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Comme le roy reconnoissoit avec toute son armée qu'il estoit redevable après Dieu de la victoire à Jacques Galliot, il le fit amener à Angers pour le penser de la blessure de la quelle estant mort quelques jours après, Sa Majesté ordonna que son corps fût enterré dans l'église des Cordelliers d'Angers, dans la chapelle de Saint-Bernardin. Tout le clergé des églises collegiales et tous les religieux 'mendians assisterent à son enterrement, et on luy fit tous les honneurs possibles comme à un favory du roy.

« Le roy pensa plus que jamais à poursuivre ses conquestes; il donna ordre à son armée d'aller devant Dinan qui fut bien reduite sous son obeissance; de là, elle alla assieger Saint-Malo, et, après quelque résistance, la ville se rendit à composition, mais les biens des habitans furent confisquez au profit des gens du roy.

« Les Bretons désesperant de pouvoir résister à la rapidité des conquestes du roy, tascherent d'imiter ce petit roy dont il est parlé dans l'Évangile, et, ne pouvant se defendre, demanderent la paix. Rogate quæ pacis sunt.

«Ils renvoyerent vers le roy des députés pour lui faire des propositions de paix. Le duc luy escrivit par eux et dans l'inscription de ses lettres il le qualifioit de son souverain seigneur, et dans la souscription il s'avouoit son sujet, ce qu'il avoit refusé de faire depuis la mort de Louis XI.

« Ces ambassadeurs arriverent à Angers, où le roy les fit très bien recevoir, et ils allerent ensuite faire la reverance à Sa Majesté au chasteau du Verger, lui parlant avec des termes bien plus bumbles et plus soumis que par le passé, le suppliant très humblement d'avoir pitié du duc et de ses filles et de tout le pays de Bretagne, et de vouloir considerer la misère où toute la province estoit redujte.

« Le roy, sans prendre conseil, leur fit reponse sur le champ qu'il estoit bien déplaisant de la guerre qu'il avoit esté contraint de leur faire; qu'il n'avoit pas tenu à lui que la paix ne fut faite; il y avoit longtemps que leur duc et ceux de son parti avoient voulu non seulement troubler mais perdre son royaume; qu'il en seroit venu à bout sans une protection spéciale de Dieu; qu'il estoit certain que si le duc avoit eu les avantages sur lui qu'il avoit sur le duc, il ne seroit pas disposé à luy faire les mesmes graces qu'il vouloit luy faire; qu'il ne vouloit point user de vengeance envers eux, qu'il la reservoit à Dieu, à qui elle appartient; qu'il ferqit examiner les propositions en son conseil.

« Ces ambassadeurs admirerent la bonté et la douceur du roy, qui n'avoit pas encore seize ans. Enfin, après plusieurs conferences entre les Bretons et les commissaires nommés par le roy, le traité de paix fut conclu à Sablé, le 20 aout 1488, suivant l'historien de Charles VIII, et selon Mezeray, plus vraisemblablement, au Verger, où estoit le roy, par lequel il fut dit :

<< 1° Que le duc ne pourroit marier ses filles sans le consentement

du roy;

« 2° Qu'il feroit sortir incessamment les troupes étrangères de ses terres de Bretagne; de ne les y jamais recevoir, et qu'il feroit ratifier ces trois articles par les trois États du pays de Bretagne, et que lui même duc en presteroit serment sur le Fust, c'est à dire sur le bois de la vraye croix de Saint Laud lès Angiers;

<< 3° Qu'il consent que le roy retienne les places qu'il a conquises en Bretagne, comme Dinan, Saint Malo, Fougeres, Saint Aubin, et y mette des garnisons;

«4° Que le roy retirera son armée du pays de Bretagne;

«< 5° Que le roy restitueroit les villes et places de Saint Malo, Dinan, Fougeres et Saint Aubin aux filles Anne et Isabeau, en cas qu'elles seroient mariées du consentement du roi, qu'autrement elles appartiendront à perpetuité audit seigneur roy et à ses successeurs.

<< Leroy Charles VIII fut trois mois en Anjou. François de Bernon, duc de Bretagne, mourut bientot après ce traité, le 4 septembre de la même année, à Coiron, à 3 lieues de Nantes, où il s'étoit retiré à cause de la contagion d'une chute de cheval. Il fut enterré à Nantes, dans l'église des Carmes, où on voit son tombeau qui est des plus magnifiques.

<< Le roy Charles VIII et la reine, fille du duc d'Autriche, roy des Romains, firent leur entrée dans la ville de Beaufort, en Vallée, en Anjou, et furent rendre visite à Jeanne de Laval, reine de Sicile, veuve du bon roy René de Sicile, duc d'Anjou; ils y passerent huit jours avec toute la cour et y furent magnifiquement regalez.

<< Le mercredi suivant, le roi et la reine vinrent diner à trois lieues de Beaufort, dans le bourg d'Andard; et, après le disner, ils vinrent à Angers et entrerent au chateau par la porte des Lisses, accompagnés de Monseigneur le duc de Bourbon, du cardinal de Grandville, de Messieurs de Luxembourg, de Rohan, du maréchal de Gié, de Monseigneur de Brezé, de Madame la duchesse d'Orleans et de plusieurs autres grands seigneurs.

<< Le jeudi suivant, le roy fit l'honneur à Messire Jean Binel, juge d'Anjou, d'aller diner en sa maison, et à la sortie du diner il alla voir son artillerie qui estoit arrangée dans les halles d'Angers, la quelle artillerie avoit été fondue et faite dans une maison au bas des halles joignant les vieilles balles, à présent appelées le logis de la fonderie; le roy retourna par dessus les fosses en son chasteau.

« Le vendredi suivant, le roy alla faire la revue de tous ses soldats qui estoient au dessous du couvent de la Bamette, vis à vis de la paroisse de Bouchemaine, dans une grande prairie; la reine et toutes les dames estoient au haut des jardins du couvent de la Basmette, d'où elles regardoient tous les mouvements de l'armée du roy.

<< Peu de temps après, le roy sortit d'Angers, et le jeudy 14 octobre 1490, il envoya des lettres patentes par les quelles il créoit Monseigneur le marechal de Gié, seigneur du Verger, son favory, lieutenant géneral et gouverneur du pays d'Anjou et du Mayne. »

ET DU PAYS DE RAIS.

(Suite.

Voir page 365.)

7° §. — « Rezay ou Ratiate était riche par le commerce maritime << et celui de la Loire. » (Diss, sur les monn. de Bretagne.)

8. §.

Rezay ou Ratiate fut ruiné par un débordement d'eau << dans le vir siècle. » (Ibid.)

Nous réunissons ces deux paragraphes, parce qu'une seule et unique réponse est applicable à chacun d'eux : c'est qu'ils sont l'un et l'autre complétement dépourvus, non-seulement de preuves, mais même du plus léger indice qui puisse donner lieu à la moindre conjecture. Ils sont tous deux sortis de l'imaginative de l'abbé Travers. Je suis loin de nier que Rezay ait pu avoir, à une certaine époque, une prospérité commerciale que son heureuse situation sur la Loire lui aura procurée; mais ce n'est pas avec des probabilités qu'il faut faire l'histoire d'un pays, car, de probabilité en probabilité, on va quelquefois jusqu'à l'absurde. Quant à la destruction de Rezay par un débordement d'eau, au vII° siècle, non-seulement il n'y a aucune preuve de ce fait, mais la position topographique du bourg et du terrain dans lequel se trouvent les fondations des constructions romaines s'oppose entièrement à cette supposition; car, si cette partie est encore aujourd'hui au-dessus des hautes eaux de la Loire, à plus forte raison l'était-elle au VII° siècle, où le fond du fleuve était à un niveau beaucoup plus bas que le niveau actuel.

La cause de destruction par les eaux rapportée par l'abbé Travers, n'a été répétée par aucun de ceux qui l'ont suivi sur d'autres points, souvent sans la moindre critique; mais une autre cause de ruine et son époque, énoncées par l'abbé Belley, ont été adoptées par tous ceux qui, depuis lui, ont parlé de Rezay. Cette cause est

l'invasion des Normands au IX siècle, et on cite à l'appui la Chronique de Nantes. Or, nous avons vu que le texte de cette Chronique ne dit pas un mot de Rezay, et que, dans sa généralité, il s'applique aux trois pays de Mauge, de Tiffauge et d'Herbaugé, sans qu'il soit même fait mention du pays de Rays. C'est encore une pure supposition; mais elle a été admise par Denoual de la Houssaye (Statist. de 1802), par J.-B. Huet (Statist. de 1803) et par Richer (Voyage à Paimbœuf), comme une excellente preuve de l'identité de Rezay et de Ratiate. J'avoue que c'est un raisonnement qui dépasse mon intelligence.

9. §. << Rezay est le Portus Raciatus ou Retiatus de la Vie de << saint Philbert, par Hermentaire, au IX° siècle. » (Éclairciss. geogr. de l'anc. Gaule, par d'Anville, p. 135.)

L'abbé Travers, on ne sait pourquoi ni comment, a négligé un document tout à fait applicable au bourg de Rezay, et que d'Anville a le premier recueilli et fait valoir. C'est le passage suivant de la Vie de saint Philbert, écrite an IXe siècle par l'abbé Hermentaire, liv. II, chap. 61.

<< Ex Cenomanico territorio quædam femina Rainildis nomine, << navem conscendit, cursuque veloci, Sarta fluvio agente, meduanæ << amnem ingreditur : qua graviore impetu currente Ligeris descendit <«< in alveum et usque ad optatum portum, qui Raciatus dicitur, á monasterio quod Deas vocant octo miliariis, celeriter decurrit. >> Le voyage en bateau de cette dame du Maine est très-clairement tracé. Elle s'embarque sur la rivière de Sarte, entre dans la Mayenne et descend par la Loire ad portum qui Raciatus dicitur, ce qu'on peut, je crois, traduire en toute assurance par le port de Rezay: puis, de là, elle se rend au monastère de Deas, distant de 8 milliaires. Cette distance vient encore confirmer la véritable situation du Portus Ratiatus. L'expression de milliaire, dont se sert l'historien, ne me paraît pas avoir la même signification que celle du mille romain ou les mille pas, mesure itinéraire qui n'était pas en usage dans la partie occidentale de la Gaule lyonnaise. Le milliaire, à mon avis, exprime la pierre ou borne qui marquait les distances sur les voies, et ces distances étaient calculées par lieues. La lieue gauloise, selon d'Anville, était de 1134 toises, soit 2268 mètres à peu près. Les

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