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Tome 1.

eminente animo patrio inter publicæ pœnæ mini

sterium.

La difficulté consiste dans la seconde partie lu passage. Voici comme j'ai exposé ce fait dans le premier tome de l'Histoire romaine. « Les consuls << parurent alors sur leur tribunal; et pendant qu'on << exécutait les deux criminels, toute la multitude << ne détourna point la vue de dessus le père, examinant ses mouvements, son maintien, sa con<< tenance, qui, malgré sa triste fermeté, laissait <<< entrevoir les sentiments de la nature, qu'il sacri«< fiait à la nécessité de son ministère, mais qu'il ne pouvait étouffer. »

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Dans le Traité des Études, j'ai marqué « qu'on << donne deux sens tout opposés à ces mots, animo patrio, sur lesquels seuls roule la difficulté. Les « uns prétendent qu'ils signifient que, dans cette « occasion, la qualité de consul l'emporta sur celle de père, et que l'amour de la patrie étouffa dans << Brutus tout sentiment de tendresse pour ses fils. D'autres, au contraire, soutiennent que ces mots signifient qu'à travers ce ministère que la qualité « de consul imposait à Brutus, quelque effort qu'il « fit pour supprimer sa douleur, la tendresse de «< père éclatait malgré lui sur son visage ». Et j'ajoute, dans le même endroit, « que ce dernier sentiment « me paraît le plus raisonnable et le plus fondé <«< dans la nature ». Je pense encore de la même manière, sans condamner ceux qui pensent autre

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ment. C'est surtout dans de pareilles matières qu'il est permis à chacun d'abonder dans son sens. Mais l'auteur de la critique n'aurait pas dû, pour faire valoir le sien, et pour jeter une sorte de ridicule sur le nôtre, supposer, comme il le fait en plus d'un endroit, que nous prétendons, M. Crevier et moi, que Tite-Live a dit que Brutus a versé des larmes; et, comme il s'explique dans un autre endroit, que nous le faisons pleurer comme un imbécille. Ni M. Crevier, ni moi, n'avons parlé de larmes, ni supposé que Tite - Live ait fait pleurer Brutus.

La lettre suivante a pour titre, et c'est tout ce que j'en connais, Seconde Lettre sur quelques méprises de M. Rollin, dans son Histoire ancienne. Ces méprises roulent sur plusieurs passages de livres grecs, dont on m'accuse d'avoir mal rendu le sens, et l'auteur laisse entrevoir assez clairement, dans sa préface, qu'il me soupçonne d'une ignorance grossière dans la langue grecque. J'avoue franchement qu'après une étude suivie que j'ai faite de cette langue depuis ma première jeunesse jusqu'à présent, dont je pourrais citer bien des témoins, je ne m'attendais pas à ce reproche. J'ajoute, moins pour ma propre réputation que pour celle des compagnies dont j'ai l'honneur d'être membre, qu'un pareil soupçon ne trouvera guère de crédit auprès de ceux qui me connaissent particulièrement; et que mon critique lui-même

aurait pu reconnaître combien ce soupçon est mal fondé, par un assez grand nombre de fautes des traductions d'auteurs grecs, soit latines, soit françaises, que j'ai souvent corrigées dans mon ouvrage sans en faire la remarque.

Je ne nie pas néanmoins qu'il ne m'ait échappé peut-être un assez grand nombre de méprises sur le sens des auteurs grecs dont j'ai fait usage. Je n'ai point eu le temps d'examiner, ni même de lire les observations de mon censeur, et je n'ai point de peine à me persuader qu'elles soient solides. Seulement je souhaiterais qu'elles ne fussent pas accompagnées d'une vivacité et d'une aigreur qui semblent montrer un dessein formé de décrier l'écrivain qu'il critique. Entre auteurs, qui forment tous ensemble une espèce de société et de répu blique commune, il conviendrait il conviendrait que l'on s'aidât et que l'on se soutînt mutuellement, et surtout que ceux qui se croient plus habiles que les autres eussent pour eux plus d'indulgence. Il y aurait dans cette manière d'agir une modération et une noblesse qui marqueraient un mérite supérieur, et qui certainement attireraient aux gens de lettres, et aux lettres mêmes, une estime générale.

Quoiqu'on n'ait pas observé à mon égard ces ménagements, je ne me crois point en droit de me plaindre, parce que je puis être tombé dans des fautes d'inattention et de négligence qui auront attiré la censure. Je ne rougis point de l'avouer;

et c'est en me corrigeant que je prétends me

venger.

Je n'ai point dissimulé que je faisais beaucoup d'usage du travail des autres, et je m'en suis fait honneur. Je ne me suis jamais cru savant, et je ne cherche point à le paraître. J'ai même quelquefois déclaré que je n'ambitionne point le titre d'auteur. Mon ambition est de me rendre utile au public, si je le puis. Pour cela je tire des secours de tout côté, et j'emprunte d'ailleurs tout ce qui peut contribuer à la perfection de mon ouvrage. Cette liberté que je me suis donnée, et dont il me semble que, communément parlant, on ne m'a point su mauvais gré, me met en état d'avancer dans mon travail beaucoup plus que je ne ferais sans cela. Qu'importe au lecteur que ce que je lui présente soit de moi ou d'un autre, pourvu qu'il le trouve bon et qu'il en soit content? Mais je lui dois ce 4 respect et cette reconnaissance, de ne pas le tromper en lui donnant, par défaut d'attention, comme véritables des faits qui ne le seraient pas.

Au reste, je ne crois pas que parmi les fautes que l'on a relevées dans la seconde lettre il y en ait beaucoup de ce genre; et encore moins dans la troisième, qui a pour objet quelques expressions neuves de l'Histoire ancienne de M. Rollin. Je les examinerai avec soin quand le livre deviendra public, et j'en ferai l'usage que je dois en corrigeant, dans les nouvelles éditions, les endroits qui me

paraîtront mériter quelque changement. C'est tout ce que l'auteur a droit d'exiger de moi. Mais je lui dois, de mon côté, des remercîments de la peine qu'il s'est donnée de relever mes fautes, par où il m'a mis en état de rendre mon ouvrage moins défectueux. Je lui suis encore plus obligé du service considérable qu'il me rend par sa critique, bien capable de mortifier l'amour-propre, et de servir de contre-poids contre les louanges et les applaudissements, bien plus à craindre pour moi et bien plus dangereux que ne le seraient les critiques les plus vives.

AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR

POUR LE TOME HUITIÈME.

IL a déja paru deux volumes de l'Histoire romaine depuis la mort de M. Rollin. Néanmoins celui dont je procure ici l'édition est le premier qui puisse être véritablement appelé posthume. Le sixième et le septième étaient imprimés du vivant de l'auteur, et n'attendaient pour paraître que les cartes de M. d'Anville, qui, jaloux de la perfection de ses ouvrages, prend avec raison le temps nécessaire pour les mettre dans un état où le public ait lieu de s'en louer.

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