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avec son fils Iule encore enfant, et un nombreux cortége. Il s'embarque pour l'Italie où il se croit envoyé par les dieux. Il erre longtemps sur les mers et arrive enfin sur les bords du Tibre; il finit par s'y établir après plusieurs combats, et il y devient dans ses descendants le fondateur de l'empire romain. Dans le poëme de Virgile, les dieux du paganisme jouent aussi un grand rôle, et nous y voyons que le culte public de la Grèce et de Rome était à peu près le même.

Dans l'exposé qui va suivre, je citerai les propres paroles de mes auteurs, Homère et Virgile, précaution qui donnera à cet exposé plus d'autorité et, j'espère aussi, plus d'agrément.

J'ai toujours pensé que, pour compléter cette dernière partie du Vocabulaire, il fallait y ajouter des éléments de mythologie, qui venaient, pour ainsi dire, s'y placer d'eux-mêmes à la suite du langage figuré. Bien que les élèves des deux sexes pour qui j'ai spécialement rédigé le Cours éducatif de langue maternelle, ne doivent pas suivre les études classiques dans les colléges, cependant ils voudront jouir à leur tour des chefs-d'œuvre des Corneille, des Racine, des Boileau, des Fénelon, des Delille, etc. qui ont illustré la littérature française. Ces écrivains, se conformant à l'opinion dominante de leur temps, auraient cru n'être que de simples versificateurs s'ils ne s'étaient faits en apparence idolâtres, comme leurs modèles l'étaient en réalité.

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J'avouerai cependant que j'ai eu quelque temps de la répugnance à admettre les déités du paganisme dans un ouvrage d'éducation, dont la tâche est de former des chrétiens. Plus tard, en réfléchissant sur l'exécution de ce travail, j'ai vu que je pouvais le faire servir à mon but, et je n'ai plus hésité.

Il s'agissait pour cela de rédiger des éléments de mythologie d'une tout autre manière qu'on ne l'a fait jusqu'ici. C'est pour cela que je me suis adressé immédiatement aux deux sources que j'ai citées plus haut. J'y ai

pris tout ce qui peut donner une idée vraie et une idée exacte du fond de l'idolâtrie des Grecs et des Romains. Les renseignements sont entremêlés de questions qui doivent appeler le jugement des élèves sur les faits énoncés. Ils y verront à quel point nos aïeux, encore livrés à euxmêmes, s'étaient égarés dans les sentiers de l'erreur et du vice, et ils béniront cet Évangile qui est devenu la lumière et le salut de tous les hommes qui en entendent, en écoutent et en pratiquent les leçons.

Je voudrais que la jeunesse qui se voue aux études classiques eût entre les mains une mythologie semblable à la mienne. Je dis « semblable, » car d'autres instituteurs animés du même esprit feront sans doute beaucoup mieux que je n'ai pu le faire dans le premier essai tenté en ce genre. En s'en tenant au fond de la fable, on épargnera aux écoliers beaucoup de détails qui surchargent leur mémoire, et leur prennent un temps précieux, qui évidemment pourrait être beaucoup mieux employé.

Quant à la méthode à suivre dans l'enseignement de ces éléments de mythologie, je prie les maîtres de faire lire tour à tour et posément à leurs élèves chaque numéro, lorsque la syntaxe indique cette leçon. Après la lecture viendra le compte rendu, et les élèves auront à répondre aux questions qui s'y trouvent mêlées. Il faudra les aider, leur expliquer ce qu'ils n'auraient pas bien compris, et redresser avec indulgence ce qu'il pourrait y avoir d'erroné dans leurs réponses. La meilleure manière est de les mettre sur la voie pour qu'ils corrigent eux-mêmes leurs fautes. Il est entendu qu'à la première citation de l'Iliade, de l'Odyssée et de l'Énéide on donnera aux élèves les renseignements qui précèdent.

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Dans notre langage figuré nous personnifions les astres, les eaux, les vents, les plantes, en un mot tout ce qui change ou produit des effets agréables ou fâcheux dans la nature. Il n'est donc pas surprenant que les premiers hommes en aient fait de même. Mais il est à cet égard une énorme différence entre eux et nous, c'est que, instruits comme nous le sommes dès l'enfance, nous savons que nous prêtons à ces objets une vie qu'ils ne partagent pas avec nous; tandis que les premiers hommes dont l'intelligence dormait encore, les ont regardés comme des êtres vivants. Bien plus, se sentant constamment sous la dépendance de ces objets, en bien ou en mal, ils ont vu en eux des êtres supérieurs à l'homme, et ils ont cherché à se les rendre favorables par des prières et des offrandes. Voilà l'origine de l'idolâtrie, comme culte de la nature.

Ce culte a commencé par celui des astres. Ils brillent comme nos supérieurs au-dessus de nos têtes. Ils attirent constamment nos regards et ils répandent sur nous la lumière, la chaleur et tous les bienfaits que notre pensée y rattache. L'astronomie devint ainsi la première science sur la terre, et l'adoration des astres la première idolâtrie. Elle régnait déjà en Égypte et dans l'Orient, lorsque Moïse instruisait son peuple dans le désert. De là cet avertissement du grand législateur: «Prenez garde qu'élevant » vos yeux vers le ciel, et y voyant le soleil, la lune et les » autres astres, vous ne tombiez dans l'erreur et que vous » n'adoriez des choses que le Seigneur votre Dieu a faites » pour le service de toutes les nations qui sont sous le soleil » (Deuter., IV, 19). »

Un exemple moderne nous fait voir que l'homme à dé-. faut d'instruction n'hésite pas à adresser ses hommages à

l'astre du jour. C'est celui du jeune Sintenis dont il a été question ailleurs (1).

Outre les astres, il y a encore deux choses dans le ciel qui attirent l'attention des hommes et font sur eux une profonde impression, quoique d'une nature bien différente. C'est des cieux que part la foudre et c'est dans les cieux que retentit ce tonnerre qui fait trembler les édifices, les hommes et les animaux. Ce phénomène a une cause puissante que l'on a personnifiée comme les astres; elle a paru irritée et l'on a pensé l'apaiser par des supplications et des présents. On l'appelait le dieu qui lance la foudre.

Après les orages l'arc-en-ciel se dessine dans les cieux. Il flatte la vue par la variété et l'éclat de ses couleurs. Il annonce la fin du tumulte, et il est regardé comme un messager de paix, que l'on aime et qui inspire de la reconnaissance à l'homme de la nature.

Les astres, la puissance qui lance la foudre et le pacifique arc-en-ciel, telles étaient les déités dont les Incas, arrivés d'Asie en Amérique on ne sait quand, apportèrent le culte aux peuples encore sauvages du Pérou. Cuzco était leur résidence. Ils y avaient construit un magnifique temple au Soleil, leur première divinité. Son image gigantesque d'or massif était une face ronde environnée de flammes. Les Incas se disaient les descendants de l'astre du jour.

A côté de son temple, il y avait un cloître à quatre faces, autour duquel s'élevaient cinq pavillons. L'un d'eux était consacré à la lune. Elle était regardée comme la femme du soleil, et son effigie rayonnante était en argent. Le second pavillon était consacré aux étoiles; le troisième lambrissé d'or était dédié à la foudre, et le quatrième à l'arc-en-ciel. Ce sont là les déités qu'adoraient les Péruviens à l'arrivée des Espagnols, au xve siècle de notre ère.

Les poëtes de la Grèce, qui aimaient à embellir toutes choses, ont imaginé de faire voyager le soleil sur un char

(1) Voyez notre ouvrage : De l'Enseignement régulier de la langue maternelle, 2 édit., liv. 1o, ch. 1.

d'or qu'on ne voit pas, et ils l'ont attelé en pensée de quatre chevaux auxquels ils ont donné des noms particuliers. A la lune, ils ont fait présent d'un char d'argent et de deux coursiers. Ils ont fait plus; car ils ont fait de l'aurore une déité à part, bien qu'elle ne soit qu'une lueur que répand le soleil avant son lever; et comme ils étaient en train de créer, ils ont imaginé de lui donner un char d'or tiré aussi par deux chevaux. Qu'en ditesvous ?.....

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Les Incas et leurs sujets du Pérou eurent assez des déités qu'ils honoraient dans le grand temple et les pavillons du cloître de Cuzco. Il n'en fut pas de même des Grecs et des peuples voisins. Ils divinisèrent d'autres agents de la nature. Dans l'absence de documents, il ne nous est pas possible d'indiquer le temps où ces nouvelles déités ont été admises dans la croyance publique, mais il suffit de pouvoir les désigner.

Il y a presque toujours de l'agitation dans l'air. Les vents varient; ils sont chauds ou froids, doux ou impétueux. Il s'en élève de contraires qui se combattent plus ou moins, et qui finissent par s'apaiser. Voilà donc de la vie pour l'homme ignorant, et voilà pour lui des déités, puisqu'il se sent dans leur dépendance et qu'il ne peut rien à leur égard. L'imagination s'empare bientôt de ces êtres supérieurs. Elle leur donne des noms et une demeure habituelle d'où ils se promènent ensuite à leur gré sur la terre. Écoutons ce que nous en dit le vieil Homère. Patrocle vient de périr sur le champ de bataille devant Troie. Achille, son ami, fait élever le bûcher qui doit consumer ses restes mortels, et il supplie les vents de venir animer le feu.

Iris (ou l'arc-en-ciel), dit le poëte, ayant entendu la prière qu'Achille adressait à Borée et à Zéphire en leur promettant des sacrifices et leur faisant des libations, alla la porter aux vents. Ils étaient à un festin dans les antres spacieux de Zéphire. Iris s'arrête sur le seuil.

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