le long du rivage. Depuis le Fort-Blanc, fur la gauche du port, la mer fe répand fur cette gréve, qui n'est point escarpée, jufqu'à la pointe de la plaine aux fables. On a construit là la batterie de Paulmi. Le débarquement feroit impoffible fur cette plage, parce qu'à deux portées de fufil, il y a un banc de refcifs qui la défend naturellement. Depuis la batterie de Paulmi, le rivage s'élève à pic; la mer y brife de manière qu'on

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