MARTINE. Non, je veux demeurer pour t'encourager à la mort; et je ne te quitterai point que je ne t'aie vu pendu. SCÈNE X. GÉRONTE, SGANARELLE, MARTINE. GÉRONTE, à Sganarelle. Le commissaire viendra bientôt, et l'on s'en va vous mettre en lieu où l'on me répondra de vous. SGANARELLE, à genoux. Hélas! cela ne se peut-il point changer en quelques coups de bâton? GÉRONTE. Non, non; la justice en ordonnera. Mais que vois-je? SCÈNE XI. GÉRONTE, LEANDRE, LUCINDE, SGANARELLE, LUCAS, MARTINE. LÉANDRE. Monsieur, je viens faire paroître Léandre à vos yeux, et remettre Lucinde en votre pouvoir. Nous avons eu dessein de prendre la fuite nous deux, et de nous aller marier ensemble; mais cette entreprise a fait place à un procédé plus honnête. Je ne prétends point vous voler votre fille, et ce n'est que de votre main que je veux la recevoir. Ce que je vous dirai, monsieur, c'est que je viens, tout-à-l'heure, de recevoir des lettres par où j'apprends que mon oncle est mort, et que je suis héritier de tous ses biens. GÉRONTE. Monsieur, votre vertu m'est tout-à-fait considérable, et je vous donne ma fille avec la plus grande joie du monde. SGANARELLE, à part. La médecine l'a échappé belle! MARTINE. Puisque tu ne seras point pendu, rends-moi grace d'être médecin, car c'est moi qui t'ai procuré cet honneur. SGANARELLE. Oui! c'est toi qui m'as procuré je ne sais combien de coups de bâton ? LÉANDRE, à Sganarelle. L'effet en est trop beau pour en garder du ressentiment. SGANARELLE. Soit. (A Martine.) Je te pardonne ces coups de bâton en faveur de la dignité où tu m'as élevé : mais prépare-toi désormais à vivre dans un grand respect avec un homme de ma conséquence, et songe que la colère d'un médecin est plus à craindre qu'on ne peut croire. FIN DU MEDECIN MALGRÉ LUI. ÉROXÈNE. Je ne fais pour Tyrène éclater que rigueur, DAPHNÉ. Puis-je savoir de toi ce choix qu'on te voit taire ? ÉROXÈNE. Oui, si tu veux du tien m'apprendre le mystère. Sans te nommer celui qu'Amour m'a fait choisir, Je puis te contenter par une même voie, La boîte que le peintre a fait faire pour moi Il est vrai, l'une à l'autre entièrement ressemble, Faisons en même temps, par un peu de couleurs, Voyons à qui plus vite entendra ce langage, La méprise est plaisante, et tu te brouilles bien; Il est vrai; je ne sais comme j'ai fait la chose. Donne. De cette erreur ta rêverie est cause. ÉROXÈNE. Que veut dire ceci? Nous nous jouons, je croi: Tu fais de ces portraits même chose que moi. DAPHNÉ. Certes, c'est pour en rire, et tu peux me le rendre. ÉROXÈNE, mettant les deux portraits l'un à côté de l'autre. Voici le vrai moyen de ne se point méprendre. De mes sens prévenus est-ce une illusion? Mon ame sur mes yeux fait-elle impression? DAPHNÉ. Myrtil à mes regards s'offre dans cet ouvrage. ÉROXÈNE. De Myrtil dans ces traits je rencontre l'image. DAPHNÉ. C'est le jeune Myrtil qui fait naître mes feux. Je venois aujourd'hui te prier de lui dire Les soins que pour son sort son mérite m'inspire. Je venois te chercher pour servir mon ardeur DAPHNÉ. Cette ardeur qu'il t'inspire est-elle si puissante? ÉROXÈNE. L'aimes-tu d'une amour qui soit si violente? DAPHNE. Il n'est point de froideur qu'il ne puisse enflammer, Et sa grace naissante a de quoi tout charmer. ÉROXÈNE. Il n'est nymphe en l'aimant qui ne se tînt heureuse; Et Diane, sans honte, en seroit amoureuse. DAPHNÉ. Rien que son air charmant ne me touche aujourd'hui; Il efface à mes yeux tout ce qu'on voit paroître; Ce seroit donc en vain qu'à chacune, en ce jour, J'ai peine à concevoir, tant la surprise est forte, Soit. Je vois Lycarsis avec Mopse et Nicandre. Que ces bois vont jouir aujourd'hui de sa vue, Et qu'on raisonne fort touchant cette venue. NICANDRE. Nous n'avons pas envie aussi de rien savoir. LYCARSIS. Je vis cent choses là, ravissantes à voir; ÉROXÈNE. Et nous venons ici chercher votre alliance, Nymphes... Je suis... LYCARSIS. DAPHNÉ. ÉROXÈNE. De qui pensez-vous donc qu'ici nous vous parlons? LYCARSIS. Je ne sais; mais Myrtil n'est guère dans un âge Pour ce bien seul nous poussons des soupirs. Son mérite naissant peut frapper d'autres yeux; LYCARSIS. ÉROXÈNE. Et l'on veut s'engager un bien si précieux, Comme par son esprit et ses autres brillants Il est vrai qu'à son âge il surprend quelquefois ; Il n'est point tant enfant, qu'à le voir chaque jour Ils pourroient bien s'aimer, et je vois... |