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LA FLÈCHE, sortant du jardin, avec une cassette. Ah! Monsieur, que je vous trouve à propos! suivez 10 moi vite.

Qu'y a-t-il?

CLEANTE.

LA FLÈCHE.

Suivez-moi, vous dis-je: nous sommes bien.1

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Le trésor de votre père, que j'ai attrapé.

CLEANTE.

Comment as-tu fait?

LA FLÈCHE.

Vous saurez tout. Sauvons-nous, je l'entends crier.

SCÈNE VII
HARPAGON

(Il crie au voleur dès le jardin, et vient sans chapeau). Au voleur! au voleur! à l'assassin! au meurtrier! Jus- 10 tice, juste Ciel! je suis perdu, je suis assassiné; on m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être? Qu'est-il devenu? Où est-il? Où se cache-t-il? Que

ferai-je pour le trouver? Où courir? Où ne pas courir? N'est-il point là? N'est-il point ici? Qui est-ce? Arrête.1 Rends-moi mon argent, coquin.... (Il se prend lui-même le bras.) Ah! c'est moi. Mon esprit est troublé, et 5 j'ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas! mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami; on m'a privé de toi; et puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma consolation, ma joie; tout est fini pour moi, et je n'ai plus que faire au monde: sans toi, il 10 m'est impossible de vivre. C'en est fait, je n'en puis plus; je me meurs, je suis mort, je suis enterré. N'y a-til personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m'apprenant qui l'a pris? Euh? que dites-vous? Ce n'est personne. Il faut, qui que ce 15 soit qui ait fait le coup, qu'avec beaucoup de soin on ait épié l'heure; et l'on a choisi justement le temps que je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller querir la justice,3 et faire donner la question* à toute la maison: à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi 20 aussi. Que de gens assemblés! Je ne jette mes regards

sur personne qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon voleur. Eh! de quoi est-ce qu'on parle là?5 De celui qui m'a dérobé? Quel bruit fait-on là-haut?" Est-ce mon voleur qui y est? De grâce, si l'on sait des 25 nouvelles de mon voleur, je supplie que l'on m'en dise. N'est-il point caché là parmi vous? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu'ils ont part sans doute au vol que l'on m'a fait. Allons vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des 30 gênes, des potences et des bourreaux. Je veux faire pendre tout le monde; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après.

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ACTE V

SCÈNE PREMIÈRE

HARPAGON, LE COMMISSAIRE, SON CLERC

LE COMMISSAIRE.

Laissez-moi faire: je sais mon métier, Dieu merci. Ce n'est pas d'aujourd'hui que je me mêle de découvrir des vols; et je voudrais avoir autant de sacs de mille francs que j'ai fait pendre de personnes.

HARPAGON.

Tous les magistrats sont intéressés à prendre cette 5 affaire en main; et si l'on ne me fait retrouver mon argent, je demanderai justice' de la justice.

LE COMMISSAIRE.

Il faut faire toutes les poursuites requises. Vous dites qu'il y avait dans cette cassette...?

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Dix mille écus.1

HARPAGON.

LE COMMISSAIRE.

Le vol est considérable.

HARPAGON.

Il n'y a point de supplice assez grand pour l'énormité de ce crime; et s'il demeure impuni, les choses les plus 5 sacrées ne sont plus en sûreté.

LE COMMISSAIRE.

En quelles espèces était cette somme?

HARPAGON.

En bons louis d'or et pistoles bien trébuchantes.2

LE COMMISSAIRE.

Qui soupçonnez-vous de ce vol?

HARPAGN.

Tout le monde; et je veux que vous arrêtiez prison10 niers la ville et les faubourgs.

LE COMMISSAIRE.

Il faut, si vous m'en croyez, n'effaroucher personne, et tâcher doucement d'attraper quelques preuves, afin de procéder après par la rigueur au recouvrement des deniers qui vous ont été pris.

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