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autres, postérieures, à inhumation. M. Cochet a assez nettement établi la ligne de démarcation qui existe entre ces deux catégories; cependant il me paraît à peu près impossible, malgré les conquêtes nouvellement faites par la science, de mettre une date précise au point d'intersection des deux systèmes. L'idée chrétienne influa, à coup sûr, sur l'emploi du second; mais il y en eut des exemples, nombreux sans doute, même parmi les païens, avant le triomphe de la foi nouvelle. La meilleure preuve que je puisse en administrer, est le contenu du tombeau de la jeune femme artiste du Ie siècle, découvert à Saint-Médard-des-Prés (Vendée). Là, le corps intact avait, on le sait, été placé dans un cercueil de bois de noyer, fortifié de cercles de fer; et les objets déposés avec lui dans la fosse, le caractère des peintures de la villa voisine, que le savant chimiste M. Chevreul et moi avons démontrées être de la main de notre artiste, enfin, la rencontre de monnaies de Maximin et de Postume parmi les terres de déblaiement du tombeau lui-même, ne laissent aucune incertitude sur l'âge de cette magnifique sépulture, qui ne pouvait être celle d'une chrétienne, puisque le squelette avait encore suspendu au cou, par une chaînette d'argent, deux dents de sanglier, témoignage irrécusable de la croyance de l'artiste à la religion des Gaules.

La coutume de brûler les corps, par un effet contraire, se continua, çà et là, du moins en Poitou, jusqu'au commencement du v° siècle. Quant à la forme des vases découverts sur la surface de la circonscription poitevine, ils offrent la plus complète analogie avec ceux recueillis en Normandie; mais il est surtout deux espèces qui se trouvent partout chez nous ces petites assiettes de terre rouge, décorées de feuilles de plantes aquatiques en relief,

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et ces urnes en verre d'une médiocre contenance. La vignette cijointe représente l'une d'elles, encore remplie d'ossements calcinés,

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Il est inutile d'insister davantage sur les sépultures gallo-romaines. Je préfère donner l'énumération de quelques-uns des cimetières de cette époque mis au jour en Poitou.

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1° Poitiers. Cimetière découvert lorsque la promenade de Blossac a été faite (');

2o Id. à Loudun;

3° Id. à Civeaux;

4o Id. à Rom;

5° Id. à Ambernac;

6 Id. aux Cranières, près Faye-l'Abbesse (Deux-Sèvres);

7° Id. à Brioux;

8° Id. à Ardin;

9o Id. dans le champ des Tombeaux, près de Paheu, commune de Longève (Vendée);

10° Id. à Saint-Médard-des-Prés, aux portes de Fontenay-Vendée (*);

11° Id. à la Butte de la Vergne, commune de Saint-Hilaire-surl'Autise (Vendée), où l'on voit les restes d'une ancienne exploitation de minerai de fer;

(1) Voir également, dans les Affiches du Poitou, année 1779, p. 147, la description d'un tombeau gallo-romain découvert près de Saint-Hilaire de Poitiers. (2) On a trouvé, en ce lieu, depuis que j'ai publié mon mémoire sur le tombeau de la femme artiste, d'autres sépultures, du 1 au e siècle, assez curieuses. Là, le corps était brûlé avec les vases et ustensiles ayant servi au défunt. On y ajoutait même du froment en assez grande quantité également brûlé, puis le tout était déposé dans une fosse carrée d'un mètre environ. A côté de la villa étaient aussi des cercueils en briques à rebord du ye au vie siècle.

12o Id. à Auzay (Vendée): entre autres vases, une urne en terre rouge, à côté de laquelle était une petite boîte en bronze, contenant une bague en or, ornée d'une pâte de verre, et de trois aureus de Néron, Domitien, et Antonin le pieux;

13° Id. au Langon;

14° Id. à l'Ilot-les-Vases, commune de Nalliers (Vendée) : sépultures pas ustion; amphores employées comme urnes cinéraires. Ces amphores étaient probablement fabriquées sur place, car il existe, en cet endroit, les traces d'une grande poterie et briquerie (1);

15° Id. à Cheffois (Vendée), dans la cour du presbytère de cette commune. M. Fortuné Parenteau possède un vase en terre blanche à long col et à deux anses, de fabrique du Iv° siècle, ayant cette provenance;

16° Id. à la Touche-Grignon, commune d'Angle (Vendée);

17° Id. aux Baillères, commune du Bernard (Vendée). Dans le même lieu on a retiré de terre beaucoup de monnaies romaines du Haut Empire en argent et une jolie intaille en jaspe sanguin, représentant une Victoire dans un quadrige, avec les lettres S. M. au-dessous;

18° Id. à Jart (Vendée). Un beau vase en terre rouge avec ornements en relief, qui se voit au musée archéologique de NapoléonVendée, en provient;

19° Id. à Apremont (Vendée);

20° Id. aux environs de Challans (Vendée);

21. Id. à Aizenay (Vendée) : sépultures à ustion; vases en terre rouge ou blanche, avec des monnaies de Gratien et d'Honorius; 22o Id. à Dompierre, tout près de Napoléon-Vendée;

23o Id. à Chavagnes-en-Paillers (Vendée): parmi ces sépultures il y en avait une où était une charmante tasse en verre jaune décorée d'un bas-relief circulaire représentant des gladiateurs, dont les noms se lisent au-dessus de chacun d'eux; le musée de Boulogne a un fragment de vase de ce genre; il en a également été trouvé en Angleterre ;

24° Id. à Saint-Georges-de-Montaigu (Vendée), l'antique Durinum;

(1) Voir dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest,, 1856, p. 18, une note de M. O. de Rochebrune sur cette ancienne manufacture.

25 Id. à Saint-Père-en-Rais (Loire-Inférieure);

26° Id. à Rezay (Raciate), aux portes de Nantes.

On trouvera aussi, dans les Mémoires et dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, la mention de quelques autres cimetières gallo-romains (1). Les musées de Poitiers, de Niort et de Napoléon-Vendée contiennent plusieurs vases et objets divers provenant de fouilles de cette nature. M. Jules Richard, de la Mothe-Saint-Héraye (Deux-Sèvres), ancien représentant du peuple, M. Gourraud, notaire à Chavagnes-en-Paillers (Vendée), et moi possédons de beaux vases en verre découverts dans des sépultures, qui présentent beaucoup d'intérêt et peuvent aider à faire, pour le Poitou, un travail du genre de celui de M. l'abbé Cochet.

Les monuments funéraires des IV et v° siècles portant des signes extérieurs de christianisme, sont rares chez nous. Je mentionnerai pourtant ceux de Poitiers, placés au musée de cette ville, à côté de pierres tombales venant de Civeaux; un cercueil en marbre blanc, orné, m'a-t-on dit, de bas-reliefs que possède M. le docteur La Tourette, de Loudun; la petite inscription trouvée au Langon, déposée au musée de Napoléon-Vendée, et une lampe en terre cuite, retirée d'une fosse à Rezay, sur laquelle est un calice à deux anses, avec un poisson, emblème du Christ, au-dessus. Ce dernier objet m'appartient.

C'est avec des documents de cette authenticité qu'il faut essayer de refaire l'histoire de l'introduction du christianisme dans l'étendue de la cité poitevine, aussi bien que dans toutes les autres parties de la Gaule. L'examen intelligent des sépultures peut être, sous ce rapport, d'un grand secours et provoquer des révélations inattendues, qui vaudront à elles seules tout le bric-à-brac légendaire.

Dans le cours du v° siècle, on cessa complétement de brûler les corps, et, quoique le paganisme fût loin d'être éteint, l'inhumation pure et simple prévalut partout.

Un mot encore avant de clore ce paragraphe.

(1) V. Bulletin Monumental, t. IV, p. 560. On y a consigné un certain nombre de renseignements sur les sépultures poitevines; malheureusement les indications sont assez peu exactes et la liste en est dressée sans ordre. Le Bulletin de la Société des Antiquaires de France contient aussi la description et la gravure de la belle coupe en verre jaune trouvée à Chavagnes-en-PaillersL'article est de notre compatriote M. de la Villegille.

M. l'abbé Cochet a demandé à la numismatique de lui donner la date approximative de la disparition de la puissance romaine en Normandie et dans les autres provinces, et voilà comment il s'y est pris. Il a dressé la liste des monnaies découvertes en une foule de lieux, et, trouvant que, en général, cette liste s'arrêtait presque partout à la période comprise entre les premières et les dernières années du v° siècle, il s'est trop hâté d'en conclure que la fin du régime impérial correspondait à peu près, dans chacune des contrées où ces lieux se trouvaient, au règne du prince dont le nom était inscrit sur la dernière de ces mounaies. A cela je ferai deux objections.

La première, c'est que le cours des espèces n'a pas pour limites le règne de ceux sous lesquels elles ont été frappées, et qu'il s'étend presque toujours beaucoup au delà. Une pièce peut donc avoir été confiée à la terre très-longtemps après son émission; et puis cette pièce, si elle est isolée, ne peut jamais fournir une date précise, comme l'ensemble d'un trésor.

La seconde, et c'est la principale, c'est que le numéraire au type romain fut le seul en circulation en Europe et, à plus forte raison, en Gaule, jusqu'à la première moitié du vre siècle, En vain objecterait-on qu'au fur et à mesure du démembrement de l'empire, les anciens ateliers monétaires passèrent aux mains des peuplades maîtresses du territoire sur lequel ils étaient établis, et qu'il en fut même créé une foule d'autres fonctionnant en dehors de l'autorité impériale. Cet argument ne touche en rien la question, puisque, partout, jusqu'à l'époque indiquée, l'image sacrée des Césars continua à sanctionner de son empreinte le cours de la monnaie, Personne n'eût voulu des espèces frappées à un autre coin. « Les empereurs, après avoir perdu toute autorité effective, étaient encore l'objet de ce respect traditionnel que les nations barbares tenaient de leurs ancêtres. Il leur restait la souveraineté morale que donnaient une civilisation plus avancée et le prestige d'une longue habitude du commandement. »

Dès lors, la présence ou l'absence de telle ou telle monnaie de cette période, en tel ou tel lieu, n'a aucune signification historique, sinon que, de la rareté du numéraire, à partir du premier tiers du ve siècle, on peut déduire l'extrême appauvrissement de la Gaule et la cessation générale du commerce, au milieu de l'effroyable tourmente qui

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