que l'on nomma* Thefée, & que felon quelques-uns, on appella ainfi, à caufe des enfeignes qu'on avoit laif fées pour le reconnoiftre. D'autres veulent que ce nom luy ait esté impofé dans Athenes, quand Egée declara qu'il eftoit fon fils. Il fut élevé dans la maifon de fon grand pere, qui luy bailla pour pedagogue Connidas, à qui les Atheniens encore aujourd'huy facrifient un belier, à la veille de la fefte de Thefée; luy rendant beaucoup plus d'honneur qu'ils n'en rendent à Syllanion ny à Parrhafius, celebres par les Statues & par les Portraits qu'ils ont faits de ce Fondateur d'Athenes: Auffi eftoit-il bien juste, que celuy qui avoit formé cette grande Ame, fut plus confideré que ceux qui n'ont fait qu'imiter la figure de fon corps.

C'eftoit la couftume que les jeunes Garçons allaffent à Delphes, of

frir

*Thefee vient de Thefis, qui veut dire pofition.

frir leur chevelure à Apollon. The-
fée y alla comme les autres, & en
memoire de cette ceremonie, il y a
une Place qui porte encore aujour-
d'huy fon nom. Il fe fit couper feu-
lement les cheveux du devant de la
tefte; & l'on dit de ceux qui les por-
tent courts en cet endroit-là, qu'ils
fuivent la mode de Thefée. Les A--
bantes, felon Homere, en ont efté
les premiers inventeurs, & ne l'ont
point prise des Arabes ny des My-
fiens, comme quelques-uns ont vou-
lu dire. Sans doute ils ont efté obli-
gez de s'ajufter de la forte, à caufe de.
leur maniere de combatre, qui eft de
joindre d'abord leurs ennemis au
corps, comme Archiloque fait voir
dans ces vers.

Les Eubéens par tout témoignent leur
courage,

Des frondes & des arcs ils mefprisent
Pusage:

Leur Epée est toufiours preparée au

befoin,

Ils ne fe plaisent pas à combatre de

loin:

Et comme ils combatoient presque toufiours teste à tefte, ils ne manquoient pas de tenir leurs cheveux courts fur le front, afin qu'on ne les pût faifir par là. Et fans doute qu'Alexandre y avoit fait quelque reflexion quand il commanda aux Capitaines de fon Armée de faire rafer la barbe de leurs Soldats, qui pouvoient donner par là une prise tropavantageufe à leurs Ennemis.

Ethra demeura quelque temps fans declarer qui eftoit le veritable pere de Thefée. Pithée fit femer le bruit que c'eftoit Neptune, qui est le Dieu tu→ telaire de Trezéne, & que l'on y honore particulierement, jufques à luy vouer les premices de tous les fruits, & marquer la monnoye de la figure d'un Trident. Bien que Thefée fut encore dans fa plus tendre jeuneffe, fa mere remarqua que non feulement il eftoit robufte de corps;

mais encore qu'il eftoit doüé d'un excellent efprit & d'un jugement folide. Elle le conduisit au lieu où eftoit cette Pierre, dont nous avons parlé; & aprés luy avoir découvert ce qui eftoit de fa naiffance, elle luy commanda d'en retirer les marques que fon pere y avoit laiffées, & de s'embarquer en fuite pour l'aller trouver à Athenes. Thefée foûleva cette groffe Pierre, la renverfa le plus facilement du monde; mais il refufa d'aller par mer, bien que ce fût la voye la moins dangereufe, & que Pithée & fa mere l'en preffaffent inftamment, à cause que le chemin de terre eftoit tout remply de Voleurs. En effet, il y eut en ce fiecle-là un grand nombre d'hommes qui avec ce qu'ils eftoient extremement robuftes eftoint extremement legers à la courfe & ne fe rebutoient d'aucune fatigue; mais ils n'employoient pas comme il falloit les dons qu'ils avoient receus de la Nature. Au lieu de faire de belles aA 6 Єtions

tions & qui fuffent utiles à la focieté, ils ne faifoient que des infolences & des outrages; comme fi les cruautez & les inhumanitez euffent dû eftre les feuls avantages qu'ils devoient tirer de leurs forces. Ils croyoient qu'il leur eftoit permis de faire toutes chofes impunément; ils prenoient tout ce qu'ils rencontroient; ils forcoient tout ce qui leur faifoit refiftance, & tuoient tous ceux qui tomboient entre leurs mains. La honte de mal-faire, la justice & l'humanité paffoient chez eux pour foibleffe & pour baffeffe de cocur. Ils s'imaginoient que c'eftoit par necéffité feulement que le commun des hommes (qui n'ofe faire tort à autruy decrainte qu'on ne luy en faffe) loue ces qualitez-là; & pretendoient qu'elles n'eftoient pas neceffaires à ceux qui ont naturellement de l'avantage fur les autres. Hercule en voyageant par le monde, avoit deftruit une grande partie de ces Voleurs, & fi quelques-uns

luy