Page images
PDF
EPUB

RUE PIERRE-SARRAZIN, No 14, A PARIS.
(Près de l'École de Médecine.)

LE DEVOIR

PAR

JULES SIMON

Professeur agrégé de la faculté des lettres de Paris.

DEUXIEME ÉDITION.

Un volume in-12. Prix, broché, 3 francs 50 centimes. L'ouvrage sera envoyé franco à toute personne qui adressera 4 fr. en timbres-poste ou en un mandat sur Paris.

Pour ceux qui sont au fait du mouvement de la littérature et de la science, c'est un rare et curieux phénomène de voir un livre de pure philosophie enlevé en quelques mois. Il est juste de faire hommage de ce succès à l'auteur et au public. Mais il est juste, avant tout, d'en faire hommage au sujet lui-même. Y a-t-il quelque part un drame plus saisissant que cette lutte secrète entre la Passion et l'Idée, dont le théâtre est la volonté libre, et dont le dénoûment est l'action bonne ou mauvaise? Quelle étude plus curieuse que celle de la Raison traçant à la liberté sa règle immuable dans le devoir? Personne n'a le droit de se considérer comme désintéressé dans la question. On comprend l'indifférence de la foule pour les subtilités de la métaphysique : il est naturel de dédaigner ce qu'on ne saurait comprendre. Mais ces ironies superbes se taisent quand la parole est à la morale. On ne se moque pas de l'idée de la justice comme on se moquerait d'un théorème sur l'espace ou sur le temps. Les rieurs ne seraient plus du côté d'un scepticisme aussi indécent.

2

Ce serait donner la mesure de sa valeur morale, que de plaisanter du Devoir. Le sujet du livre de M. Simon avait donc, par lui-même, une sorte d'autorité supérieure qui imposait le respect à l'ironie comme à l'indifférence.

Mais le respect, tout seul, ne fait pas la fortune d'un livre. On peut être très-respectueux sans être très-empressé. Il y a eu autour de l'œuvre de M. Simon une faveur marquée et un vif intérêt qui étaient quelque chose de plus qu'un simple sentiment de convenance. Le public a parfaitement compris que ce livre, ardent et austère, était à son adresse. Il l'a lu, médité, adopté comme le code écrit de la conscience. Il y a, dans le prompt succès de cet ouvrage, une haute moralité. Le public revient aux études sérieuses, aux méditations philosophiques, aux conseils élevés de la science. On commence à s'apercevoir qu'il y a autre chose, même en ce bas monde, que des usines et des chemins de fer, Il y a des âmes immortelles et libres dont il s'agit de régler la liberté en vue de l'immortalité future. Dans le tumulte de nos passions effrénées et de nos intérêts discordants, il semble que nous entendons retentir plus distinctement à nos oreilles une voix qui nous parle du monde invisible et des intérêts éternels.

M. Jules Simon a été l'heureux et populaire interprète de ces oracles vraiment divins de la raison. Il aura pour sa part contribué au réveil des âmes, il aura conquis à la grande doctrine de l'esprit quelques intelligences passionnément éprises de la matière, il aura fait du bien, en un mot, ce qui est le plus bel éloge que l'on puisse faire d'un livre ou d'un écrivain, et ce bien, il l'aura fait sans bruit, avec une modestie pleine de tact, une simplicité pleine de bon goût. Il a présenté à notre génération inquiète, lettrée et pourtant ignorante, un livre substantiel, parfaitement clair, méthodique, résumé des plus importantes notions de la morale, mais résumé fait par

un maître. Des doctrines solides et rattachées aux plus hautes notions sans que l'exposition cesse un seul instant d'être intelligible pour tous les lecteurs; des analyses délicates et profondes; un style sobre, simple, s'élevant avec la pensée, s'abaissant à propos autour d'une ingénieuse familiarité; tel est ce livre où circule un vif sentiment de Dieu, un ardent amour pour les hommes, une passion austère pour le devoir. On y recueille comme une impression salutaire et fortifiante pour la liberté. Ce livre est quelque chose d'intermédiaire entre une belle théorie et une bonne action.

Il a, du reste, rencontré un si favorable accueil sous sa forme première, que M. Simon aurait pu se dispenser de rien changer dans la seconde édition. Mais c'est le propre des esprits supérieurs d'être sans cesse en quête, pour leurs idées, d'une exposition plus parfaite, et la seconde édition du Devoir s'est ainsi enrichie de nouvelles pages qui peuvent compter parmi les plus belles du livre et dont voici quelques fragments. Au chapitre 1er, M. Jules Simon insiste, plus qu'il ne l'avait fait d'abord, sur la nécessité d'une démonstration de la liberté ;

« .... Il faut, dit-il, ôter à l'avance tout refuge au scepticisme et se démontrer si bien la liberté, qu'on n'ait plus rien à craindre ni des sophistes, ni de la douleur, le plus grand de tous les sophistes, parce qu'il a pour auxiliaire notre lâcheté. Or, le plus sûr moyen de se rendre inébranlable dans sa croyance à la liberté, ce n'est pas de démontrer que tous les hommes se croient libres, que cette croyance est en eux naturelle et nécessaire, que sans la liberté, toute notre nature devient incompréhensible et contradictoire, et qu'il n'y a plus, sans elle, ni honneur, ni justice, ni société civile: c'est tout uniment de regarder au fond de soi avec calme, sans passion, sans préjugé, et d'y voir, dans sa réalité vivante, cette puissance libre contre laquelle le monde et les hommes accumulent tant d'obstacles, sans parvenir même à l'altérer.

L'homme est à lui-même sa plus grande leçon et son plus grand spectacle; et la première condition de savoir se diriger, est sans doute de savoir se connaître.

[ocr errors]

Nous voudrions citer encore une belle apologie de la prière vraiment digne de Dieu, qui n'existait pas non plus dans la première édition, et dont nous extrayons seulement les phrases suivantes :

:

<< N'est-ce pas se tromper sur la prière que de voir uniquement en elle la demande d'un avantage terrestre? L'homme dit souvent Mon Dieu, ôtez-moi de ce péril; ou même Mon Dieu, faites-moi gagner ce procès, enrichissez-moi! Mais ce n'est pas là la prière d'une âme vraiment religieuse et philosophique, et ce n'est pas par de telles prières que nous devons honorer Dieu. Demandons à Dieu, non le succès ou la fortune, non la pâture des passions, mais la vertu qui nous rend dignes de lui. Demandons-lui de supporter le malheur avec résignation ou le bonheur avec modestie. Que notre prière ne soit qu'un acte d'amour, de résignation et de confiance. Disons-lui, avec les stoïciens et avec le christianisme : Mon Dieu, vous savez ce qui est le plus avantageux. Donnezmoi ce qu'il vous plaît, autant qu'il vous plaît, et dans le temps qu'il vous plaît. »

Vienne une troisième édition, et le lecteur y rencontrera des pages nouvelles aussi heureusement inspirées que celles qui précèdent. C'est une dette que l'auteur du Devoir payera sans doute à une échéance peu éloignée.

OUVRAGES DE M. JULES SIMON PUBLIÉS PAR LA MEME LIBRAIRIE : Histoire de l'École d'Alexandrie. 2 vol. in-8. Prix, brochés. 15 fr. Manuel de philosophie, par MM. J. Simon, E. Saisset, A. Jacques. 2e édition. Ouvrage autorisé par le Conseil de l'instruction publique. 1 fort volume in-8. Prix, broché......

Ch. Lahure, imprimeur du Sénat et de la Cour de Cassation
(ancienne maison Crapelet), rue de Vaugirard, 9.

VERSIDAD CENT

8 fr.

« PreviousContinue »