Page images
PDF
EPUB

dures maximes d'état, Saint-Martin, avec son cœur si bienveillant et si tendre, n'aspire qu'à les tourner au bonheur de ses semblables; il les tempère de toute son ame, les adoucit par pitié, y mêle une onction qui en corrige heureusement la terrible austérité. S'il a de l'analogie avec quelqu'un, qui est aussi un peu de sa foi, c'est plutôt avec M. Ballanche: il a même affection, même charité, même sympathie pour le genre humain.

Pour achever de donner une idée de l'espèce de philosophie qu'on trouve dans les ouvrages de SaintMartin, nous rapporterons un morceau extrait d'un article inséré dans les Archives littéraires (1) : cet article est d'un rédacteur qui paraît avoir étudié avec attention les diverses productions du philosophe inconnu : « Son système a pour but d'expliquer tout par « l'homme l'homme, selon lui, est la clé de toute «< énigme et l'image de toute vérité. Prenánt ainsi à «la lettre ce fameux oracle de Delphes, nosce te ip<«< sum, il soutient que, pour ne pas se méprendre «sur l'existence et sur l'harmonie de tous les êtres << de l'univers, il suffit à l'homme de se bien con« naître lui-même, parce que le corps de l'homme a «< un rapport nécessaire avec tout ce qui est visible, «<et que son esprit est le type de tout ce qui est invi«sible. Que l'homme étudie done, et ses facultés phy

[ocr errors]

siques dépendantes de l'organisation de son corps, «<et ses facultés intellectuelles, dont l'exercice est sou<«< vent influencé par les sens ou par les objets exté«rieurs, et ses facultés morales ou sa conscience, (( qui suppose en lui une volonté libre. C'est dans

(1) En 1804, peu après la mort de Saint-Martin.

[ocr errors]

:

«< cette étude qu'il doit rechercher la vérité, et il trou« vera en lui-même tous les moyens nécessaires pour << y arriver voilà ce que l'auteur appelle la révéla«<tion naturelle. Par exemple, la plus légère attention « suffit, dit-il, pour nous apprendre que nous ne «< communiquons, et que nous ne formons même au«< cune idée qu'elle ne soit précédée d'un tableau ou << d'une image engendrée par notre intelligence : c'est <«<< ainsi que nous créons le plan d'un édifice et d'un «< ouvrage quelconque. Notre faculté créatrice est « vaste, active, inépuisable; mais, en l'examinant «< de près, nous voyons qu'elle n'est que secondaire, << temporelle, dépendante, c'est à dire qu'elle doit son « origine à une faculté créatrice supérieure, indépen«< dante, universelle, dont la nôtre n'est qu'une faible copie : l'homme est donc un type qui doit avoir son « prototype, et ce prototype est Dieu. » Voilà pourquoi Saint-Martin dit quelque part que l'homme n'est qu'une pensée de Dieu, pensée qu'il peut laisser s'obscurcir et s'altérer, mais qu'il peut aussi ramener à la vérité et à la lumière en prenant soin de se purifier, et alors il connaît Dieu, qui est cette pensée même ; il l'a et le sent en lui. Celui qui connaît Dieu, disent les philosophes indiens, devient Dieu lui-même; selou Saint-Martin, il en devient au moins l'image quand il s'est lavé de la corruption dont sa chute l'a souillé.

((

[ocr errors]

1

;

On sait trop ce qu'il peut y avoir de faux et de vrai, ou plutôt d'ombre de vérité dans les idées que nous venons de parcourir, pour qu'il soit nécessaire de le montrer expressément; la manière seule dont elles ont été exposées en est une critique suffisante. Nous nous bornerons donc à remarquer que, sauf la forme

et la couleur, rentrant dans celles de M. de Maistre, au moins sous quelques rapports principaux, elles donneraient lieu aux mêmes objections, et laisseraient prise aux mêmes argumens; ce seraient mêmes preuves à reproduire, nous aimons mieux y renvoyer.

Ajoutons que, si l'on voulait suivre le système de M. Saint-Martin dans sa partie physique et mathématique, on n'y trouverait que des étrangetés qui, dans l'état actuel des sciences, ne mériteraient pas une discussion sérieuse.

Tel est, dans sa plus grande généralité, c'est à dire dans tout ce qui peut avoir quelque intérêt pour le public, l'illuminisme de Saint-Martin. Pour qui aurait plus de curiosité, nous citerons les ouvrages suivans, que chacun peut consulter: 1° des Erreurs et de la Vérité (Lyon) 1775, in-8°; 2° du Tableau naturel; 3° de l'Esprit des choses; 4o du Crocodile, la plus bizarre et la plus obscure des compositions de l'auteur ; 5o du Ministère de l'homme - esprit ; 6° Eclair sur l'Association humaine (Paris, an v, 1797), in-8°.

Il va sans dire qu'en plaçant Saint-Martin à la fin de l'école théologique, nous ne suivons pas l'ordre de date, car à ce compte il serait en tête ; c'est plutôt comme un lieu à part, que nous avons voulu lui donner; nous l'avons placé le dernier pour l'isoler, et par là mieux marquer la nuance qui le distingue; à peu près comme nous avons fait, dans l'école sensualiste, pour le docteur Gall et M. Azaïs.

(1) Voyez l'article Saint-Martin dans la Biographic universelle, tome 40.

་་་!

FIN DU TOME PREMIER.

TABLE DES MATIÈRES

DU PREMIER VOLUME.

[blocks in formation]

-

deuxième édition. - 3° De la troisième édition.

INTRODUCTION. Chap. I. Rapport de l'Histoire de la
Philosophie à l'Histoire proprement dite.-Application
au présent.

Chap. II. Aperçu général sur l'état de la Philosophie en

France, depuis la Révolution jusqu'à nos jours.

ÉCOLE SENSUALISTE.

[blocks in formation]
« PreviousContinue »