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PRÉFACE

Nous savions, il y a trois ans, en créant cette Revue, que notre entreprise présenterait plus d'une difficulté dans son accomplissement. Bien qu'une pensée de concorde nous eût dirigé, nous ne pouvions nous dissimuler qu'il n'est pas aisé de concilier les opinions diverses qui se partagent chez nous le domaine de la science et de les amener à se donner la main. Notre direction a pu laisser à désirer; mais, fort de l'expérience que nous avons acquise, nous serons, à l'avenir, de plus en plus sévère dans le choix de nos articles. Il nous semble toutefois que l'exemple du mal a son enseignement et peut servir à mieux faire ressortir le bien. Considérez nos édifices religieux, chefsd'œuvre du moyen âge, et vous y verrez la représentation des vices. Pourquoi donc, en redisant la conduite de nos pères, passerionsnous complétement leurs fautes sous silence? L'historien, comme le peintre, n'est-il pas dans la nécessité, à moins d'être inexact on incomplet, d'indiquer les beautés et les défauts: seulement, il doit le faire avec respect et convenance. Nous en appelons à la conscience de nos collaborateurs et les supplions, en restant toujours vrais, de rejeter tout ce qui peut blesser leur susceptibilité respective. La Revue n'est pas un champ ouvert à une polémique entachée de violence ou d'acrimonie, mais un terrain neutre mis à la disposition de tous les systèmes historiques soutenus avec bonne foi et produits sous des formes courtoises et modérées. Nos vœux, nous en sommes certain, seront entendus; car ceux qui nous prêtent leur dévoué concours, le font, comme nous, dans le seul but d'aider au développement des études historiques et artistiques de nos provinces de l'Ouest.

Nos relations continuent à s'accroître. Notre correspondance et l'échange de la Revue avec les journaux et les recueils périodiques nous permettent de publier chaque mois une chronique et un bulletin

bibliographique qui renferment des nouvelles susceptibles d'intéresser nos lecteurs. Plus de cinquante collaborateurs (1) ont inscrit leurs noms dans la Revue, dont les trois années accomplies ne comptent pas moins de cent articles importants de rédaction accompagnés quelquefois de planches ou de vignettes, plus de soixante curieux documents inédits soigneusement annotés, trente pièces de poésie, une centaine de nécrologies, le compte rendu de nombreux ouvrages et des séances des sociétés savantes de la Bretagne, du Poitou et de l'Anjou, le relevé des publications se rattachant à ces trois provinces, enfin une foule d'autres faits qui concernent les sciences, les lettres et les arts.

Cette énumération prouve que nos efforts et nos sacrifices n'ont pas été vains. Nous chercherons, par le haut intérêt et la variété des documents que nous allons publier, à nous montrer digne de la faveur dont nous honore le conseil général de la Loire-Inférieure, qui, grâce à la constante initiative de Monsieur Henri Chevreau, préfet du département, vient, pour la quatrième fois, d'encourager la Revue par une souscription à vingt exemplaires. Qu'ils reçoivent ici, avec tous les amis des lettres, des sciences et des arts qui nous donnent tant de preuves de sympathie, l'expression de notre plus vive reconnaissance pour un témoignage si flatteur. Huit bibliothèques publiques (2), plusieurs académies et cercles littéraires, les premiers fonctionnaires de nos contrées, se joignent à nos anciens abonnés pour assurer l'existence d'une publication qui finira, nous en avons l'espoir, par marquer à notre époque le mouvement intellectuel

de l'Ouest.

Armand GUÉRAUD,

Correspondant du Ministère de l'Instruction publique pour les travaux historiques, de la Société impériale des Antiquaires de France, etc.

Nantes, septembre 1856.

(1) MM. Anizon, Anjubault, comte d'Audiffret, Blzeul, A. de la Borderie, du Chatellier, Colombel, de Cornulier-Lucinière, Delabigne-Villeneuve, Dugast-Matifeux, Fillon, du Fougeroux, l'abbé Fournier, Gautier, Alfred Giraud, Eug. de la Gournerie, L. Grégoire, Émile Grimaud, Hudel, Huette aîné, Firmin Joussemet, Laennec, l'abbé Lamontagne, Le Jean, Levot, Lidener, Ch-L. Livet, Le Meder, Malherbe, Marchegay, Ernest Martial, Martineau, baron de Moncuit, Mie Élisa Morin, Parenteau, Phelippes-Beaulieux, Poeyd'Avant, Pouhaer, Ramet, Redet, colonel de Rozières, de Rostaing de Rivas, Saulnier, de Soland, de Saint-Georges, comte de Saint-Jean, comte O. de Sesmaisons, de Sourdeval, E. Talbot, Texier, Vaudier, baron de Wismes et plusieurs anonymes.

(2) Nantes, Rennes, Brest, Napoléon-Vendée, Fontenay, Angers, Niort, Poitiers. Deux autres villes nous promettent leur abonnement.

-

LE

COMMERCE HONORABLE

ET SON AUTEUR,

SUIVI DES ÉDITS D'ÉTABLISSEMENT

DE LA COMPAGNIE DE COMMERCE DU MORBIHAN,

EN 1626.

:

Le trident de Neptune est le sceptre du monde. (LEMIERRE.)

Vers le milieu du XVIIe siècle, parut à Nantes, sous le voile de l'anonyme, un livre curieux, important et fort rare aujourd'hui, intitulé Le Commerce honorable ou Considérations politiques, contenant les motifs d'honneur et de profit qui se treuvent (sic) à former des compagnies de personnes de toutes conditions pour l'entretien du négoce de mer en France. Composé par un HABITANT de la ville de Nantes. In-4o de 361 pages, non compris le titre, l'épître dédicatoire au maréchal de la Meilleraye, l'avertissement au lecteur et la table des matières. A Nantes, par Guillaume Le Monnier, imprimeur du roi, demeurant en la Grand Rue, à l'enseigne du petit JÉSUS. MDCXXXXVI. Avec privilége du roy. Seconde édition en 1651, d'après la Bibliotheca carmelitana, suivie par Barbier; mais, sans l'avoir vue, nous sommes convaincu que c'est purement une rubrique de librairie, et qu'elle ne diffère que sur le titre de celle soi-disant de 1646.

En effet, quoique l'ouvrage porte cette date, on lit cependant à la fin: « Achevé d'imprimer le 23 mars 1647, pour la première fois; >> et le privilége du roi est du 21 février précédent; de sorte qu'il ne parut réellement qu'à cette époque: nouvelle preuve qu'il ne faut

pas toujours s'en rapporter au frontispice. C'est évidemment la
même édition qui a été à la fois antidatée sur le titre, peut-être pour
le besoin de la cause, et postdatée ensuite par raison mercantile.
Aussi l'abbé Travers la mentionne-t-il, sous l'année même de sa pu-
blication (1), en ces termes, beaucoup trop vagues toutefois : « Un

livre, dont l'auteur était sans doute quelque marchand de Nantes,
<< parut dans ce temps (1647) chez Le Monnier, à Nantes. Il traitait
<< de l'état du commerce, de son utilité, de son augmentation et de
« son rétablissement. Le Bureau de ville, dont l'auteur était peut-être
<< membre, ordonna, le 31 mars, de le mettre aux archives et sur
« l'inventaire. » (Tom. III, chap. CXI, pag. 332 de son Histoire.)

Le bon abbé était placé à un point de vue trop étroit et trop exclu-
sivement théologique pour saisir toute la portée de cet ouvrage, qui
n'est rien moins qu'une ampliation des idées du grand cardinal de
Richelieu sur la marine et le commerce, digne du ministre de
Louis XIII. Il a même négligé d'y puiser certains renseignements
historiques de premier ordre, qui manquent dans son Histoire de
Nantes. Aussi n'en parle-t-il qu'en passant, et pour mémoire, sans
se préoccuper beaucoup de dégager l'auteur du mystère dont il s'était
enveloppé, et sans soupçonner le moins du monde que ce pût être
un religieux, puisqu'il le prend pour quelque marchand de Nantes,
peut-être membre du Bureau de ville. Janséniste rigide, croyant
rigoureusement avec l'apôtre, et sans distinction, qu'il ne convient
pas que ceux qui militent pour le ciel s'embarrassent des choses de
la terre, il s'y était facilement trompé. Il n'y a cependant qu'une
vraie manière de se désintéresser du monde, c'est de s'entremettre
officieusement de ses affaires, de ses intérêts, de travailler pour lui et
non pour soi-même. Pour être un grand serviteur de Dieu, il faut
être un grand serviteur des hommes dans l'ordre temporel. Dès lors,
ce moine, qui ne traitait point du commerce pour en bénéficier et
s'en former un pécule, mais pour le restaurer et doter ainsi son pays
de nouvelles richesses, agissait-il en chrétien, de même que celui
qui travaille prie, et ne faisait rien de contraire à sa profession.
Généreux et religieux se confondent dans la même source divine.

(1) Les collaborateurs d'Expilly mettent également MDCXXXXVII; d'où il résul-
terait que quelques exemplaires ont porté la vraie date. Voir le Dictionnaire
des Gaules et de la France, article NANTES, par Greslan et Hubelot, t. V, p. 93.

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