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Dionys. 1. 3, p. 184-186.

enfermé pour faire, à l'imitation de Numa, certains sacrifices occultes et secrets, où il n'observa pas les rits commandés, Jupiter, blessé de cette religion mal entendue, lança contre lui la foudre, dont il fut brûlé avec toute sa maison. On raconte aussi sa mort de quelques autres manières, et l'on croit qu'Ancus Marcius y avait eu part. Tullus avait régné trente-deux ans. Ce fut un prince d'un rare mérite en ce qui regarde la guerre, qu'on ne peut assez louer pour sa présence d'esprit dans les combats et sa prudence au milieu des plus grands dangers; mais les historiens de sa nation l'ont blâmé d'avoir trop aimé les armes, et d'avoir négligé et ensuite outré le soin de la religion.

1 « Ira Jovis sollicitati pravá religione. »

ARTICLE IV.

REGNE D'ANCUS MARCIUS.

Ancus Marcius rétablit le culte divin négligé sous son prédécesseur. Il essuie plusieurs guerres malgré lui, et y remporte toujours l'avantage. Il agrandit Rome en y ajoutant le mont Aventin. Il fait bátir la ville d'Ostie. Il ferme de murailles le Janicule. Lucumon, né à Tarquinies et originaire de Corinthe, vient s'établir à Rome avec Tanaquil sa femme. Il se rend agréable au roi et au peuple. Il prend le nom de Lucius Tarquin. Mort d'Ancus.

cius rétablit

le

culte divin.

Liv. lib. 1,

cap. 32, 33.

Dionys. 1. 3,

p. 177-183.

Après un court interrègne, le peuple choisit pour AN. R. 114. roi Ancus Marcius, petit-fils de Numa par une fille de Ancus Marce prince : son élection fut confirmée par le sénat. Le nouveau roi, voyant qu'on avait négligé beaucoup de sacrifices institués autrefois par son aïeul; que la plupart des Romains, désaccoutumés de cultiver la terre, ne cherchaient qu'à s'enrichir du butin qu'ils faisaient sur l'ennemi, fit assembler le peuple, et représenta qu'il fallait ranimer la même ardeur pour le service des dieux qu'ils avaient eue sous le règne de Numa; que le mépris qu'on avait fait de leur culte avait attiré sur Rome des maladies, des pestes, et une infinité de malheurs; que l'unique moyen d'y remédier était de reprendre leurs premiers exercices, et de s'adonner,

Guerre contre

comme autrefois, à la culture des terres et au soin des troupeaux. Ce discours fut reçu avec de grands applaudissements, et généralement approuvé.

Ancus, avant toutes choses, travailla à remettre sur pied et à faire observer les sages réglements de son aïeul sur ce qui regardait la religion. Pour cet effet, il manda les pontifes, et reçut de leurs mains les écrits qu'avait composés Numa sur les sacrifices. Il les transcrivit sur des planches de chêne (car la coutume n'était pas encore d'employer l'airain à cet usage), et il les fit exposer dans la place publique pour en faciliter la lecture à tout le peuple. Il remit aussi en vigueur le labourage et l'agriculture. Il renvoya de la ville tous les gens oisifs; et il ranima dans toutes les campagnes l'ardeur et la vigilance par les louanges qu'il donnait aux bons travailleurs, et par les réprimandes qu'il faisait à ceux dont les terres étaient négligées, tous soins dignes d'un bon roi et d'un sage gouvernement.

Ces heureux commencements promettaient un règne les Latins. tranquille; mais lorsqu'il n'était occupé que de régler son état et de mettre partout le bon ordre, les Latins, qui avaient fait un traité d'alliance avec les Romains sous Tullus, répandirent de tous côtés des partis dans la campagne, persuadés que l'éloignement qu'avait Ancus pour la guerre venait de pusillanimité, ou de peu d'expérience. Ils le regardaient comme un prince pieux et dévot, qui passerait tout son règne dans les temples, au milieu des autels et des sacrifices. Ils se trompaient. Ancus tenait en même temps du caractère de Numa et de celui de Romulus', et tem

I «Medium erat in Anco ingenium, et Numæ et Romuli memor: et, præ

terquàm quòd avi regno magis necessariam fuisse pacem credebat, quum

pérait l'un par l'autre, selon l'exigence des occasions. Il sentait bien qu'une conduite pacifique convenait par nécessité au règne de son aïeul, qui avait trouvé un peuple nouvellement formé et encore féroce. Les temps étaient changés; il n'était pas sûr pour lui de demeurer dans le repos auquel son inclination le portait. Il vit clairement qu'on mettait à l'épreuve sa patience; que, poussée trop loin, elle lui attirerait le mépris, et que la conjoncture présente demandait plutôt un Tullus qu'un Numa. Il se détermina donc à la guerre.

Mais pour mettre le bon droit de son côté, et pour s'attirer la protection du ciel par la justice de sa cause et par ses bons procédés, il commença par tenter des voies d'accommodement. Il fit porter ses plaintes aux Latins par ses ambassadeurs, et demanda justice des actes d'hostilité qu'ils avaient exercés sur ses terres. Les Latins, pour toute réponse, dirent qu'ils n'avaient aucune connaissance des brigandages qu'on leur reprochait, et que, s'il s'était passé quelque désordre, le mal s'était commis sans leur aveu que d'ailleurs ils ne devaient rien à Marcius, avec qui ils n'avaient point traité; que, s'ils avaient quelques engagements avec Tullus, ils s'en croyaient entièrement libres depuis

sa mort.

Marcius alors leur fit déclarer la guerre en forme. Le fécial ou héraut étant arrivé sur la frontière du pays ennemi, cria à haute voix : Écoutez, Jupiter, et vous, Junon; écoutez, Quirinus; écoutez, dieux du

in novo tùm feroci populo, etiam, quod illi contigisset otium, sine injuria id se haud facilè habiturum. Tentari patientiam, et tentatam con

temni; temporaque esse Tullo regi aptiora, quàm Numæ. »(Liv. lib. 1, cap. 32.)

ciel, de la terre et des enfers: je vous prends à témoins que le peuple latin est injuste; et comme ce peuple a outragé le peuple romain, le peuple romain et moi, du consentement du sénat, lui déclarons la guerre. Il fit les autres cérémonies que j'ai marquées ailleurs. On voit, dans cette formule que nous a conservée Lib. 1, c. 32. Tite-Live, qu'il n'est fait aucune mention du roi, et que tout se fait au nom et par l'autorité du peuple romain, c'est-à-dire, de tout le corps de la nation.

Après cette déclaration de guerre, Marcius marcha contre les Latins avec son armée, et alla mettre le siége devant Politoire, avant que cette ville eût le temps de recevoir du secours de ses alliés. La ville forcée se rendit à certaines conditions. Le roi ne fit aucun mal aux habitants. Il les transféra seulement à Rome avec tous leurs biens, et il les distribua dans les tribus. L'année suivante les Latins envoyèrent à Politoire une nouvelle colonie à la place des citoyens qu'on en avait chassés, et ils commencèrent à faire valoir les terres qui en dépendaient. Marcius partit pour les attaquer. Ils eurent l'audace de sortir audevant de l'armée romaine: mais ils furent vaincus, et la ville fut prise une seconde fois. Le roi y fit mettre le feu, et il en rasa les murailles, pour leur ôter l'espérance d'en faire désormais leur place d'armes, et le moyen de se mettre en possession des terres voisines. Cette expédition achevée, il ramena ses troupes à

Rome.

Le fort de la guerre ensuite tomba sur Médullie, dont les Latins formèrent le siége. C'était une colonie romaine, bien résolue de se défendre jusqu'à l'extrémité. Les Latins pourtant emportèrent la ville de force,

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