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Un serment qui éclot! un pareil langage est impar

donnable.

L'à-propos préside aux grâces;

Elles volent sur ses traces.

On sourit à l'à-propos,

N'aurait-il

que des sabots.

Présider aux grâces et l'à-propos qui a des sabots : c'est aussi trop de jargon dans les phrases, et trop d'ineptie dans les choses. On aurait pu, sans beaucoup de peine, purger toutes ces pieces de pareilles ordures; mais la vanité de l'auteur en aurait souffert, et cette vanité n'est qu'une faute de plus.

SECTION

SECTION I V.

Marmontel.

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Les premiers essais de cet écrivain ont été des tragédies il en fir jouer cinq en peu d'années, Denys le tyran, Aristomene, Cléopâtre, les Héraclides, Égyptus. Les deux premieres accueillies dans leur nouveauté, ne purent pas aller au-delà. Les deux suivantes eurent très-peu de succès, la derniere tomba entiérement, et l'auteur parut renoncer depuis ce tems à la scene tragique, où il ne reparut que plus de trente ans après, avec sa Cléopâtre refaite, qui n'eut que trois représentations. Il vivait encore quand j'ai traité de la tragédie dans ce Cours, et ne pouvait par conséquent y avoir place, quand même il aurait conservé des titres au théâtre français, puisque je ne parlais que des auteurs morts. Ses opéras, excepté Didon et Pénélope, ont tous été condamnés par lui-même, puisqu'il n'en a fait entrer aucun dans la collection de ses œuvres qu'il publia en 1787; et cet exemple d'une modeste sévérité sur soi-même, qui (pour le dire en passant) devrait être plus commun, lui fait d'autant plus d'honneur, que ces opéras (1), quoiqu'en effet ils ne soient pas bons,

(1) Ils sont en assez grand nombre, Acante et Céphise, Cours de littér. Tome XII, E e

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n'avaient pas laissé d'avoir, comme presque tous les drames chantés au même théâtre, le moment d'existence que la magie des représentations assure d'ordinaire à ce qu'on joue de plus mauvais. C'est l'auteur une preuve qu'au moins en ce genre, avait su se juger, peut-être aussi parce qu'il y attachait moins d'importance; car s'il eût été capable d'un effort qui demandait, je l'avoue, une plus grande force de jugement et un plus grand sacrifice d'amour-propre, il n'eût guere été plus indulgent pour ses tragédies, une seule exceptée les Héraclides. Les deux premieres, Denys le tyran et Aristomene, sont mauvaises de tout point, Cléopâtre, qu'il a le plus retravaillée, à des beautés de détail, avec un plan aussi vicieux que le sujet était ingrat. Numitor, que dans son recueil il mit à la place d'Égyptus qui n'a jamais été imprimé, est un roman fort compliqué, mais qui peut-être au théâtre pourrait attacher assez la curiosité balancer les fautes contre la vraisemblance pour contre la vérité historique et la dignité de la scene. Les Héraclides, tels qu'ils sont d'après les dernieres corrections qu'il y fit, seraient, si je ne me trompe, susceptibles de succès, et peu

la Guirlande, les Sybarites, Hercule mourant, Céphale et Procris, Démophon, Antigone.

vent passer pour une bonne tragédie parmi celles du second ordre.

Ses opéras comiques ont réussi pour la plupart, et Lucile, Silvain, l'Ami de la Maison, Zémire et Azor sont au nombre des pieces qu'on joue le plus souvent, et qu'on voit avec le plus de plaisir et c'est pour cela que Marmontel se trouve ici placé comme poëte dramatique. Mais je ne puis me dispenser, suivant ma méthode, de jeter d'abord un coup d'œil sur ses autres productions théâtrales, où il n'a pas eu le inême succès ni le même mérite. Nous avons déjà vu que le meilleur de ses grands opéras, Didon, était trop faiblement écrit (1) pour être compté parmi les poëmes qu'on peut lire, et dès-lors n'est plus un titre qu'au théâtre, et n'en est pas un ici. Pénélope est plus soignée; il y a même une scene entre Ulysse et son épouse, qui est sans contredit ce que l'auteur a fait de mieux dans la tragédie lyrique : cette scene est d'un bout à l'autre bien conçue, bien dialoguée, bien versifiée. Mais aussi c'est le seul mor ceau où l'auteur ait eu cette force, et la piece d'ailleurs manque d'intrigue et de caracteres : celui de Télémaque est nul, et devait être plus en ac

(1) On peut en voir la preuve détaillée dans le quatrieme volume de la Correspondance littéraire.

:

tion, comme fils de Pénélope et comme fils d'un héros il devait, comme dans Homere, paraître au milieu des poursuivans, leur faire respecter sa mere et leur faire craindre son pere: Ulysse aussi devait avoir avec eux, comme dans Homere, une scene de déguisement. Il n'y a ici de dramatique que le troisieme acte, et ce n'est pas assez. C'est la langueur des deux premiers qui fut cause que cet opéra n'eut pas à beaucoup près le même succès que celui de Didon, si heureusement tracé pour la scene.

Quant à ses ouvrages tragiques, c'est une chose très-digne de remarque, que cet écrivain qui avait beaucoup d'esprit et de connaissances, ait eu si long-tems sur la tragédie des idées d'autant plus fausses qu'elles lui paraissaient plus ingénieuses, et qu'il ait visiblement erré par principes. Non que je prétende qu'une mauvaise théorie ait été chez lui la seule cause de sa longue impuissance à produire du bon; ar dans le plus mauvais plan possible on peut encore montrer le talent du poëte, et Corneille, Raçine, Voltaire l'ont prouvé. Marmontel avait fort peu de talent naturel pour la poésie, sur-tout pour la grande poésie : il n'a point eu le sentiment ni l'habitude des tournures du grand vers français. Il y eut toujours quelque chose de dur dans ses organes et de faux dans son gout:

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