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DES

RÉPUBLIQUES ITALIENNES

DU MOYEN AGE

PAR

J. C. L. SIMONDE DE SISMONDI.

NOUVELLE ÉDITION.

TOME DIXIÈME.

Paris

FURNE ET C, LIBRAIRES-ÉDITEURS

55, RUE SAINT-ANDRÉ-DES-ARCS;

TREUTTEL ET WURTZ, LIBRAIRES

17, RUE DE LILLE.

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Lautrec conduit une armée française devant Naples, et bloque cette ville; victoire de sa flotte sur celle des Espagnols: maladie dans son camp sa mort et capitulation de son armée. André Doria passe au parti impérial, et change le gouvernement de Gênes.

1527-1528.

1529. Les papes, au xive siècle, pendant leur séjour à Avignon, étaient les seuls, entre les potentats, qui ne craignissent point de s'engager dans des guerres éternelles. Quels que fussent les revers de leurs armées, ils ne pouvaient être atteints par la désolation de leurs peuples, le pillage de leurs villes, et même de leur capitale; ils ne s'apercevaient point à Avignon des souffrances intolérables de l'Italie; la clameur publique n'arrivait point jusqu'à eux, pour les forcer à

faire la paix; et il se présentait toujours autour d'eux des courtisans, des ministres, des flatteurs intéressés, qui, ne pouvant élever leur fortune que par la guerre, s'efforçaient de leur faire croire que l'honneur, la religion, les intérêts de la foi et ceux de l'église exigeaient la continuation des hostilités. Ce qui, dans le xive siècle, était la condition toute particulière de l'église de Rome, se trouva, au commencement du xvi, être celle de tous les monarques de la chrétienté, à la réserve du pape seul. Depuis que leurs états étaient devenus beaucoup plus considérables, la guerre ne passait presque jamais leurs frontières, et ne mettait point leur existence en danger.

Charles-Quint, à l'âge de vingt-sept ans, avait déjà fait prisonniers le roi de France, le roi de Navarre et le pape: cependant il ne s'était encore jamais mis à la tête d'aucune de ses armées; il ne connaissait ni l'effroyable spectacle d'un champ de bataille, ni la désolation d'une ville prise d'assaut, ni les tourments prolongés des bourgeois chez lesquels il mettait une armée en quartier sans la payer. Ses courtisans avaient grand soin de dérober à l'invincible Auguste des détails qui auraient pu l'affliger : ils l'entretenaient des intérêts de sa gloire: Charles-Quint poursuivait les projets de son ambition; et lorsque les prodigalités de sa cour, ou le système absurde de ses finances, faisaient manquer l'argent nécessaire aux généraux pour achever une entreprise, chacun se faisait un devoir de dissimuler les calamités d'une province éloignée, ou de les représenter comme la conséquence nécessaire d'une politique magnanime. Dans la suite de son règne, Charles-Quint conduisit lui-même ses armées; alors il sentit mieux la nécessité de la paix, et son ambition fut plus souvent modérée par les circonstances où il se trouva jeté : mais ses successeurs, Philippe II, Philippe III, Philippe IV, stationnaires dans les solitudes de l'Escurial, inaccessibles à tous les regards, sourds à toutes les plaintes, à tous les gémisse

ments, ne purent jamais être détournés de leurs rêves ambitieux par la crainte ou par la pitié. Parce qu'ils ne virent point la guerre, ils la firent sans relâche; ils ne connurent point les calamités qu'ils causèrent pendant un siècle entier. On les vit prolonger d'année en année le sac des villes et le ravage des campagnes, pour une prérogative infructueuse, pour une dispute d'étiquette, ou même par paresse d'esprit, parce qu'ils ne savaient point prendre une décision.

Henri VIII, roi d'Angleterre, qui, à cette époque, avait acquis une si grande prépondérance en Europe, était bien plus à l'abri encore que les monarques de la maison d'Autriche des calamités de la guerre. son peuple n'en connaissait le fardeau que par l'augmentation de ses dépenses, et la vanité de Henri VIII était flattée de l'importance militaire qu'il avait acquise. Il se figurait, selon l'erreur commune des rois, que, quoiqu'il ne parût jamais aux armées, il pouvait recueillir de la gloire par des batailles livrées en son nom, où il n'avait donné aucune preuve ni de talent ni de bra

youre.

Jusqu'à la bataille de Pavie, François Ier avait été également sourd aux plaintes des peuples, et insensible à leurs calamités. Il s'était glorifié d'avoir mis les rois de France hors de page, c'est-à-dire, de n'avoir plus fait dépendre sa conduite que de ses seules fantaisies, sans écouter les réclamations, ou sans consulter les intérêts de ses sujets. Il n'était point dépourvu de sensibilité; et la vue des souffrances qu'il causait aurait pu le toucher, si son extrême légèreté et son goût pour les plaisirs n'avaient distrait sans cesse son attention de ses devoirs. Pendant que ses armées se dissipaient faute de paye; que ses villes, mal pourvues et mal défendues, étaient emportées d'assaut; que les exactions de ses généraux faisaient prendre en horreur aux Italiens le nom de la France, il prodiguait à ses maîtresses l'argent de l'état; il dissipait,

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