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trouva d'inutile former des orateurs ou des gens de bien; il exposa sa méthode et ses vues dans une élégante préface; il mit des sommaires raisonnés à la tête des chapitres; il accompagna le texte de petites notes choisies; et l'édition parut en deux volumes in-12, au commencement de 1715.

L'université, à qui il était ainsi toujours cher et toujours utile, le chargea en 1719 d'une harangue solennelle en forme d'actions de graces pour l'instruction gratuite que le roi venait d'y établir. Le sujet était grand; il l'égala par la noblesse et la magnificence des expressions: il y parla, en maître consommé, de l'ordre, du choix, et du goût des études; et ce qu'il en dit fit naître le plus ardent désir d'avoir quelque jour sur cette matière un traité complet de sa façon,

L'université, jugeant aussi que ses anciens statuts avaient besoin' de quelques changements à cet égard, et que personne n'était plus capable de les bien rédiger que M. Rollin, le nomma encore recteur en 1720. Mr's des circonstances particulières abrégèrent tellement ce second rectorat, qu'il ne fut plus question des statuts, et qu'il eut tout le temps de composer son traité de la manière d'Étudier et d'Enseigner les belles-lettres. Il le divisa en quatre volumes, dont il publia les deux premiers en 1726, et les deux derniers en 1728.

Encouragé par le succès de cet ouvrage, il en entreprit un autre beaucoup plus étendu, et qui en était cependant comme une suite nécessaire : ce fut l'Histoire ancienne des Égyptiens, des Carthaginois, des Assyriens, des Babyloniens, des Mèdes et des Perses, des Macédoniens et des Grecs. Il avait d'abord espéré pouvoir la réduire à six ou sept volumes, mais elle le conduisit insensiblement jusqu'au treizième.

Ils ont tous paru dans l'intervalle de 1730 à 1738, que, donnant les deux derniers volumes de cette histoire anecienne, M. Rollin donna encore le premier volume de son Histoire romaine, qui en a déja cinq: le sixième et le septième sont même imprimés, et n'attendent pour paraître que les cartes géographiques qui doivent les ac>compagner. Le huitième et partie du neuvième sont faits, et vont jusqu'après la guerre contre les Cimbres, qui n'a précédé que d'environ soixante-dix ans la bataille d'Actium, où se terminait le projet de M. Rollin. Ses illustres disciples, qu'il commençait à appeler ses maîtres, ne sauraient laisser son ouvrage imparfait en aucun sens.

Le public leur demandera peut-être encore les harangues latines de M. Rollin, parce qu'il n'y en a aucune d'imprimée, et probablement aucune qui ne mérite de l'être. Si nous étions assujettis à indiquer dans l'ordre des temps toutes celles qui sont venues à notre connaissance, ou dont le souvenir s'est plus heureusement conservé, il y en a une entre autres que nous n'aurions pas oubliée; celle qu'il prononça en 1701, deux ans après son entrée au collége de Beauvais, sur l'avénement de Philippe V à la couronne d'Espagne. On a eu un peu plus de soin de ses poésies on les inséra en 1727 dans un recueil de pièces choisies ; et outre celles dont nous avons déja fait mention, il y en a un grand nombre d'autres de la même force et de la même beauté. Si on était tenté d'adjuger la préférence à quelqu'une, sa traduction latine de l'ode de M. Despréaux sur la prise de Namur ne manquerait pas de suffrages.

Il y a aussi plusieurs épigrammes, qui ont presque toutes leur singularité. Il serait difficile, par exemple, d'en trouver une plus propre à justifier la qualité de devin, qu'on attribue assez communément aux poètes,

que celle qu'il envoya en 1695, la première année de son rectorat, au petit-fils de M. Le Pelletier, qui n'avait encore que cinq à six ans. Il lui fit porter, le jour de la Chandeleur, au nom de l'université, un cierge semblable à celui qu'elle a coutume de présenter aux premiers présidents, et lui écrivit qu'il fallait qu'il s'accoutumat à recevoir cet honneur, qu'il se disposât surtout à s'en rendre digne, parce que la première présidence était une place que Thémis elle-même lui destinait sûrement, après qu'elle en aurait revêtu M. son père.

Te manet hæc sedes: summum Themis ipsa tribunal,
Vera cano, patri destinat, indè tibi.

Ils en étaient alors fort éloignés l'un et l'autre; cependant le père fut premier président douze ans après, et le fils l'est aujourd'hui. Dans une autre épigramme, M. Rollin fait la plus ingénieuse allusion à son premier métier. Il envoie un couteau pour étrennes à un de ses amis, et lui mande que, si ce présent lui semble venir plutôt de la part de Vulcain que de celle des Muses, il ne doit point s'en étonner, parce que c'est de l'antre des Cyclopes qu'il a commencé à diriger ses pas vers le Parnasse.

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On a imprimé séparément deux autres pièces de M. Rollin des hendécasyllabes adressés en 1691 au père Jouvency, sur ce qu'à l'occasion de la prise de Montmélian il venait de donner à Paris, sous le nom d'un de ses écoliers, la même pièce de vers qu'il avait autrefois publiée à Caen sous son propre nom, sur la prise de Maestricht en 1673. La seconde est le Santolius pœnitens, qui fit beaucoup de bruit quand il parut, et dont la traduction française, attribuée d'abord à

M. Racine, se trouva dans la suite être de M. Boivin, le cadet. L'épitaphe de Santeuil gravée dans le cloître Saint-Victor est aussi de M. Rollin et il est certain que, si sa modestie lui eût permis d'estimer ses œuvres latines autant qu'elles le méritent, ce recueil aurait terminé agréablement la nouvelle édition de son Traité des Études et de son Histoire ancienne.

Nous n'avons rien dit du succès qu'ont eu ses ouvrages, parce que tout en retentit encore, et dans les pays étrangers, comme en France. Le duc de Cumberland et les princesses ses sœurs en avaient toujours les premiers exemplaires c'était à qui les aurait plus tôt lus, et à qui en rendrait le meilleur compte. Le prince disait : Je ne sais comment fait M. Rollin: partout ailleurs les réflexions m'ennuient, et je les saute à pieds joints; elles me charment dans son livre, et je n'en perds pas un mot.

La reine leur mère, peu de temps avant qu'elle mourût, s'était proposé d'entrer en commerce de lettres avec lui, et elle lui avait fait dire à ce sujet les choses du monde les plus flatteuses. Les lettres du prince royal, aujourd'hui roi de Prusse, mettaient le comble à ce tribut d'estime. Mais quand, à son avénement au trône, il eut la bonté de lui en faire part, comme à quelques autres savants du premier ordre, M. Rollin lui marqua qu'il respecterait désormais ses grandes occupations, et que, n'ayant plus de conseils à prendre que de sa propre gloire, il n'aurait plus l'honneur de lui écrire.

L'exemple des princes est séduisant. Un poète fameux par ses ouvrages, et plus encore par ses disgraces, le célèbre Rousseau, voulut aussi être en liaison avec M. Rollin. Il lui écrivit plusieurs lettres; il lui adressa des épîtres en vers; et M, Rollin ne crut pas devoir se refuser à un commerce où il espérait placer utilement

des traits de christianisme et de piété. D'heureux préliminaires l'enhardirent à faire tenir au poète une partie des œuvres de M. l'abbé Duguet, et le poète lui envoya en échange ses poésies de l'édition d'Amsterdam, mais sans le supplément, dont il craignait que l'austère morale de M. Rollin ne fût alarmée. Enfin, il vint luimême à Paris dans le plus grand incognito. Il y vit presque tous les jours M. Rollin, et ne voulut pas repartir sans lui avoir fait la lecture de son testament. Il y désavouait dans les termes les plus forts ces monstrueux couplets qui furent l'origine de ses malheurs, et continuait de les attribuer à celui qu'il avait d'abord accusé de les avoir faits. M. Rollin l'arrêta tout court à cet endroit : il lui représenta vivement que le témoignage de sa conscience suffisait pour le disculper; mais que, ne pouvant avoir aucune preuve équivalente pour en charger nommément qui que ce soit autre, il se rendrait dès-lors coupable d'un jugement téméraire au moins, et peut-être d'une calomnie affreuse. Le poète n'eut rien à répondre, et M. Rollin se sut grand gré de lui avoir fait effacer cet article.

Le roi l'avait nommé à une place d'associé dans cette académie lors du renouvellement de 1701 et comme il n'avait pas encore eu le temps de rendre célèbre le collége de Beauvais, peu fréquenté avant lui, il ne prévoyait pas que quand il le serait, il s'y trouverait absorbé par tant de soins différents, qu'il ne pourrait plus remplir à son gré les fonctions d'académicien. Dès qu'il le reconnut, il demanda la vétérance: elle lui fut accordée avec toute la distinction qu'il méritait, et il n'en aima pas moins nos exercices. Il se rendait ici le plus souvent qu'il lui était possible, aux assemblées publiques surtout ; non-seulement, disait-il, parce qu'on

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