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femme, jusqu'à lui donner tout son bien par contrat de mariage; et je ne doute point qu'il ne prêtât1 l'oreille à la proposition; car enfin il vous aime fort, je le sais; mais il aime un peu plus l'argent; et quand, ébloui de ce leurre, il aurait une fois consenti à ce qui vous touche, 5 il importerait peu ensuite qu'il se désabusât, en venant à vouloir voir clair2 aux effets de notre marquise.

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Laissez-moi faire. Je viens de me ressouvenir d'une de mes amies qui sera notre fait.'

CLÉANTE.

10

Sois assurée, Frosine, de ma reconnaissance, si tu viens à bout de la chose. Mais, charmante Mariane, commençons, je vous prie, par gagner votre mère: c'est toujours beaucoup faire que de rompre ce mariage. Faites-y de votre part, je vous en conjure, tous les 15 efforts qu'il vous sera possible. Servez-vous de tout le pouvoir que vous donne sur elle cette amitié qu'elle a pour vous; déployez sans réserve les grâces éloquentes, les charmes tout-puissants que le Ciel a placés dans vos yeux et dans votre bouche; et n'oubliez rien, s'il vous 20 plaît, de ces tendres paroles, de ces douces prières, et de ces caresses touchantes à qui je suis persuadé qu'on ne saurait rien refuser.

MARIANE.

J'y ferai tout ce que je puis, et n'oublierai aucune chose.

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5

SCÈNE II

HARPAGON, CLEANTE, MARIANE, ÉLISE, FROSINE

HARPAGON.

Ouais! mon fils baise la main de sa prétendue1 bellemère, et sa prétendue belle-mère ne s'en défend pas fort. Y aurait-il quelque mystère là-dessous?

ÉLISE.

Voilà mon père.

HARPAGON.

Le carrosse est tout prêt. Vous pouvez partir quand il vous plaira.

CLÉANTE.

Puisque vous n'y allez pas, mon père, je m'en vais les conduire.

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Oh çà, intérêt de belle-mère à part,' que te semble à

toi de cette personne?

CLÉANTE.

Ce qui m'en semble?

HARPAGON.

Oui, de son air, de sa taille, de sa beauté, de son

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A vous en parler franchement, je ne l'ai pas trouvée ici ce que je l'avais crue. Son air est de franche coquette; sa taille est assez gauche, sa beauté très médiocre, et son esprit des plus communs. Ne croyez pas que ce soit, mon père, pour vous en dégoûter; car, belle-mère pour belle-mère, j'aime autant celle-là qu'une

autre.

HARPAGON.

Tu lui disais tantôt pourtant . . .

CLÉANTE.

Je lui ai dit quelques douceurs en votre nom, mais c'était pour vous plaire.

HARPAGON.

Si bien donc que tu n'aurais pas d'inclination pour elle?

Moi? point du tout.

CLEANTE.

5

HARPAGON.

J'en suis fâché; car cela rompt une pensée qui m'était venue dans l'esprit. J'ai fait, en la voyant ici, réflexion sur mon âge; et j'ai songé qu'on pourra trouver à redire de me voir marier1 à une si jeune personne. Cette considération m'en faisait quitter le dessein; et, comme je l'ai fait demander, et que je suis pour elle engagé de parole, je te l'aurais donnée, sans l'aversion que tu témoignes.

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Écoutez: il est vrai qu'elle n'est pas fort à mon goût; mais pour vous faire plaisir, mon père, je me résoudrai à 15 l'épouser, si vous voulez.

HARPAGON.

Moi? Je suis plus raisonnable que tu ne penses: je ne veux point forcer ton inclination.

CLEANTE.

Pardonnez-moi, je me ferai cet effort pour l'amour de

vous.

HARPAGON.

Non, non: un mariage ne saurait être heureux où l'inclination n'est pas.

CLÉANTE.

C'est une chose, mon père, qui peut-être viendra ensuite; et l'on dit que l'amour est souvent un fruit du mariage.

HARPAGON.

5

Non: du côté de l'homme, on ne doit point risquer l'affaire, et ce sont des suites1 fâcheuses, où je n'ai garde de me commettre. Si tu avais senti quelque inclination pour elle, à la bonne heure: je te l'aurais fait épouser, au lieu de moi; mais, cela n'étant pas, je suivrai 10 mon premier dessein, et je l'épouserai moi-même.

CLEANIE.

Hé bien! mon père, puisque les choses sont ainsi, il faut vous découvrir mon cœur, il faut vous révéler notre secret. La vérité est que je l'aime, depuis un jour que je la vis dans une promenade; que mon dessein était 15 tantôt de vous la demander pour femme; et que rien ne m'a retenu que la déclaration de vos sentiments, et la crainte de vous déplaire.

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