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REVUE

NATIONALE

NATIONALE

ET ÉTRANGÈRE

POLITIQUE, SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE

TOME NEUVIÈME

PARIS

AU BUREAU DE LA REVUE NATIONALE

28, QUAI DE L'ÉCOLE, 28

1862

Réserve de tous droits

AP 20. f115

v. 9

Centin.
Sanooni
46.54
86672

LE POUVOIR TEMPOREL

DEVANT L'HISTOIRE

I

On a beaucoup entendu parler, dans ces derniers temps, des donations de Constantin, de Pepin, de Charlemagne. La confiance naïve avec laquelle un certain nombre des défenseurs du pouvoir temporel invoquent ces vieilles chartes n'a d'égal que l'étonnement de ceux qui savent à quoi se réduisent ces titres si fièrement invoqués. La question semblait depuis longtemps vidée; mais l'obstination qu'on met à fausser l'histoire nous impose le devoir d'une égale persévérance à la rétablir.

On sait ce qu'étaient les papes aux premiers siècles de l'Église. Ils étaient évêques au même titre que les autres.

Mais Rome, si longtemps la maîtresse et la capitale du monde, ne pouvait s'habituer à se croire déchue de ce haut rang. Elle avait conservé tout l'orgueil de ses souvenirs. Les nations mêmes qui l'avaient vaincue restaient asservies au prestige de son passé. Constantin avait eu beau la frapper de sa malédiction et lui susciter une rivale; une longue suite de siècles avait habitué les hommes à recevoir d'elle la loi; tous les regards étaient fixés sur elle. Tous les souvenirs y ramenaient comme toutes les routes y conduisaient. Elle demeurait le centre désigné de tout pouvoir qui embrasserait le monde qu'elle avait possédé.

Aussi, quand le christianisme succéda à l'Empire romain dans la direction des peuples de la Méditerranée, Rome en devint naturellement la capitale, et par une conséquence nécessaire, l'évêque de Rome dut sa fortune à la situation privilégiée de son diocèse. Ses rapports avec le reste du monde chrétien, qui étaient plus multipliés que ceux des autres évêques, placés moins en vue, lui assurèrent une influence plus considérable. Peu à peu, l'habitude de voir ses égaux céder à ses conseils finit par lui inspirer l'ambition de les soumettre à sa

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