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(15) Dans l'ouvrage intitulé, Qu'on ne saurait pas même vivre agréablement selon la doctrine d'Epicure, chap. xii, et dans son traité contre l'épicurien Colothès, chap. xxix, ce trait et le Caractère de l'oligarchie tracé par Théophraste prouvent que c'était plutôt par raison et par circonstance, que par caractère ou par intérêt, que ce philosophe fut attaché au parti aristocratique d'Athènes. (Voy. à ce sujet la préface de M. Coray, page 23 et suivantes. )

(16) Un autre que le fameux sculpteur anglais. (La Bruyère.)

(17) Il paraît qu'il devait l'amitié de ces personnages illustres à son maitre Aristote, précepteur d'Alexandre. Il adressa à Cassandre son traité de la Royauté, dont on ne trouve plus que le titre dans la liste de ses ouvrages perdus. Ce général, fils d'Antipater, disputait à Polysperchon la tutelle des enfants d'Alexandre; et les tuteurs finirent par faire la paix, après avoir assassiné chacun celui des deux enfants du roi qu'il avait en son pouvoir. Pendant leurs dissensions, Polysperchon, qui protégeait le parti démocratique d'Athènes, y conduisit une armée, et renversa le gouvernement aristocratique qu'y avait établi Antipater; mais par la suite Cassandre vint descendre au Pirée, rétablit, à quelques modifications près, l'aristocratie introduite par son père, et mit à la tète des affaires Démétrius de Phalère, disciple et ami de Théophraste. (Voyez Diodore de Sicile, liv. XVIII; et Coray, pag. 208 et suiv.)

(18) «< Theophrastus moriens accusasse naturam dicitur quod cervis et << cornicibus vitam diuturnam, quorum id nihil interesset, hominibus, «< quorum maxime interfuisset; tam exiguam vitam dedisset; quorum << si ætas potuisset esse loginquior, futurum fuisse ut, omnibus perfec<< tis artibus, omni doctrina vita hominum erudiretur.» (Tusc. lib. III, cap. XXVIII.)

(19) Epist. ad Nepotianum. « Sapiens vir Græciæ Theophrastus, << cum expletis centum et septem annis se mori cerneret, dixisse fertur « se dolere quod tum egrederetur e vita quando sapere cœpisset. »>

(20) On trouvera quelques autres maximes du même genre à la suite de la traduction des Caractères de Théophraste par M. Levesque, et dans l'intéressante préface de M. Coray.

(21) Au rapport de Porphyrius dans la Vie de Plotin, chap. XXIV, les écrits de Théophraste furent mis en ordre par Andronicus de Rhodes. Diogène Laërce nous donne un catalogue de tous ses ouvrages, dont la plupart sont relatifs, ainsi que ceux qui nous restent, à différentes parties de l'histoire naturelle et de la physique générale. On trouvera dans le vol. x du Trésor grec de Gronovius un traité intéressant de Meursius sur ces ouvrages perdus.

Cicéron dit (de Finibus, lib. V, cap. Iv) qu'Aristote avait peint les mœurs, les usages et les institutions des peuples tant grecs que barbares, et que Théophraste avait de plus rassemblé leurs lois; que l'un et l'autre ont traité des qualités que doivent avoir les gouvernants, mais que le dernier avait en outre développé la marche des affaires dans une république, et enseigné comment il fallait se conduire dans les différentes circonstances qui peuvent se présenter. Le même auteur nous ap prend aussi que Théophraste avait, ainsi que son maître, une doctrine extérieure et une doctrine intérieure.

(22) On désignait autrefois par ces mots les financiers ou traitants.

(23) J'ai ajouté les mots pour parler, d'après l'édition de 1688; et on a fait en général dans cet ouvrage plusieurs corrections importantes sur les éditions imprimées du vivant de la Bruyère, qu'il était d'autant plus important de consulter, que la plupart des fautes de celles qui ont paru peu de temps après sa mort ont toujours été répétées depuis, et que plusieurs autres s'y sont jointes. Les notes mêmes de Coste et de M. B. de B. prouvent que ces éditeurs ne se sont servis que d'éditions du dix-huitième siècle; car les deux bonnes leçons du chapitre XI, qu'ils déclarent n'avoir mises dans le texte que par conjecture, existent dans les éditions du dix-septième, dont nous avons fait usage.

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(24) « Tincam multa ridicule dicentem Granius obruebat, nescio quo << sapore vernaculo : ut ego jam non mirer illud Theophrasto accidisse quod dicitur, cum percontaretur ex anicula quadam quanti aliquid << venderet; et respondisset illa atque addidisset, Hospes, non pote mi«noris; tulisse eum moleste se non effugere hospitis speciem, cum æta« tem ageret Athenis optimeque loqueretur. Omnino, sicut opinor, in << nostris est quidam urbanorum sicut illic Atticorum sonus. » (Brutus, cap. XLVI.)

La Bruyère a peut-être en général un peu flatté le portrait d'Athènes; et quant à ce dernier trait, il en a fait une paraphrase assez étrange. Ce ne peut être que par quelque reste de son accent éolien, très-différent de celui du dialecte d'Athènes, que Théophraste fut reconnu pour étranger par une marchande d'herbes, sonus urbanorum, dit Cicéron. Posidippe, rival de Ménandre, reproche aux Athéniens comme une grande incivilité leur affectation de considérer l'accent et le langage d'Athènes comme le seul qu'il soit permis d'avoir et de parler, et de reprendre ou de tourner en ridicule les étrangers qui y manquaient. « L'at<< ticisme, dit-il à cette occasion, dans un fragment cité par Dicéarque, ami de Théophraste, dont j'ai parlé plus haut, « est le langage « d'une des villes de la Grèce; l'hellénisme, celui des autres. » La première cause des particularités du dialecte d'Athènes se trouve dans l'histoire primitive de cette ville. D'après Hérodote et d'autres autorités, les hordes errantes appelées Hellènes, qui ont envahi presque toute la Grèce et lui ont donné leur nom, se sont fondues à Athènes dans les aborigènes Pélasges, civilisés par la colonie égyptienne de Cécrops.

(25) L'on entend cette manière coupée dont Salomon a écrit ses Proverbes, et nullement les choses qui sont divines et hors de toute comparaison. (La Bruyère. )

(26) Pascal.

(27) Le duc de la Rochefoucauld.

(28) Je croirais plutôt que ces défauts de liaison et d'unité dans quelques Caractères sont dus à l'abréviateur et aux copistes. C'est ainsi que les traits qui défigurent le chapitre X1 appartiennent véritablement au chapitre xxx, découvert depuis la mort de la Bruyère, où ils se trouvent mêlés à d'autres traits du même genre, et sous le titre qui leur convient. (Je crois qu'il se trouve des transpositions semblables dans les chap. XIX et XX. Voy. les notes 9 du chap. XIX, et 5 et 7 du chap. xx. Du reste, j'ai proposé quelques titres et quelques définitions qui me semblent prévenir les inconvénients dont la Bruyère se plaint dans le passage auquel se rapporte cette note, et dans la phrase suivante.

(29) Je me suis prescrit des bornes un peu moins étroites, et j'ai cru que les mœurs d'Athènes, dans le siècle d'Alexandre et d'Aristote, méritaient bien d'être éclaircies autant que possible, et que l'explication précise d'un des auteurs les plus élégants de l'antiquité ne pouvait pas être indifférente à des lecteurs judicieux.

AVANT-PROPOS

DE THEOPHRASTE.

J'ai admiré souvent, et j'avoue que je ne puis encore comprendre, quelque sérieuse réflexion que je fasse, pourquoi toute la Grèce étant placée sous un même ciel, et les Grecs nourris et élevés de la même manière (1), il se trouve néanmoins si peu de ressemblance dans leurs mœurs. Puis donc, mon cher Polyclès (2), qu'à l'âge de quatre-vingt-dix-neuf ans où je me trouve (3), j'ai assez vécu pour connaître les hommes; que j'ai vu d'ailleurs, pendant le cours de ma vie, toutes sortes de personnes et de divers tempéraments, et que je me suis toujours attaché à étudier les hommes vertueux, comme ceux qui n'étaient connus que par leurs vices; il semble que j'ai dû marquer les caractères des uns et des autres (4), et ne me pas contenter de peindre les Grecs en général, mais même de toucher ce qui est personnel, et ce que plusieurs d'entre eux paraissent avoir de plus familier. J'espère, mon cher Polyclès, que cet ouvrage sera utile à ceux qui viendront après nous : il leur tracera des modèles qu'ils pourront suivre; il leur apprendra à faire le discernement de ceux avec qui ils doivent lier quelque commerce, et dont l'émulation les portera à imiter leurs vertus et leur sagesse (5). Ainsi je vais entrer en matière : c'est à vous de pénétrer dans mon sens, et d'examiner avec attention si la vérité se trouve dans mes paroles. Et, sans faire une plus longue préface, je parlerai d'abord de la dissimulation; je définirai ce vice, et je dirai ce que c'est qu'un homme dissimulé, je décrirai ses mœurs; et je traiterai ensuite des autres passions, suivant le projet que j'en ai fait.

NOTES.

(1) Par rapport aux barbares, dont les mœurs étaient très-différentes de celles des Gres. (La Bruyère.) Néanmoins il existait une telle différence entre l'éducation et les mœurs d'Athènes et celles de Sparte, qu'il est présumable que cette phrase a été tronquée et altérée par l'abréviateur ou par les copistes. (Voy. chap. xvi, note 1.)

(2) M. Coray remarque que Diodore de Sicile parle, à la cent quatorzième olympiade, d'un Polyclès, général d'Antipater; et l'on sait que Théophraste fut fort lié avec le fils de ce dernier.

(3) Voyez sur l'âge de Théophraste la note 2 du Discours sur ce philosophe; c'est encore un passage où cet avant-propos paraît avoir été altéré.

(4) Théophraste avait dessein de traiter de toutes les vertus et de tous les vices. ( La Bruyère. ) Cette opinion n'est fondée que sur une interprétation peu exacte de la phrase suivante de cette préface, dans laquelle on n'a pas fait attention que le pronom défini ne peut se rapporter qu'aux méchants; cette opinion est d'ailleurs combattue par la fin de ce même avant-propos, ou l'on n'annonce que des caractères vicieux; et il n'est pas à croire que, s'il en avait existé de vertueux, ceux qui nous ont transmis cet ouvrage en auraient fait le triage pour les omettre. Nous voyons aussi, par un passage d'Hermogène, de Formis orationis (lib. II, cap. 1), que l'épithète 0xoì, que Diogène Laërce et Suidas donnent aux Caractères de Théophraste, s'applique spécialement aux caractères vicieux; car cet auteur dit qu'on appelle particulièrement de ce nom les gourmands, les peureux, les avares, et des caractères semblables.

Au lieu de << Il semble, etc.,» il faut traduire : « J'ai cru devoir écrire « sur les mœurs des uns et des autres; et je vais te présenter une suite « des différents caractères que portent les derniers, et t'exposer les prin<< cipes de leur conduite. J'espère, etc. » Après avoir composé beaucoup d'ouvrages de morale qui traitaient surtout des vertus, notre philosophe veut aussi traiter des vices. Du reste, la tournure particulière de cette phrase semble avoir pour objet de distinguer ces tableaux des satires personnelles.

"

(5) Plus littéralement : « J'espère, mon cher Polyclès, que nos en«fants en deviendront meilleurs, si je leur laisse de pareils écrits qui puissent leur servir d'exemple et de guide pour choisir le commerce et << la société des hommes les plus parfaits, afin de ne point leur rester «< inférieurs. » C'est ainsi que Dion Chrysostome dit dans le discours qui ne contient que les trois caractères vicieux que j'ai joints à la fin de ce volume: « J'ai voulu fournir des images et des exemples pour « détourner du vice, de la séduction et des mauvais désirs, et pour <«< inspirer aux hommes l'amour de la vertu et le goût d'une meilleure « vie. »

LES CARACTÈRES

DE THEOPHRASTE.

que

CHAPITRE PREMIER.

De la dissimulation.

La dissimulation (1) n'est pas aisée à bien définir : si l'on se contente d'en faire une simple description, l'on peut dire c'est un certain art de composer ses paroles et ses actions pour une mauvaise fin. Un homme dissimulé se comporte de cette manière : il aborde ses ennemis, leur parle, et leur fait croire par cette démarche qu'il ne les hait point; il loue ouvertement et en leur présence ceux à qui il dresse de secrètes embûches, et il s'afflige avec eux s'il leur est arrivé quelque disgrâce; il semble pardonner les discours offensants que l'on lui tient; il récite froidement les plus horribles choses que l'on aura dites contre sa réputation; et il emploie les paroles les plus flatteuses pour adoucir ceux qui se plaignent de lui, et qui sont aigris par les injures qu'ils en ont reçues. S'il arrive que quelqu'un l'aborde avec empressement, il feint des affaires, et lui dit de revenir une autre fois il cache soigneusement tout ce qu'il fait; et, à l'entendre parler, on croirait toujours qu'il délibère (2). II ne parle point indifféremment; il a ses raisons pour dire tantôt qu'il ne fait que revenir de la campagne, tantôt qu'il est arrivé à la ville fort tard, et quelquefois qu'il est languissant, ou qu'il a une mauvaise santé. Il dit à celui qui lui emprunte de l'argent à intérêt, ou qui le prie de contribuer de sa part à une somme que ses amis consentent de lui prêter (3), qu'il ne vend rien, qu'il ne s'est jamais vu si dénué d'argent; pendant qu'il dit aux autres que le commerce va le mieux du monde, quoique en effet il ne vende rien. Souvent, après

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