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et la seconde, vers le Port-Juré. L'une et l'autre s'arrêtaient au règne de Postume, ainsi que celles de Saint-Martin-l'Ars et de l'île de Ré; preuve évidente que tous ces enfouissements ont eu lieu sous l'empire d'une préoccupation commune, née sans doute des guerres qui paraissent avoir précédé et suivi la mort de Postume (1). Mais l'histoire de ces temps est pour nous lettre close; à peine s'il nous est permis de soulever, çà et là, un petit coin du voile qui les couvre. A défaut de documents écrits, c'est à la numismatique et à l'archéologie que revient surtout cette mission difficile. M. Dugast nous disait tout à l'heure qu'elles étaient sœurs : efforçons-nous donc de les faire concourir au même but, au déchiffrement des annales de notre patrie; et nous, les adeptes de ces deux sciences, nous mériterons ainsi le titre d'hommes utiles, que l'on se plaît trop souvent à

nous contester.

Benjamin FILLON.

(1) Ajoutons qu'à Saint-Benoît-sur-Mer on a trouvé dernièrement quelques pièces de Volusien, de Gallien et de Postume.

JEON RENAAUD.

Nous empruntons ce petit poème à un recueil de chants et légendes populaires de la Vendée, formé par Mile Clémentine Poëy-d'Avant. Ce n'est point une composition qui appartienne en propre au pays où elle a été recueillie; mais elle y a reçu des modifications essentielles, de nature à lui donner un charme qu'elle n'a point ailleurs. La lecture des autres versions envoyées au Comité de la langue, des arts et de l'histoire de France, entre autres celle des environs de Blois, adressée par M. de La Saussaye, en fournit la preuve.

Le conte au Fils Louis, du pays de Retz, et un des chants bretons de M. de La Villemarqué ont été composés sur un thème analogue à celui de Jeon Renaaud.

Nous ne saurions trop engager Mile Poëy-d'Avant à publier son intéressant recueil. Ces productions du génie populaire disparaissent chaque jour de la mémoire des gens de la campagne, pour faire place à d'autres plus modernes.

Pierre HUDEL.

Quond Jeon Renaaud sit marié
A la guerre s'en at été.

Sa mére, qu'atait au creneaau,
Attondait trejou Jeon Renaaud.

Ma mére, fasez fére in lit

Tot au pus haaut de quiau logis;
Fasez lou haaut, fasez lou bas,
Mais que ma mie ontonde pas.

Quond Jeon Renaaud de guerre veint Si y trepasse vers ménit,

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Ma feille, o l'est qu'a ve disont Que le ner va meux que le bllonc.

Quond Jeon Renaaud arrivera, Me vestirai bé meux que ça.

Mais au logis quond a rontrit
Les gas portiant sen mari.

Mére, que veut dire ceci, Que quies houmes portont onsi?

Chére feille, o l'est in onfont Que non porte à baptisemont. Quond Jeon Renaaud arrivera, Tot baptiser onfont faudra.

Mais à l'église a se rondit,
Voisit le corps de sen mari.

Ah mére! vous m'avez caché
La mort de men Renaaud aimé!
Adieu chatea, radieu pllaisis!
Y m'en retorne on men païs.

Dons ten païs si te t'on vas, Ten onfont qui le sognera?

Mére, garderez men onfont
Et l'éleverez sagemont.
Veci la cllé de men logis,

Sen homme est mort dompis in jour; Et démézy tot est a li.

A sen état, on quiau moument,

Le ner irait meux que le bllonc.

- Mére, que veut dire ceci, Que quiés feilles chontont onsi?

Et le sêr méme a s'onnongit

Et le jou d'omprés trepassit.

VIES DES SAINTS DU POITOU ET HISTOIRE DES CONGREGATIONS RELIGIEUSES D'ORIGINE POITEVINE, par M. CHARLES DE CHERGE. 2 vol. in-12, Poitiers, chez Dupré, 1856. Le Poitou a été de tout temps fertile en grands hommes. Dès le commencement de la monarchie française, beaucoup de ses enfants se sont fait un nom illustre et se sont élevés au premier rang dans le sacerdoce, la magistrature, la guerre, la politique, la science ou les lettres. Depuis saint Leger jusqu'à Mgr Couperie, depuis Tiraqueau jusqu'à Barnabé Brisson, depuis Guillaume Fierabras jusqu'à Charette, depuis Guillaume V jusqu'à Richelieu, depuis Viete jusqu'à Réaumur, depuis Guillaume IX jusqu'à Nicolas Rapin, quelle série de confesseurs, de jurisconsultes, de capitaines, d'hommes de gouvernement, de savants et de poètes! Puis, que d'événements en sens divers. Entre les deux guerres religieuses du XVI et du XVIIIe siècle, si grandes et si terribles; entre les dernières convulsions du protestantisme expirant et la suprême lutte du catholicisme proscrit, que de naissances et de morts remarquables! Mme de Maintenon naît dans un château fort, Urbain Grandier est brûlé vif sur une place publique, léguant à deux villes poitevines, l'une, l'immortalité de sa glorieuse fortune, l'autre, l'immortalité de son malheur. Le Poitou peut donc revendiquer à bon droit sa part dans l'histoire générale de la France, et on trouve sur son sol, autant que sur tout autre, la poésie qui naît des anciens souvenirs.

Mais il y a dans notre Poitou tout un côté historique intéressant, qui échappe quelquefois à l'homme du monde que ses études ou ses sympathies n'entraînent pas dans un certain courant, c'est la partie hagiographique de son histoire. Et, cependant, il n'est pas besoin d'être allé bien avant dans les pratiques et les croyances du catholicisme pour lire avec intérêt la vie des personnages qui, par leur vertu et leur austérité, ont servi d'exemple à leurs contemporains et ont augmenté le respect des peuples envers la Divinité, en faisant respecter son image en eux-mêmes. A quelque point de vue qu'on se place, croyant ou sceptique, on ne peut regarder d'un œil indifférent les hommes qui ont lutté pour mettre l'amour chrétien à la place de l'égoïsme, le devoir à la place de l'intérêt, et qui se sont proposé d'élever en eux et en autrui le niveau de la nature

humaine. Le paganisme avait ses philosophes, qui épuraient la morale et émondaient le dogme; le christianisme a eu ses saints, qui ont trouvé une morale toute faite dans l'Évangile et qui se sont efforcés de la faire pratiquer par leurs conseils et leurs exemples. La vie de tous ces hommes est utile à étudier, et il n'est personne qui, au point de vue scientifique ou moral, ne puisse y trouver son profit.

C'est ce qu'a pensé M. de Chergé en publiant ses deux volumes sur les saints du Poitou et les congrégations d'origine poitevine. Déjà M. de Chergé s'était fait remarquer par d'intéressants travaus, et notamment par sa collaboration au Dictionnaire des Familles poitevines, de M. Beauchet-Filleau. Sans vouloir contester l'utilité de ce gigantesque et minutieux labeur, qui a occupé plusieurs générations d'érudits et qui nous éclaire sur l'origine des hommes qui ont joué un rôle dans notre histoire locale, nous croyons pouvoir dire que le dernier ouvrage de M. de Chergé a une tout autre portée. Sans doute il est utile de suivre, à travers les âges, la longue série de ses ancêtres et de nettoyer un vieux blason rouillé par le temps; mais, malheureusement, ces travaux sont de ceux qui, loin de l'agrandir, rapetissent l'horizon humain. Ils apprennent trop à notre pauvre vanité à voir les choses par le petit bout de la lorgnette, et à rejeter la grande famille, pour se confiner dans la petite. Sachons donc gré à M. de Chergé d'avoir envisagé ce grand côté de notre histoire poitevine; d'avoir compris qu'à côté de cette aristocratie qui, la plupart du temps, prend sa source dans d'obscures fonctions de robe ou de fiscalité, il y en a une autre, l'aristocratie chrétienne, dont l'origine éclate à tous les yeux, et qui ne sera jamais contestée, parce qu'elle est d'accord avec le sens étymologique du mot lui-même et quelle est basée sur la vertu.

Le livre de M. de Chergé est placé sous le patronage de Mer Pie, évêque de Poitiers, et l'auteur, dans une dédicace pleine de délicatesse, en donne les raisons que tout le monde peut comprendre. En effet, il était naturel d'inscrire en tête de cet ouvrage le nom du prélat qui soutient si dignement l'ancienne réputation de l'Église de Poitiers. C'est une marque de bon goût, et nul, nous en sommes convaincu, n'y trouvera à redire.

Le premier volume contient les vies des saints et des personnes d'une piété éminente qui sont nés ou qui ont vécu dans le Poitou. On y voit figurer saint Martial, premier apôtre des Gaules, saint

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