Page images
PDF
EPUB

côté par ceux qu'il a repoussés de front, n'a pas gardé le pays entre Arcole et l'Adige; il ne peut croire qu'une armée s'aventure dans des marais impraticables dont il défend toutes les avenues. Cependant cette armée avançait sur les derrières d'Alvinzi, et allait lui livrer la bataille d'Arcole. Masséna est sur la digue de gauche, Augereau sur celle d'Arcole. Vivement assaillis, ils laissent l'ennemi s'engager, fondent sur lui au pas de charge et lui enlèvent du canon et des prisonniers. Le général Bonaparte se tient à la division Augereau; il veut emporter Arcole; mais ce village résiste à tous les assauts. Il ordonne alors un dernier effort; sa colonne de grenadiers est encore prise en flanc; elle s'arrête indécise sous la mitraille: Bonaparte voit ce moment terrible; il descend de cheval, saisit un drapeau, et s'élançant sur le pont: «Soldats, s'écrie-t-il, n'étes-vous plus les braves de Lodi? Suivez-moi! » A sa voix un certain nombre de soldats montent sur la chaussée et marchent en avant. Mais le trouble règne à la queue de la colonne, dont la tête seule suit le mouvement communiqué. Bonaparte, le drapeau à la main, s'avance à travers une grêle de balles et de mitraille; il est entouré de ce fameux état-major qui doit donner à l'armée ses plus illustres généraux. Lannes, blessé à Governolo, couvre de son corps le général en chef, et reçoit encore trois blessures. Muiron, qui l'a déjà sauvé au siége de Toulon, est tué devant lui. Cependant la colonne est près de franchir le pont, lorsqu'une dernière décharge la rejette en arrière. Les grenadiers restés auprès du général s'emparent de lui et l'emportent au milieu

du feu et de la fumée. A l'extrémité du pont, Bonaparte, toujours inébranlable, veut ramener les siens au combat; une nouvelle décharge à mitraille écrase tous ceux qui l'environnent, et, parmi ses troupes en désordre, il est entraîné dans un marais où il enfonce jusqu'à moitié du corps. Mais Belliard et Vignolles ont vu le danger de Bonaparte; ils en avertissent les soldats. Un cri se fait entendre: Sauvons notre général! Conduits par ces deux officiers-généraux, ils se précipitent au pas de course sur l'ennemi, le repoussent au-delà du pont malgré un feu épouvantable. Pendant ce temps, Bonaparte s'arrache du marais et revient se placer à la tête de la colonne éprouvée par de si grands périls. Six heures après, le général Guyeux, ayant passé l'Adige à Albaredo, prit en revers le village d'Arcole; mais Alvinzi avait échappé à l'armée, qui, des hauteurs de Ronco, put voir s'éloigner la proie que la défense opiniâtre d'Ar- · cole lui avait fait perdre. Le succès de cette terrible journée ne fut pas complet. Cependant, dans la si- ; tuation où l'armée s'était trouvée après le combat du 12, elle eut bien le droit d'appeler une victoire la défaite des deux divisions autrichiennes, l'abandon de la position inexpugnable de Caldiero, et la délivrance de Vérone.

Ce jour même, par une de ces résolutions qui n'appartiennent qu'aux grands capitaines, Bonaparte se décide à évacuer Arcole, et à se reporter sur Ronco. Il dérobe son mouvement à Alvinzi en faisant allumer des feux sur la digue et, pendant la nuit, il opère sa retraite. Le lendemain, il est prêt à marcher contre chacun des trois corps ennemis. Il choisit le plus fort;

[graphic][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed]

c'est celui que commande Alvinzi. La bataille d'Arcole dura trois jours; la seconde journée est celle de Ronco. Alvinzi a réoccupé le village après le départ de Bonaparte, et attaque son adversaire avec deux divisions. Les Français repassent le pont de Ronco, fondent sur l'ennemi, l'enfoncent au pas de charge, et le refoulent dans les marais, après lui avoir enlevé du canon, des drapeaux et un grand nombre de prisonniers. Le lendemain, la bataille recommença à moitié des digues. Elle fut d'abord indécise; cependant une colonne de trois mille Croates périt dans les marais. Bonaparte compte alors les pertes de son ennemi, qu'il évalue à vingt-cinq mille hommes, et malgré une infériorité du tiers dans le nombre de nos soldats, il se résout sur-le-champ à aller l'affronter en plaine. L'armée française est animée du courage qui donne la victoire. A deux heures après midi, elle se trouvait en bataille, la gauche sur Arcole, la droite sur Porto-Legnago. L'ennemi était à cheval sur la route de Vicence. A trois heures, le combat s'engagea sur toute la ligne. Toujours fertile en expédiens, le général en chef, afin de jeter le désordre dans les rangs d'Alvinzi, chargea un officier noir, nommé Hercule, de se porter avec vingt-cinq guides et quatre trompettes sur la gauche des Autrichiens, aussitôt que la garnison de Legnago aurait commencé de les canonner par derrière. Cette ruse obtint un plein succès. L'ennemi se crut tourné par la gauche, rompit sa ligne et battit en retraite. Il fut pressé vivement toute la soirée et perdit beaucoup de monde. Après ces trois jours de bataille, au lieu de se reposer à Vérone, Bonaparte, désormais inévitable pour

« PreviousContinue »