Page images
PDF
EPUB

<< vrai sauveur de l'Allemagne ? Ne croyez pas que « j'entende par là, monsieur le général en chef, qu'il << ne vous soit pas possible de la sauver par la force << des armes. Mais dans la supposition que les chances << de la guerre vous deviennent favorables, l'Alle<< magne n'en sera pas moins ravagée. Quant à moi, << monsieur le général en chef, si l'ouverture que j'ai << l'honneur de vous faire peut sauver la vie à un seul « homme, je m'estimerai plus heureux de la cou« ronne civique que je me trouverais avoir méritée, « que de la triste gloire qui peut revenir des succès « militaires. >>

L'archiduc répondit:

<< MONSIEUR LE GÉNÉRAL,

« Assurément, tout en faisant la guerre et en sui<< vant la vocation de l'honneur et du devoir, je dé«<sire autant que vous la paix pour le bonheur des « peuples et de l'humanité. Comme néanmoins, dans << le poste qui m'est confié, il ne m'appartient pas de << scruter ou de terminer la querelle des nations belligérantes, et que je ne suis muni de la part de «S. M. l'empereur d'aucuns pleins-pouvoirs pour << traiter, vous trouverez naturel, monsieur le géné<«<ral, que je n'entre point avec vous là-dessus dans « aucune négociation, et que j'attende des ordres su«périeurs pour cet objet de si haute importance, et qui n'est pas précisément de mon ressort. Quelles «< que soient, au reste, les chances futures de la << guerre ou les espérances de la paix, je vous prie,

[ocr errors]

« monsieur le général, d'être bien persuadé de estime et de ma considération distin

« mon

" guée.

[ocr errors]

Ainsi, l'orgueil du cabinet autrichien refusait la paix à Bonaparte aux portes de Vienne: Bonaparte fut encore condamné à vaincre. Cependant le traité d'alliance offensive et défensive venait enfin d'être signé entre la république et le roi de Sardaigne; et une partie des forces piémontaises allait entrer en ligne avec nos bataillons. Le 2 avril, à la pointe du jour, Masséna se porta en avant de Klagenfurth sur Friesach, où il entra avec l'ennemi qu'il poursuivit jusqu'à Neumarck. Là il trouva l'archiduc à la tête des débris de sa première armée et de quatre nouvelles divisions arrivées des bords du Rhin. Digne rival de Bonaparte, l'archiduc voulut encore tenter le sort des armes et présenter noblement le combat. Bonaparte fit promptement ses dispositions. Masséna commença l'attaque: elle se ressentit de cette énergie qui enlevait toute cette armée depuis qu'elle était en campagne. En peu de momens la ligne autrichienne fut brisée. Les Français s'emparèrent des positions, de trois mille prisonniers, et pénétrèrent pêle-mêle avec les Impériaux dans Neumarck, où l'on prit encore douze cents hommes et du canon. L'archiduc de retarder la poursuite en proessaya posant une suspension d'armes, afin, disait-il, de pouvoir prendre en considération la lettre du 31 mars. Mais Bonaparte répondit qu'on pouvait négocier et se battre, et qu'il n'y aurait point d'armistice jusqu'à Vienne à moins que ce ne fût pour la paix

définitive. On poussa jusqu'à Scheifling, à quatre lieues du champ de bataille; le quartier-général français séjourna deux jours dans cette place. Le mouvement continua sur Knittelfeld, dont la route. était défendue par des positions formidables. Une affaire très-chaude eut lieu dans les défilés de Hundsmarck; l'ennemi en fut chassé avec une perte considérable. Nos troupes occupèrent Knittelfeld, et le 7 notre avant-garde entra à Léoben..

A Judenbourg, à vingt lieues de Vienne, le général Bonaparte reçut, le 8 avril (19 germinal), la véritable réponse à la lettre du 31 mars. Elle lui fut remise sous la forme d'une note diplomatique par le feldmaréchal Bellegarde, chef d'état-major du prince, et par le comte de Meerweldt, général-major, qui s'annoncèrent comme parlementaires.

<< S. M. l'empereur et roi n'ayant rien plus à cœur <«< que de concourir au repos de l'Europe et de ter« miner une guerre qui désole les deux nations, en «< conséquence de l'ouverture que vous avez faite à «S. A. R. par votre lettre de Klagenfurth; S. M. l'em«< pereur nous a envoyés vers vous pour s'entendre « sur cet objet d'une si grande importance. Après la « conversation que nous venons d'avoir avec vous, « et persuadés de la bonne volonté comme de l'in<< tention des deux puissances de finir le plus « promptement possible cette guerre désastreuse, « S. A. R. désire une suspension d'armes de dix « jours, afin de pouvoir avec plus de célérité parve«< nir à ce but, et afin que toutes les longueurs et les « obstacles que la continuation des hostilités appor<< terait aux négociations soient levés, et que tout

«< concoure à rétablir la paix entre les deux grandes

<< nations.

[ocr errors]
[ocr errors]

« Signé: BELLEGARDE, MEERWELDT. »

Bonaparte répondit : « Dans la position militaire << des deux armées, une suspension d'armes est toute « contraire à l'armée française; mais, si elle doit être « un acheminement à la paix tant désirée, et si utile « aux peuples, je consens sans peine à vos désirs. La république française a manifesté souvent à S. M. « le désir de mettre fin à cette lutte cruelle: elle << persiste dans les mêmes sentimens. Je ne doute pas, après la conférence que je viens d'avoir l'honneur d'avoir avec vous, que sous peu de jours la paix << ne soit enfin rétablie entre la république française << et Sa Majesté. » Le soir, la suspension d'armes fut signée pour cinq jours. Dans cette conférence préliminaire avec les plénipotentiaires autrichiens, Bonaparte leur dit: « Votre gouvernement a envoyé << contre moi quatre armées sans généraux, et cette « fois un général sans armée. » Bel éloge de l'archiduc Charles!

Cet armistice, qui s'étendit aux armées du Tyrol, donna une nouvelle ligne à l'armée française. Serrurier occupa la grande et forte ville de Gratz. Bonaparte transféra lui-même son quartier-général à Léoben, et son avant-garde jusqu'à Bruck, où s'établit Masséna, dont les avant-postes couronnaient les hauteurs et couvraient les pentes du Simmering. Bonaparte avait annoncé au Directoire qu'avant le 10 avril il aurait atteint les sommets de cette montagne. L'adjudant-général Leclerc, depuis beau-frère

du premier consul, reçut l'ordre de porter au Directoire la nouvelle de cet armistice. C'était un officier distingué, dit Napoléon, intrépide sur le champ de bataille.

CHAPITRE X.

INSURRECTION DE VENISE. PRÉLIMINAIRES DE LÉOBEN.

EN recommençant la campagne sur le Tagliamento, Bonaparte avait eu pour but de s'ouvrir la route de Vienne; c'était le seul moyen de parvenir à la paix. Mais songeant en même temps à ne pas laisser derrière son armée, entraînée sur les sommets des Alpes, une puissance ennemie ou douteuse, il avait continué avec l'État de Venise les négociations entamées en juin et juillet 1796, soit par le Directoire, soit par les alliés de la France, tels que l'Espagne et la Turquie, soit par lui-même, alors qu'il ne restait plus que Mantoue aux Autrichiens. Toutefois, depuis cette époque, Venise n'avait cessé d'armer sans répondre aux prévenances de la France. Bonaparte, désirant depuis mettre tout en œuvre pour décider Venise en faveur de la république, s'était adressé directement aux chefs de l'État. Il voulut voir à Vérone le provéditeur-général Foscarini, à Brescia le

« PreviousContinue »