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d'où dépend la rotation qu'il imprime aux planètes; de-là vient qu'elles roulent toutes dans le même sens d'occident en orient, dans le plan du zodiaque, et d'autant plus rapidement qu'elles sont plus rapprochées de cet astre central. L'attraction et la répulsion n'agissent sur les corps que dans la ligne, droite ou perpendiculaire, mais le mouvement circulaire ne peut être imprimé que par un principe de rotation, et par une sphère immense, image de l'orbe infini de la Divinité.

Nos ames paroissent être une empreinte de cette puissance sans bornes, une ombre de Dieu. Elles ne sont point, sans doute, de même nature que le mouvement ou le principe mobile des astres, qui ne paroît consister que dans une révolution perpétuelle, ni extraites de la substance divine, infiniment supérieure à tout ce que notre esprit peut imaginer de plus parfait. Mais l'ame consiste dans la pensée, centre rayonnant, qui, semblable à une lampe éternelle, illumine l'homme dans les sentiers ténébreux de la vie.

Qu'on examine les pensées les plus puissantes ou les plus sublimes qu'on puisse former, par exemple, celles d'un Dieu, de l'éternité, de l'infinité, on ne se les représentera guère * es lo eracieuse image d'une sphère, ou

de cercles immenses, incompréhensibles. Ainsi la plus grande capacité dont on s'efforce d'enfler ses conceptions est dans l'ame un orbe, une sorte de mouvement circulaire, capable même de causer un vertige ou un tournoiement aux esprits qui tentent de s'enfoncer dans ces profondeurs. L'imagination grossissant sans mesure ła même idée, en retournant sans cesse sur elle-même, s'absorbe à la fin dans cet abîme sans fond; et peut-être qu'à la mort, notre ame se sent entraînée dans ce tourbillon éternel.

CHAPITRE V.

De l'origine et des attributs de l'ame
intellectuelle.

Nous dirons que le principe de son immortalité dépend du premier Etre, car rien que la vie ne peut sortir de cette source infinie de vie; et comme il n'appartient qu'à Dieu de créer, il a seul la puissance d'anéantir. D'ailleurs, l'unité et la simplicité de l'ame rendent sa substance incorruptible, étant partout également pénétrable, rien ne peut agir sur elle, et elle reste inaltérable; n'ayant pas de parties, elle est un point universel ou qui

s'étend dans l'infini. De-là vient qu'elle n'est pas tant en nous-mêmes que nous ne sommes en elle, parce que participant de, l'immensité, elle peut se répandre par-tout. Par la même raison, elle n'occupe point d'espace; si elle étoit fixée quelque part, elle occuperoit un lieu comme la matière, qualité contraire à un être, de la nature de l'infini. Lui assigner un siége déterminé, soit au cerveau, soit au cœur, comme aux facultés végétative et sensitive, seroit donc lui supposer une qualité corporelle; mais un esprit intelligent n'ayant ni lieu ni temps, rien ne le contient ou le borne; s'il agit principalement dans le cerveau, c'est parce qu'il y trouve le commun réservoir des sensations avec lesquelles il entre en communication.

Toute substance sortie hors de son lieu naturel est toujours inconstante, vague, et ne s'attache à rien; aussi l'ame ne trouve son repos que dans le centre divin d'où elle est émanée, et comme les objets mortels ne sont

pas de sa nature, elle se meut d'une inquiétude perpétuelle. Les voluptés même du monde ne la fixent pas long-temps. Toujours la même dans des corps toujours divers, elle n'a ni jeunesse ni vieillesse, et demeure inaltérable quoique unie à un corps qui s'altère sans cesse.

L'ivresse, la folie sont corporelles et guérissables, mais une ame altérable seroit corps et non pensée. Quoique la flamme prenne divers éclat et couleur, selon les matières qu'elle consume, le feu est toujours de même nature. Ainsi toutes les ames étant des unités, sont pareilles, quelque différens que soient les corps, à cause de leurs élémens multiples et composés. Quelque variées que paroissent être les pensées et les actions des hommes en particulier, ils pensent et agissent pourtant au total de la même manière qu'ils ont agi et pensé dans tous les temps. Cette uniformité montre une certaine ressemblance dans les ames et un niveau général.

Puisque l'homme a dans lui un esprit, il faut bien qu'il existe quelque substance spirituelle dans l'Univers; car d'où pourroit venir notre intelligence, sinon d'une cause intelligente? Si le monde étoit l'effet du hasard, notre raison en résulteroit, elle agiroit au hasard, et pourroit le connoître. Le propre témoignage de l'homme suffit pour le confondre; car s'il n'a pas d'ame, d'où lui vient sa raison? et s'il a une ame, il existe donc un principe intellectuel dans lui comme dans l'Univers. Nous ne pouvons rien connoître de plus certain que l'existence de notre ame, puisque toutes choses

ne nous sont connues que par son action. La même raison qui a présidé à l'organisation des animaux et des plantes, à l'ordonnance admirable des astres qui circulent dans les cieux, a formé la pensée de l'homme. Combien est insensé celui qui ne sent pas en lui-même quelque chose de divin!

Il étoit nécessaire que l'homme participât de l'esprit qui dirige la nature, afin qu'il pût comprendre et imiter ses œuvres. Nos travaux ne sont qu'une imitation des ouvrages naturels, et la seule différence qui les distingue, c'est que la nature étant gouvernée par la toute-puissance de Dieu, elle opère des choses bien plus grandes et plus parfaites que n'en peut produire un être borné et mortel; d'ailleurs, l'homme étant un être terrestre, ne peut guère comprendre que des choses relatives à la terre. Ce seroit bien en vain qu'il prétendroit ne devoir sa science qu'à lui-même, puisque la nature divine l'a éclairé d'un rayon de son intelligence. Il n'apperçoit rien que selon la lumière qui lui a été départie; il n'invente et ne perfectionne rien que selon la mesure du don qu'il a reçu. Il n'eût pas su, de lui scul fabriquer le vaisseau qui, parcourant l'orient et l'occident du monde, reviendra chargé des trésors d'un nouvel hémisphère; il n'eût pas

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