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De mon dernier aveu que le dur souvenir
Augmente la douleur de ton dernier soupir,
Et songe, en expirant à ton culte infidèle,
Que je n'avois pour toi qu'une haine immortelle.

(Elle arrache son voile, et sort avec les Amalécites sous la garde d'une
troupe de lévites.)

MOISE.

Allez, brisez la tête à cet ingrat serpent,
Et tarissez les flots du venin qu'il répand.

SCÈNE IV.

MOISE, NADAB, MARIE, PEUPLE ET SOLDATS,

MARIE.

Du Très-Haut, pour Nadab, implorons la clémence.
NADAB, dans la stupeur.

Mon songe disparoît dans un abîme immense.
Ta malédiction, Aaron infortuné,

Comme un manteau brûlant couvre ton premier né.
Tu ne m'entendras plus te parler, te sourire;

Tu ne me verras plus chaque matin te dire :

« Viens, mon père, au soleil réchauffer tes vieux ans : << Viens prier l'Éternel et bénir tes enfants.»>

(Il fait quelques pas sur le théâtre.)

Mais par quel corps sanglant est ma marche heurtée ?
Aux corbeaux du désert une femme jetée.....
Noirs vautours attachés à ce sein éclatant,

Je demande ma part du festin palpitant.

Tu ne peux plus du moins repousser ma tendresse, Arzane, dans mes bras je te tiens, je te presse. Nous aurons au soleil montré dans un seul jour

Des prodiges nouveaux et de haine et d'amour.
Jéhovah! puisqu'Arzane à ma flamme est ravie,
Je te rends tes présents, je renonce à la vie :
Pour aller aux enfers m'unir à la beauté
Je cours t'offrir l'encens que respire Astarthé.
(Il fuit.)

MOISE, aux lévites.

Suivez-le, gardez-le de sa propre misère.
Ne verse point sur lui, Seigneur, dans ta colère
Les feux dont Séboïm jadis fut consumé,

Et

que de ton courroux le trésor soit fermé!

(Les lévites suivent Nadab. Moïse parlant à Marie.) Vous, femme forte et sage, à la vertu nourrie, Soignez l'âme d'Aaron d'un coup affreux meurtrie : Par mes ordres secrets Benjamin et Caleb

Ont arrêté mon frère à la source d'Oreb.

(Marie sort; le ciel commence à se couvrir; on entend un coup de tonnerre. Moïse, après avoir regardé le ciel et la montagne, dit :)

Quel présage effrayant! Dieu vient : à sa présence,
La mer à fui; la terre attend dans le silence;
Et les cieux, dont il fait trembler l'immensité,
S'abaissent sous les pas de son éternité.

SCÈNE V.

LES PRÉCÉDENTS, UN LÉVITE.

LE LÉVITE.

Par la fureur du peuple Arzane lapidée

Est rendue aux démons qui l'avoient obsédée.
Mais Nadab l'a suivie : en proie au désespoir,
Chargeant de feux impurs un impur encensoir,

POEMES DIVERS.

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MOÏSE. ACTE V, SCÈNE V.

Il souilloit l'holocauste, alors

que sur la poudre

Il est tombé soudain.

MOISE.

Qui l'a frappé ?

UN LÉVITE.

La foudre.

MOISE.

O justice incréée, arbitre souverain,

Je n'ai donc plus l'espoir de désarmer ta main !

(Au peuple.)

Oui! vous serez punis : il faudra que l'épée
Cherche encor parmi vous la victime échappée.
Vous mourrez au désert, et vos jeunes enfants
Dans Jericho sans vous entreront triomphants.
Caleb et Josué, sauvés par le Dieu juste,
Seuls du sacré Jourdain passeront l'onde auguste.
Moi-même, tout flétri de votre iniquité,
Du pays de Jacob je serai rejeté.

Salut, mont Abarim, d'où les yeux de Moïse
Découvrirent les bords de la Terre-Promise,
Abarim où, chantant mon cantique de mort,
Je bénirai ce peuple en un tendre transport.
(Il étend les mains sur le peuple qui s'incline.)
Tribus, je vous bénis comme à ma dernière heure.
Au sein de mes enfants que je vive et je meure;
Et qu'après mon trépas un voyageur divin

Des vrais champs d'Abraham leur montre le chemin.

FIN.

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