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MÉMOIRES

SECRETS

POUR SERVIR A L'HISTOIRE

DE LA

RÉPUBLIQUE DES LETTRES
EN FRANCE,

DEPUIS MDCCLXII JUSQU'A NOS JOURS ;

O. U

JOURNAL
D'UN OBSERVATEUR,

CONTENANT les Analyfes des Pieces de Théâtre qui
ont paru durant cet intervalle; les Relations des
Affemblées Littéraires; les notices des Livres nou-
veaux, clandeftins, prohibés; les Pieces fugitives,
rares ou manufcrites, en profe cu en vers; les Vau-
devilles fur la Cour; les Anecdotes & Bons Mots &
les Eloges des Savants des Artiftes, des Hommes
de Lettres morts, &c. &c. &c. .

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MÉMOIRES

SECRETS

POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES EN FRANCE, DEPUIS MDCCLXII JUSQU'A NOS JOURS.

ANNÉE M. DCC. LXX X V.

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1. Mai. Les comédiens françois ont joué hier pour feconde nouveauté, depuis la rentrée d'après pâques, Albert & Emilie, tragédie en cinq actes & en vers. Ce fujet, tiré du théâtre allemand, a pu avoir du fuccès dans le pays. où le goût n'eft pas encore bien épuré. D'ailleurs, l'on y retrace les mœurs de la nation, l'on y retrouve des ufages & des fêtes qui peuvent l'intéreffer. Il y eft question de princes dont la gloire vit encore dans les chroniques du pays. Toutes ces circonftances ont féduit l'auteur & les comédiens

qui fe font mis de concert en frais, & tout inutilement. Excepté le troisieme acte, dont la premiere moitié eft très importante, & par l'appareil du fpectacle, & par un grand étalage de fentin ents héroïques; le public a foutenu le refte très- impatiemment, & les huées font devenues fi fortes au dernier acte qu'on n'en a prefque rien entendu.

Cette tragédie eft de M. Dubuiffon, l'auteur de

Nadir.

I Mai. Extrait d'une lettre d'Amiens, du 25 avril... Rien de plus vrai que tout ce qu'on vous a raconté de crequi- Canaple, ou à la longue barbe. C'étoit an original, mais un homme de génie dans fon genre. Il avoit fait défenses par huiffier à fon curé de lui donner les prieres nominales à fa mort; il lui dit qu'il vouloit être enterré dans fon jardin. Le curé en référa à l'évêque. Ce prélat répondit: que puifque M. de Crequi s'étoit mis lui-même hors de l'églife, il falloit l'y laiffer. La famille a trouvé cela très mauvais; elle vouloit intenter un procès à l'évêque, d'autant que le défunt n'avoit point enseigné fa volonté par écrit. Heureufement, M. de Machault le pere, qui a encore du crédit, s'en est mêlé. Il a fait entendre à fon fils que c'étoit pour les vivants qu'on honoroit les morts. Il a été convenu que le cadavre feroit exhumé & enterré avec toute la décence convenable.

2 Mai. Extrait d'une lettre de Rouen, du 25 avril. ... Le parlement a enrégiftré ou plutôt homologué derniérement un établiffement de charité, formé dans la paroiffe de Saint-Denis près d'Alençon depuis 1767; vous voyez qu'il eft antérieur à tous les clubs, à tous les musées 2

,

tous les plans de bienfaifance dont nos journaux font farcis aujourd'hui. Plusieurs miniftres ont défiré qu'on en formât de pareils dans chaque paroiffe. I eft principalement dû au curé, monfieur Colombet. Par ce moyen il n'eft aucun mendiant dans ce village on n'en trouvera point dans aucun dépôt du royaume. Il en a prefque banni auffi la chicane. C'eft l'efprit de l'article IV du réglement, par lequel il eft défendu d'affifter ni fainéants ni plaideurs. Depuis trente ans les prônes de ce bon pafteur roulent principalement là - deffus. Il donne auffi des prix d'agriculture.

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2 Mai. Le docteur Seiffer, médecin allemand, attaché à M. le comte d'Artois en qualité de confultant, raconte que s'étant trouvé appellé chez madame la princeffe de Lamballe, la Rene y étoit venu & lui avoit demandé s'il étoit médecin du fieur de Beaumarchais, comme on le lui avoit dit? Sur quoi le docteur ayant répondu à fa majefté qu'en effet il étoit chargé du foin de la fanté de cet homme célebre, l'avoit été voir à SaintLazare & le foignoit en ce moment: Vous avez beau le purger, s'écria la Reine, vous ne lui éterez pas toutes fes vilenies.

2 Mai. Le parlement de Rouen a pris auffi fait & caufe pour les négociants de fon reffort dans le grand procès du commerce contre les Américains, & a fait des remontrances au Roi dans le genre de celles de Bordeaux.

2 Mai. Pizare ou la Conquête du Pérou, est un opéra compofé depuis 1779. Le poëme eft d'un chevalier Dupleffis, & la mufique du fieur Candeille. Cet ouvrage déjà préfenté trois fois au comité avoit été rejeté autant de fois; enfin M. le baron Breteuil lui a accordé fa protection, & l'a fait

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