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Les flatteurs sont ingrats; vos arbres sont fidèles,
Sont des hôtes plus sûrs, de plus discrets amis,

Et tiennent beaucoup mieux tout ce qu'ils ont promis. (LE MÊME.)
La liane flexible, entourant les rameaux,

Ici tombe en festons qu'un vent léger balance;
Quelquefois s'égarant d'arbre en arbre s'élance,
Court, s'abaisse, s'élève, et mêle à leurs couleurs
Des chaînes de verdure et des voûtes de fleurs.
Voyez ce mausolée, où le bouleau pliant,
Lugubre imitateur du saule d'Orient,

Avec ses longs rameaux et sa feuille qui tombe,

(SAINT-VICTOR.)

Triste, et les bras pendants, vient pleurer sur la tombe. (Delille.)
Sur les flancs décharnés de ces sombres collines,

Des forêts dans les airs ont jeté leurs racines.

Là, le lierre, jaloux de l'immortalité,

Triomphe en possédant ce que l'homme a quitté. (LAMARTINE.)

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On était bien près de faire parler les plantes, après leur avoir attribué les pensées et les affections de l'homme; du moins il n'en coûtait pas plus à l'imagination. C'est surtout dans les fables que nos poëtes font parler les plantes pour instruire le lecteur d'une manière agréable. Tâchez de trouver les leçons que renferment celles qui suivent.

Un lierre sur un mur raille à brûle pourpoint

Un humble thym. « Nain tortu, pauvre hère !
Quand je touche le ciel, toi, tu touches la terre.

—«Il te faut un appui, drôle, il ne m'en faut point.» (Mollevaut.)
Le saule dit un jour à la ronce rampante :

Aux passants pourquoi t'accrocher?

Quel profit, pauvre sotte, en penses-tu tirer?
Aucun, lui répondit la plante,

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Je ne veux que les déchirer. D

De ta tige détachée,
Pauvre feuille desséchée,

Où vas-tu ?-Je n'en sais rien.
L'orage a brisé le chêne

Qui seul était mon soutien.
Je vais où le vent me mène,

Sans me plaindre ou m'effrayer:

(LE BAILLY.)

Je vais où va toute chose,
Où va la feuille de rose

Et la feuille de laurier.

La vigne devenant stérile
Dépérissait faute d'appuis ;

Un ormeau devint son asile;

«Si par moi, disait-il, je ne porte aucuns fruits, Je soutiendrai du moins une plante fertile. »

Le cèdre du Liban s'était dit à lui-même :

(ARNAULT.)

(CAPELLE.)

« Je règne sur les monts; ma tête est dans les cieux;
J'étends sur les forêts mon vaste diadème,

Je prête un noble asile à l'aigle audacieux;

A mes pieds l'homme rampe...» Et l'homme qu'il outrage
Rit, se lève, et, d'un bras trop longtemps dédaigné,
Fait tomber sous la hache et la tête et l'ombrage

De ce roi des forêts, de sa chute indigné.

(LEBRUN.)

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5o Personnification d'objets matériels de toute espèce.

Il n'y a guère d'objet matériel que l'imagination ne personnifie, tant elle est portée à nous tout comparer. Les poëtes excellent dans ces personnifications, et ils suivent en cela un penchant qui se montre déjà dans l'enfance. Voyez la petite fille qui parle à sa poupée; elle l'instruit, la loue, la blâme, la récompense et la punit.

Dans les morceaux suivants, vous relèverez les personnifications et vous désignerez les objets personnifiés. Vous ferez aussi vos réflexions sur la pensée du poëte.

Entends-tu les oiseaux? Leurs hymnes se confondent;
L'Olympe en retentit, les côteaux leur répondent,
Et du creux des rochers, des vallons et des bois,
L'écho sonore écoute, et répète leurs voix.
Emporté par la voile, et dédaignant la rame,
Le chêne en est le corps, et le vent en est l'âme;
L'aimant fidèle au pôle, et le timon prudent
Dirigent ses sillons sur l'abîme grondant.

(DELILLE.)

L'équilibre des poids le balance sur l'onde;

Son vaste sein reçoit tous les trésors du monde.

(LE MÊME.)

Par deux rivaux la raquette empaumée

Attend, reçoit, renvoie une balle emplumée,

Qui, toujours arrivant et repartant toujours,
Par le même chemin recommence son cours.
Tous les crimes en foule

Inondent l'univers; le fer luit, le sang coule ;
Le premier que les champs burent avec horreur,
Fut le sang qui d'un frère assouvit la fureur.
La boussole nous rend les citoyens du monde;
Des deux Indes, pour nous, elle ouvre tous les ports,
Et nous en rapportons par elle les trésors.

Et tandis qu'au fuseau la laine obéissante
Suit une main légère, une main plus pesante
Frappe à coups redoublés l'enclume qui gémit,
La lime mord l'acier, et l'oreille en frémit.
L'airain retentissant dans sa haute demeure,
Sous le marteau sacré tour à tour chante et pleure,
Pour célébrer l'hymen, la naissance ou la mort.

(LE MÊME.)

(L. RACINE.)

(LE MÊME.)

(LE MÊME.)

(LAMARTINE.)

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Les poëtes qui animent des objets matériels de toute espèce, ne craignent pas de leur accorder notre langage, comme vous le verrez dans les fables suivantes. Vous en indiquerez d'abord les interlocuteurs, puis vous signalerez la leçon que le fabuliste s'est proposé de donner à ses lecteurs, en prêtant la parole à des objets muets.

Une chandelle un jour disait à la lanterne :
Pourquoi de ton foyer me faire une prison?
Ton vilain œil-de-bœuf rend ma lumière terne;
Ouvre-toi, qu'à mon gré j'éclaire l'horizon. >>
La lanterne obéit; l'autre qu'y gagne-t-elle?
Bon soir! un coup de vent a soufflé la chandelle.
Certaine horloge un jour dit au coq du clocher :
« Tourner au moindre vent, quelle tête légère !
- Est-ce à toi, répond l'autre, à me le reprocher?
Marquer d'où le vent souffle est mon unique affaire.

(LE BAILLY.)

C'est agir sans savoir. Toi même es dans ce cas.
Comment?-Tu montres l'heure, et tu ne la sais pas. ▾
(LE MÊME.)

Un fort joli rosier s'adressant à la ronce :

« Voisine, lui dit-il, pourquoi de vos piquants
Vous voit-on tous les jours déchirer les passants?

Quel plan de vie! Entre nous il annonce
Un naturel des plus méchants. >>

La ronce l'écoutait, et voici sa réponse :

Dans vos propos c'est mettre trop d'aigreur;
Il vous sied bien de censurer les autres!

Je montre mes piquants, mais vous cachez les vôtres
Et le piége chez vous est tendu sous la fleur. »
Certain épi vide de grains,

Se balançant sur une tige altière,

Raillait ses compagnons qui, couchés vers la terre,
Autour de lui ressemblaient à des nains.

L'un d'eux lui répliqua : « L'orgueil, mon pauvre frère,
Met ton jugement en défaut;

Ta tête est vide; moins légère,

Elle s'élèverait moins haut. »

• Que l'orage à son gré bouleverse la terre,

Je sonne, dit la cloche, et jamais je n'ai peur. »
L'imprudente bavarde attira le tonnerre.

(AGNIEL.)

(***)

(MOLLEVAUT.)

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Ce n'est pas toujours d'une manière aussi saillante que nous transformons des choses inanimées en êtres vivants. Cette métamorphose ne se marque le plus souvent que par une seule épithète ou un seul adjectif ajouté à un nom qui désigne un objet purement matériel, comme dans cet exemple:

Une riante prairie.

Une chose aussi insensible qu'une prairie ne peut pas éprouver une joie qui la fasse rire; elle ne peut que nous inspirer du plaisir par sa belle verdure et ses fleurs. Ainsi, dans notre exemple, l'adjectif riante n'est pas pris dans son sens propre, mais dans un sens figuré, et veut dire inspirant du plaisir.

Voici des locutions semblables. Vous commencerez par décider si l'adjectif doit être pris dans le sens propre ou dans le sens figuré. Dans le second cas, vous le traduirez, puis vous formerez deux propositions ou phrases, dont l'une présentera l'adjectif dans le sens propre, et l'autre dans le sens figuré.

1. Une triste solitude.
2. Un paysage sévère.
3. Un plaisir innocent.
4. Une plume savante.
5. Une bouche mensongère.
6. Un terrain ingrat.
7. La ronce cruelle.

8. Une main bienfaisante.

9. Un vent caressant.
10. Une eau perfide.
11. Des vents capricieux.
12. Un regard méprisant.
13. Une main coupable.
14. Un orage furieux.
15. Une maison hospitalière.
16. Des paroles franches.

63. — Continuation,

Vous ferez sur les locutions suivantes tous les exercices que vous avez faits dans la leçon précédente.

1. Un front altier.

2. Un cœur tendre.

3. La liane docile.

4. Des mains suppliantes. 5. Une méchante langue. 6. Le bruit plaintif du ruisseau. 7. Le temple modeste du village. 8. Une habitation gaie. 9. Une action honteuse. 10. Des jours heureux. 11. Un terrain rebelle. 12. La mer courroucée.

13. Un silence prudent.

14. La mauvaise honte.
15. Des rires insolents.
16. Un orgueilleux fronton.
17. Une action noble.
18. Un insolent écrit.
19. L'hameçon perfide.
20. Un piége adroit.
21. D'avares aumônes.
22. Une main infidèle.
23. Des paroles haineuses.
24. Une main libérale.

64.

Continuation.

L'imagination se permet deux choses tout à fait opposées dans les qualités qu'elle attribue aux divers objets. Tantôt elle donne à des objets physiques ou matériels des attributs qui n'appartiennent qu'à l'esprit, comme vous l'avez vu dans les dernières leçons; tandis qu'à l'opposé elle prête aux choses spirituelles des qualités qui, au fond et dans leur sens propre, n'appartiennent qu'à des corps. Vous en avez déjà vu des exemples.

Ceux qui suivent vous offriront un mélange de ces deux espèces de locutions impropres ou figurées. Vous assignerez à chacune de ces locutions sa classe, comme il con

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