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sait jeter les hauts cris. Iris s'en aperçut, et ayant obtenu le char de Mars qui était près de là, elle la conduisit au ciel dans les bras de sa mère Dioné. (Iliade, I.)

Dioné, pour consoler sa fille, lui tient ce langage:

Nous sommes plusieurs dans le brillant Olympe qui avons ressenti l'insolence humaine. Mars, tout redoutable qu'il est, n'a-t-il pas été chargé de chaînes par les enfants d'Olaüs et gardé dans une prison d'airain, où il aurait peut-être péri, si Mercure ne fût venu le délivrer à son insu? La respectable Junon n'a-t-elle pas été exposée à la fureur des hommes, lorsque le magnagnime Hercule lui tira une flèche à trois pointes, et la blessa au sein? Elle ressentit de si cruelles douleurs qu'il semblait qu'elles ne s'apaiseraient point.

Pluton lui-même, l'indomptable dieu des enfers, a-t-il été à couvert des insultes de ce même homme dans la sombre demeure des mortels? Ne le blessa-t-il pas d'une flèche, et ne le livra-t-il pas aux maux les plus cruels? Le dieu des ombres, le cœur plein de co'ère et pénétré de douleur, car il avait encore le trait dans l'épaule, monta au haut des cieux à la demeure de Jupiter, où le médecin des dieux, le sage Péon, mit sur sa blessure un appareil qui apaisa ses douleurs, et qui le guérit; car il n'y avait rien en lui de mortel. (Iliade, 1.)

Puisque les dieux de l'Olympe sont organisés comme l'homme, qu'ils ont besoin de nourriture et de sommeil, qu'ils sont en outre vulnérables et sujets à la douleur, leur condition est au fond la nôtre, et c'est à tort que la mythologie en fait des immortels.

Homère dit en parlant de la blessure de Vénus :

Le sang des dieux n'est proprement que comme une rosée ou une vapeur divine, parce que les dieux ne se nourrissent ni des dons de Cérès, ni des présents de Bacchus. Ainsi ils n'ont pas un sang terrestre et grossier comme le nôtre, et ils jouissent pour cette raison de l'immortalité. (Iliade, 1.)

Le nectar et l'ambroisie dont la mythologie nourrit ses dieux ne sont que des mots, ainsi que le sang immortel qui doit couler dans leurs veines.

78. Organisation privilégiée des dieux de l'Olympe.

La mythologie, qui donne à ses déités une organisation

humaine, leur accorde pourtant de grands priviléges, sans s'inquiéter de la possibilité. C'est ainsi qu'elle en fait des êtres amphibies, comme il n'en existe pas, et ne peut pas en exister dans la nature.

Thétis est une déesse marine, fille du vieux Nérée et épouse d'Océan. Vivant mal avec son mari, elle quitte les abîmes de la mer, son séjour natal, où elle se nourrissait de nectar et d'ambroisie. Elle vient sans façon s'établir sur la terre, épouse Pélée, roi d'Égine, mange à sa table, devient mère d'Achille, le héros de l'armée grecque au siége de Troie, puis elle retourne vivre comme autrefois dans les antres profonds de la mer. De là elle entend la voix de son fils qui n'est pourtant que la voix d'un simple mortel. Pour lui parler, elle vient respirer l'air de notre atmosphère, d'où elle retourne dans les eaux, pour aller plus tard près de Jupiter humer l'éther des dieux de l'Olympe. (Iliade, 1.)

La mythologie, placée sous la dictée de l'imagination, n'y regarde pas de plus près avec ses autres dieux, qu'elle fait en général vivre indistinctement dans l'atmosphère épaisse de notre globe ou au-dessus des nues, dans l'éther où l'homme ne pourrait pas respirer.

Son Neptune, dont elle a fait le souverain des mers, après qu'il eut détrôné les anciennes déités de la nature, son Neptune a son palais, sa cour et ses troupeaux au fond des ondes. Il a aussi dans l'Olympe ses appartements à côté des autres dieux, il y mange à leur table, et comme eux il y couche dans son lit, lorsque le soleil descend dans l'Océan. (Iliade, I.) Durant le siége de Troie, nous le voyons fréquemment à l'armée des Grecs comme l'un d'entre eux, et lorsque Iris vient de la part de Jupiter lui apporter l'ordre de se retirer, il finit par se rendre, se plonge dans les eaux, et redevient un être aquatique. (Iliade, 1.)

Vulcain a établi avec divers métaux des appartements particuliers pour tous les dieux de l'Olympe, ainsi que de vastes portiques pour leurs assemblées. Il ne s'est pas

oublié dans ces constructions. Il s'y est bâti un palais tout d'airain, et remarquable entre tous ceux des autres immortels, car il renfermait une forge. Thétis y arrive un jour pour le prier de lui faire une armure pour Achille son fils. Elle le trouve tout couvert de sueur et fort empressé auprès des soufflets de sa forge. Vénus, son épouse, la reçoit, la fait asseoir, lui présente les rafraîchissements d'usage. Vulcain rapproprié arrive, remercie Thétis des soins qu'elle lui a donnés pendant neuf ans, après que Junon, honteuse d'avoir mis au monde un fils si mal fait, l'eut précipité dans la mer, où il passa son temps à faire des boucles, des agrafes et des colliers. (Iliade, XVIII.)

Ce même Vulcain que la fable fait vivre indistinctement dans l'Olympe comme un être aérien, et dans les gouffres de la mer comme un être aquatique, a des forges sous l'Etna dans les entrailles de la terre, où il fait travailler les foudres de Jupiter par les cyclopes, géants qui n'ont qu'un œil au front. (Odyssée, I.) C'est ainsi que son organisation, se prêtant à tous les milieux, n'a point de caractère fixe. La mythologie, antérieure à toute physique, ne connaît point de lois dans la nature.

Elle a fait d'Hercule un fils de Jupiter et d'Alcmène, qui était une mortelle et femme d'Amphitryon. Hercule est un être terrestre comme sa mère, et, malgré cela, il descend dans le séjour des morts sans mourir, et il y blesse Pluton, le dieu des enfers. Celui-ci, d'une organisation tout aussi merveilleusement souple que l'imagination des poëtes, monte au haut des cieux pour y être pansé et guéri par le sage Péon.

Les dieux de l'Olympe font de fréquents voyages, au dire d'Homère. Tantôt ils les font en char, quoique beaucoup plus promptement que les hommes, puisqu'ils se servent de chevaux immortels comme eux, qui sont prompts comme la pensée; d'autres fois ils se transportent dans les airs sans char et sans chevaux, avec la vitesse de l'éclair, bien qu'ils voyagent avee leurs corps.

79.

Connaissances attribuées aux dieux de l'Olympe
par la mythologie.

Homère nous dit hardiment que le soleil voit tout et entend tout; il en fait donc sous ce rapport une véritable divinité; car le Créateur qui par sa puissance conserve l'existence à toutes ses créatures, ne peut rien ignorer de ce qui les regarde.

Homère attribue aussi à quelques-unes de ces déités cette connaissance divine. En voici quelques exemples. Glaucus, l'un des alliés de Priam, se trouvait au siége de Troie et il y fut blessé. Il s'adressa à Apollon pour le prier de guérir sa blessure.

Grand Apollon, lui dit-il, soit que vous soyez en Lydie, ou à Troie, de partout il vous est aisé d'entendre les vœux de ceux qui vous invoquent et qui, comme moi, ont besoin de votre secours.

(Iliade, xvi.)

Les chefs de l'armée grecque, ayant réclamé d'Achille la captive Briséis qui lui était échue en partage, il s'assit loin d'eux, près du rivage, les yeux attachés sur la mer; et là, les mains étendues, il adressa ses prières à Thétis, sa mère............. La déesse, qui était dans les antres profonds de la mer, auprès du vieux Nérée, son père, l'entendit," et sortant promptement du milieu des eaux comme un nuage, s'assit près de lui, et elle lui dit en essuyant ses larmes :

« Mon cher fils, pourquoi pleurez-vous?

Achille lui répondit:

Pourquoi vous redire des choses qui vous sont connues?

(Iliade, 1.)

Vénus est dans l'Olympe. De là elle voit son fils Énée blessé et étendu devant Troie sur le champ de bataille. Elle descend promptement pour le mettre en sûreté; mais en l'emportant elle reçoit elle-même une blessure qui lui fait jeter des cris. Iris l'entend du haut des cieux et la voit;

elle descend promptement et la mène par la main hors de la mêlée. (Iliade, I.)

Cependant ces mêmes dieux, qu'Homère nous présente quelquefois doués d'une connaissance vraiment divine, n'en savent pas plus pour l'ordinaire que de simples mortels. Écoutons encore sur ce point le vieil Homère, l'oracle de l'antique croyance chez les Grecs et les Romains.

Cette même Thétis, qui du fond de la mer a entendu les plaintes d'Achille, ne croit pas pouvoir faire entendre sa prière à Jupiter qui est en voyage.

Jupiter, dit-elle, alla hier aux extrémités de l'Océan chez les sages Éthiopiens qui l'ont prié à un festin. Tous les dieux l'ont suivi, et ils ne retourneront au ciel que le douzième jour. Je ne manquerai pas de m'y rendre aussitôt. J'embrasserai ses genoux, et j'espère qu'il ne rejettera pas mes prières. (Iliade, 1.)

Le douzième jour, dès que Jupiter fut de retour, Thétis alla lui adresser sa demande. Jupiter fit quelques difficultés de la lui accorder, à cause de Junon qui lui reprochait toujours avec amertume de favoriser les Troyens. Cependant il consentit; mais il ajouta :

Retournez-vous-en promptement, de peur qu'elle ne vous voie.

(Iliade, 1.)

Jupiter ne croyait donc pas que Junon eût quelque connaissance de la visite de Thétis.

Homère nous dit que les dieux se déguisent souvent en mendiants, et vont sur la terre de lieu en lieu pour apprendre ce qui s'y passe. (Odyssée, XVIII.) Feraient-ils de semblables voyages, et avec des déguisements, s'ils n'avaient pas besoin de s'instruire comme de simples mortels?.....

C'est aussi pour s'instruire que le premier des dieux d'Homère part du ciel pour la terre. Mais le poëte, sans doute par égard pour sa dignité, le fait voyager en char

Jupiter, nous dit-il, attelle ses légers coursiers, tout brillants de l'or de leurs tresses. Il se couvre d'armes plus brillantes que le soleil, prend en mains les guides, et monte sur son char. Il pousse ses fougueux chevaux, qui volent rapidement entre la terre et le ciel parsemé

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