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Tout est en branle ajoncs, genêts et campanules,

Et dans l'air, le bouleau, souple aux rythmes du vent.
Puis le fouet claque : "Allons! en avant!"-Les deux mules

Se roidissent, leur pied bat le sol... " En avant!"
Rien ne bouge; le sol n'est qu'une fondrière.
Jante et moyeu sont pris à l'étau; tour à tour
Le pauvre homme va, vient, du timon à l'arrière;
Tout s'enfonce au bourbier qui grandit à l'entour.

Il tire et pousse, ahane et tremble; à ses épaules
Le sang vient de jaillir, et de ses yeux les pleurs ;
Quand, par le haut sentier qui court sous les vieux saules,

Passe une Dame au long manteau brodé de fleurs ;

Des fleurs bordent son voile en guise de dentelle ;

Elle approche et arrête au bord du haut sentier :
"Mon ami, je suis lasse et j'ai bien soif, dit-elle;
Quelques gouttes de vin!..." dit-elle au charretier.

Son langage était doux à la fois et sévère :
Souriante et plaintive, elle tendait la main.
"Quelques gouttes!..."-"Hélas, je n'ai coupe ni verre !
Et me voilà cloué dans ce maudit chemin !... "

- Un verre ?... Prends ceci ; prend cette coupe blanche Que DIEU vient de suspendre à ces halliers fleuris,

Ce calice vivant qui s'allonge et se penche,

Si beau qu'on n'en fait point de plus beaux à Paris.
Le pied est d'émeraude et la coupe de neige;

Prends ce joyau creusé par l'artiste divin:

Emplie-le-moi, brave homme, et que Dieu te protège !...

C'était un liseron: l'homme l'emplit de vin.

Or, la Dame y trempa sa lèvre avec délice,

Disant des mots tout bas comme pour le bénir.

Depuis, le liseron aux plis de son calice

Garde une veine rouge ou rose, en souvenir.

Mais dans le haut sentier qui court sous les vieux saules,
Plus de Dame au long voile, au long manteau flottant;
Le charretier n'a plus de blessure aux épaules,

Et le chariot roule et roule, en cahotant.

* *

J'ignore le pays où la chose s'est faite;

Ce fut sans doute en France ou bien aux environs;
Mais dans les jours de mai, quand la terre est en fête,
En calice, au matin, s'ouvrent les liserons.
Moi, j'aime ce calice émaillé par l'aurore,
Portant son diamant de rosée au milieu;

Et qui, dans notre Alsace (oni, disons notre encore),
A nom: Verre fleuri de la Mère de Dieu.

Je ne sais comment la gravure que nous avons sous les yeux, qui représente l'Alsace quêtant pour les blessés, pendant la guerre franco-prussienne, m'a remis en mémoire la gracieuse légende du Liseron, si bien racontée par le P. V. Delaporte, S. J., dans ses Récits et Légendes. Je ne résiste pas au plaisir de la reproduire, car bien peu, trop peu de lecteurs canadiens connaissent ces délicieux poèmes du P. Delaporte.

L'artiste qui a peint le portrait idéal de l'Alsace, que nous reproduisons aujourd'hui, est une femme: Sophie de Bouteiller, dame de Saux, dite Henriette Browne. Elle naquit à Paris, en 1829, et fut élève de Chaplin. Elle s'adonna surtout au portrait, soit idéal, soit réel. Ses tableaux les plus remarquables sont: Pendant la guerre,Sœur de charité,—l'Alsace.

A. Leglaneur.

LE P. JEAN-PIERRE AULNEAU, S. J.

(Suite et fin)

Au mois d'avril 1736 le P. Aulneau nous informe dans une de ses lettres qu'il se proposait d'aller passer une partie de l'été sur le lac Winnipeg, avec les Assiniboines qui occupaient la partie sud du lac. L'autre partie était habitée par les Cris qui s'avançaient jusqu'à la baie d'HudsonPlusieurs bandes crises erraient également dans les prairies de l'Ouest. Après avoir séjourné sur les rives de ce lac, pendant l'été, il avait l'intention vers la Toussaint de suivre les Assiniboines avec quelques Français de bonne volonté, pour se rendre chez les tribus que son supérieur lui avait assignées.

L'abondance et la qualité du poisson attiraient les Assiniboines au lac Winnipeg. Dès les premières gelées d'automne, ils prenaient la route du sud-ouest afin d'échanger une partie de leur poisson pour du maïs que cultivaient les" Kaotickouack." Le P. Aulneau voulait s'enrégimenter dans cette bande et les accompagner dans leur course, qui les conduisait chez les sauvages sédentaires du Missouri.

Tels étaient les projets qu'il nourrissait au printemps 1736. Ils ne devaient jamais se réaliser. Pourquoi renonça-t-il à cette entreprise et le voit-on, le 8 juin, entreprendre le voyage à Michillimakinac? Cette question donne lieu à plusieurs considérations.

Durant l'hiver 1735-36 Christophe Dufrost de La Jemmeraye était mort au fort Maurepas, à la décharge de la rivière Winnipeg.

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