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NUMÉRO III.

Nombre du verbe, lorsqu'il est précédé de plusieurs sujets ou

nominatifs.

PREMIÈRE CIRCONSTANCE.

1325 Remords, crainte, périls; RIEN ne m'a retenue. | Un souffle, une ombre, un rien; TOUT lui don

1326

RAC. Brit. 4, 2.

Femmes, moine, vieillards; Tour était des

cendu. La F. 7, 9.

Hommes, dieux, animaux; Tour y fait quelque

rôle. La F. 5, 1.

Ni moi, ni PERSONNE, n'a pu se plaire à ces extravagances. VOLT. Candide.

nait la fièvre. La F. 2, 14.

CHAQUE JOUR, CHAQUE INSTANT, pour rehaus

ser ma gloire,

Met laurier sur laurier, victoire sur victoire.
CORN. Cid.

Avant tout, compte sur toi. Voisins, amis, parents; CHACUN préfère son intérêt à celui de tout autre.

On ne pourrait pas dire, sans blesser l'idéologie, hommes, dieux, animaux, TOUT y font quelque rôle; remords, crainte, périls, BIEN ne m'ont retenue ce serait comprendre dans la même addition les parties et le tout, comme si le tout n'était lui-même qu'une partie.

Qui ne voit qu'il y a dans ces phrases une véritable équation, que TOUT renferme hommes, dieux, animaux? Que RIEN, PERSONNE, totalisent aussi, quoique en excluant, et què CHACUN totalise en distribuant ? L'idée exige donc que, lorsqu'après ou avant plusieurs substantifs, il y en a un qui totalise ou récapitule, l'accord du verbe se fasse avec celui-là seul.

Nous disons ou avant. Ainsi on dirait également Tour y fait quelque rôle; hommes, dieux, animaux; RIEN ne m'a retenue, remords, crainte ni périls.

Dans toutes ces phrases, le verbe est autant de fois ellipsé qu'il y a de substantifs, non compris le récapitulant. Voici donc la construction pleine des deux premiers exemples:

Hommes y font.

Dieux y font....

Animaux y font. quelque rôle.

Tout y fait..

Remords ne m'ont retenue.

Crainte ne m'a retenue.

Périls ne m'ont retenue.
Rien ne m'a retenue.

Il est facile de voir par ces tableaux què sí, après tout et RIEN, on eût pluralisé le verbe, tout était confondu en un tout monstrueux qui serait composé et de ses parties et de lui-même.

Singulier débat entre Wailly et Roussel de Bréville.

Voltaire, comme on a vu, a dit dans Candide, ni moi ni personne, en Italie, n'a pu se plaire à ces extravagances.

27

M. Wailly aurait voulu qu'il dît: Ni personne ni moi n'avons pu nous plaire à ces extravagances.

M. Roussel.

Ni moi ni personne n'avons pu nous plaire à ces extravagances.

La politesse française, dit M. Wailly, veut que celui qui parle se nomme le dernier; dites donc ni personne ni moi. Mais que peut signifier moi après personne? Quelle gradation! ni personne ni moi! Si personne veut dire pas un homme quelconque, quand je dis personne, est-ce que je ne me trouve pas exclu comme tout autre ? Si donc, après personne, on veut que j'ajoute ni moi, et que ce soit là me faire parler en homme poli, n'est-ce pas vouloir que, par politesse, je me retranche du nombre de mes semblables?

M. Roussel de Bréville a bien senti qu'en pareille circonstance il fallait, de toute nécessité, être impoli. Mais nous prétendons que ce n'est point encore assez; IL FAUT ÊTRE VRAI. Or la vérité est

Que je ne puis pas plus additionner

{

ni moi ni personne

que ni personne ni moi.

Car on sait que ni est la traduction de neque ou nec des Latins, réunion de ne et de que, qui signifie et : nous verrons, lorsque nous traiterons du mot ne, que ni est en effet souvent remplacé par et ne.

L'or et la soie ne brillaient point chez eux. VOLT. Contes en vers.

DEUXIÈME CIRCONSTANCE,

Ou quand il y a gradation dans les substantifs, ou qu'on veut porter l'attention sur le dernier.

Il ne faut aux princes et aux grands ni | Le Pérou, le Potose, Alzire EST sa conquête. efforts ni étude pour se concilier les cœurs. Une parole, un sourire gracieux, un seul regard suffit. D'AGUESSEAU.

L'homme ne doit pas compter sur la vie. Une vapeur, un grain de sable suffit pour la terminer. LAHARPE.

VOLT. Mahomet. Le besoin, la raison, l'instinct DOIT nous porter

A faire nos moissons plutôt qu'à les chanter.
VOLT. Dialogue de pégaze.
La trahison, le meurtre EST le sceau du men-
songe. VOLT. Henriade. 2.

Que te dirai-je enfin ? C'est le ciel qui m'appèle
Une église, un prélat m'ENGAGE en sa querelle.
BOIL. Lutr. 2.

Un seul mot, un soupir, un coup d'œil nous Mais le fer, le bandeau, la flamme EST toute TRAHIT. VOLT. OEdipe. prête. Rac. Iphig. 3, 5.

Dans les quatre premiers exemples, le pluriel serait une faute. Une parole, un sourire gracieux, un seul regard suffisent, changerait la pensée de Daguesseau. Tel est le penchant de l'homme social à la servitude, qu'une seule de ces trois choses suffit aux princes et aux grands, quels qu'ils soient, justes ou injustes, pour se concilier les cœurs. Ne sait-on

1328

pas que le grand Racine mourut de douleur, parce qu'un jour, à l'œil-debœuf, il fut privé de ce regard du maître ? J'avoue que ce sens-là me manque, et que jamais je ne mourrai de cette mort.

Dans les derniers exemples, l'idée ne repousserait point le pluriel. Car c'est tout à-la-fois une église et un prélat qui m'engagent en leur querelle; c'est tout à-la-fois le fer, le bandeau, la flamme qui sont prêts, etc.; mais c'est sur le dernier substantif que l'auteur veut attirer l'attention. Or, combien plus de rapidité le singulier donne à l'expression!

TROISIÈME CIRCONSTANCE,

Ou accord du verbe avec le sujet le plus prochain, quoiqu'il n'y ait ni récapitulation ni gradation.

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| La joie et le plaisir de tous les conviés
Attend, pour éclater, que vous vous embrassiez.
RAC. Brit. 5, 2.

Mais, à cette dernière fois, la valeur et le grand nom de Cyrus fit que les Perses ses sujets eurent la gloire de cette conquête. BossUET, Hist. univ.

A suivre ce grand chef l'un et l'autre s'apprête.
BOIL. Lutr. 2.
L'un et l'autre excès chaque, et tout homme
bien sage

Doit faire des habits ainsi que du langage.
MOL. Écoles des Maris, 1, 1.
Mais pourquoi, dira-t-on, cet exemple odieux ?
Que peut servir ici l'Egypte et ses faux dieux ?
BOIL. Sat. 8.

Le bonheur et le malheur des hommes ne dépend pas moins de leur humeur que de la fortune. LAROCHEF. Max.

Dans ces phrases et autres semblables, le verbe ne s'accorde qu'avec le premier ou le dernier substantif; il est sous-entendu pour tous les

autres.

Le pampre, le laurier, le myrte suit tes pas.

C'est-à-dire.

le

pampre suit tes pas. le laurier suit tes pas. le myrte suit tes pas.

La présence de et lui-même n'empêche pas de faire l'ellipse. A Paris règne la liberté et l'égalité. Voyez l'accord de l'adjectif en pareille circonstance, car c'est la même analogie, et nous ne pourrions guère que nous répéter.

QUATRIÈME CIRCONSTANCE,

Ou lorsque l'accord ne se fait avec aucun des sujets exprimés, mais avec un sujet pluriel sous-entendu.

329 La mouche et la fourmi cortestaient de leur

prix. LA F. 4, 3.

Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.

LA F 2, 11. La violence et la vertu ne peuvent rien l'une sur l'autre. PASCAL. 12° Lettre pov.

Je soutiens qu'il n'y a qu'un géomètre et un sot qui puissent parler sans figures. J.-J. R. Nouv. Hél.

Ni l'orni la grandeur ne nous rendent heureux.
LA F.
Patience et succès marchent toujours ensemble.
VILLEFRÉ.

L'oret l'argent s'épuisent, mais la vertu, | Le marchand, l'ouvrier, le prêtre, le soldat, la constance... et la pauvreté ne s'épuisent Sont tous également des membres de l'état. jamais. MONT. Gr. et déc. des Rom. 4.

Seigneur, quand par le fer les choses sont vidées,

La justice et le droit sont de vaines idées.

CORN. Pompée. 1, 1.

VOLT.

C'est cette quatrième circonstance ou 4o analogie qui a fait établir la fameuse règle des rudiments, encore plus curieuse par sa rédaction, que dangereuse par sa trop grande généralité.

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Quand un verbe a deux nominatifs singuliers, on met ce verbe au

» pluriel, parce que deux singuliers valent un pluriel. »

,

Quand un verbe a deux nominatifs! prenons un exemple facile :

La mouche et la fourmi constestaient de leur prix.

Contestaient aurait, pour un de ces nominatifs, LA MOUCHE, et pour l'autre LA FOURMI, comme si l'on disait la mouche contestaient, la fourmi

contestaient.

On dira contestaient est affirmé de la mouche et de la fourmi. Nous répondrons comment peut-il l'être de tous les deux, puisqu'il ne l'est ni de l'un ni de l'autre ?

Deux singuliers valent un pluriel. Il ne s'agit point ici de savoir ce qu'ils valent, mais ce qu'ils sont, puisqu'il s'agit ici d'une identité à recon

naître.

Il est donc de toute impossibilité d'expliquer, par la règle des rudiments, le verbe au pluriel employé à la suite de deux nominatifs singuliers: l'ellipse seule peut en rendre compte.

Construisons le vers de La Fontaine :

La mouche et la fourmi contestaient de leur

prix;

c'est-à-dire,

deux animaux contestaient de leur prix. la mouche contestait.....

la fourmi contestait.....

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D'OÙ CE PRINCIPE :

Lorsque l'idée exprimée par le verbe est affirmée de plusieurs sub>> stantifs singuliers, et que le verbe est au pluriel, ce verbe ne se rapporte » ni à l'un, ni à l'autre, mais à un nominatif ou sujet pluriel sous-en>> tendu. >>

Mais quand faudra-t-il mettre le verbe au pluriel?

Lorsqu'il n'y aura ni récapitulation ni gradation, ou que vous ne voudrez pas faire porter l'attention sur le substantifle plus prochain.

Au reste, ce sujet a déjà été approfondi lorsqu'il a été traité du nombre de l'adjectif.

NUMÉRO IV.

Nombre après un ou plusieurs infinitifs.

1330

Hair est un tourment, aimer est un besoin de l'âme. MARMONTEL.

1331

Bien écouter et bien répondre est une des plus grandes .perfections que l'on puisse avoir dans la conversation. LAROCHEF. Max. 159.

Vivre sans se connaître est un trop dur sup- Se plaindre est une honte, et soupirer un crime. plice. CORN. Horaces. 4, 4.

RAC.

Il y a peu d'exemples où l'infinitif soit ainsi le sujet du verbe ; car presque toujours après l'infinitif, on ajoute le substantif ce devant le verbe personnel.

Laisser le crime en paix, c'est s'en rendre mauvais office que celui que J'ou rendit complice. CREBillon.

Détromper un hommes préoccupé de son mérite, c'est lui rendre un aussi

à ce fou d'Athènes, qui croyait que tous les vaisseaux qui arrivaient dans le port étaient à lui. Larocher. Max. 92.

On trouve quelquefois les deux tournures dans une même phrase :

Mourir pour le pays, n'est pas un triste sort;

C'est s'immortaliser par une belle mort. CORN, Cid, 4, 5.

NUMÉRO V,

Ou lorsque le sujet est tout ensemble un substantif absolu et un relatif, ce qui arrive dans trois circonstances:

1o Lorsque la phrase est interrogative;

2o Lorsque le substantif absolu est construit avec un adjectif actifayant, étant;

3° Lorsque le mot il est pris dans un sens absolu.

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