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& qui font la clé de toutes les Grammaires, parce que dans aucune on ne pur en aucun tems s'éloigner de ces principes donnés par l'ordre même des choses, par des loix naturelles qui ne dépendirent jamais de l'homme, mais qu'il dut connoître, & auxquelles il ne put jamais se dispenser d'obéir. Loin de nous un fyftême qui tendroit à prouver qu'il existe un Art dont le fondement n'est point appuyé fur la Nature, & qui a cependant perfectionné cette Nature, qui eft allé fort au-delà de fes principes, de fon énergie, des effets auxquels

elle auroit dû conduire.

Ne foyons cependant pas étonnés que de beaux Génies, que des Grammairiens diftingués par leurs connoiffances, par la profondeur de leur Métaphyfique, par la fagacité & la fineffe de leurs Obfervations, n'ayent pû parvenir à cet égard jufqu'à la vérité, & qu'ils ayent cru que des deux efpéces de Conftructions adoptées par les Langues, une feule pouvoit être conforme à la Nature, & que l'autre lui étoit opofée : ils y étoient entraînés par des Obfervations auxquelles il fembloit qu'il n'y avoit rien à répondre, & qui ne pouvoient s'éclaircir qu'en remontant à des Principes plus généraux, à ceux qui uniffent toutes les Langues, & qui rendent raifon de toutes les Méthodes qu'on y fuit: Principes qu'on entrevoyoit, auxquels on cherchoit à s'élever; mais qu'on ne pouvoit découvrir d'une maniere affurée & évidente, qu'au moyen de ces Principes qui de toutes les Langues n'en font qu'une, & qui ont donné lieu à l'ensemble de nos recherches.

Afin qu'on foit mieux en état de fe décider fur une queftion auffi importante pour la Grammaire univerfelle, nous allons donner une idée des régles que fuivent la Langue Françoife & la Langue Latine, relativement à la Conftruction; & un précis de tout ce qu'on a dit de notre tems pour déterminer quelle de ces deux Conftructions étoit la plus conforme à la Nature,

Gramm. Univ.

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CHAPITRE I I.

REGLES de conftruction, fuivies par la Langue Françoife.

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A connoiffance de ces Régles eft le résultat des Observations fournies par l'examen des Écrivains François : cependant peu de Grammairiens s'en fout occupés, parce qu'on abandonnoit ces recherches à l'ufage. L'Abbé Girard eft le premier qui en ait fait l'objet de fes foins; il y fut conduit par la nature même de fes principes, qui montroient, pour la premiere fois, la difference qui regne à cet égard entre la Langue Françoife & la Latine. Nous devons à M. Beauzée les Régles fur la place que doivent occuper les Complémens dont nous avons déja parlé. M. de Wailly a fuivi auffi l'exemple de M. l'Abbé Girard; mais il est entré dans un beaucoup plus grand détail (1): ainfi la Grammaire Françoife s'eft enrichie d'un article important pour ceux qui font obligés d'aprendre le François par principes. Nous allons indiquer les principales, afin qu'on le fafle une idée nette du genre de cette Langue, & qu'on puisse mous fuivre dans ce que nous dirons, pour faire voir le motif de la marche qu'elle fuit relativement à la conftruction de fes phrases.

REGLES relatives à la conflruction du SUJET.

La place du fujet varie fuivant que la phrafe eft narrative, impérative, interrogative ou optative.

1. Dans la phrase narrative on expofitive, le Sujet fe place avant le Verbe:

COLOMB fit connoître un Monde nouveau.

Il en eft de même dans la forme impérative pour la troifieme Perfonne : Que TOUT obéiffe à fes loix.

2. Mais dans la forme interrogative, le Sujet ne marche le premier, que

(1) Dans les Principes généraux & particuliers de la Langue Françoife, fixiéme Edit Paris, in-12 1770.

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lorfqu'il eft énoncé par le Pronom qui, ou par un nom précédé du mot

quel:

Qui trouvera le vrai fyftême de la Nature?
Quelle RAISON triomphe du préjugé ?

Dans tout autre cas, le Sujet dans les phrases interrogatives fe met après le Verbe:

Ne m'as-ru point flatté d'une fauffe espérance?

Puis-je fur ton récit fonder quelqu'affurance? (1)

Il en eft de même dans les phrafes qu'on pourroit apeller optatives, qui mar quent un defir, un fouhait :

Que ne puis-Je auffi-bien par d'utiles fecours

Réparer promptement mes injuftes difcours? (2)

Et dans celles qui font placées comme membres adjonctifs, pour apuyer ce qu'on dit :

Le Ciel, dit-IL, m'arrache une innocente vie. (3).

4°. Le Sujet peut fe placer après le Verbe dans la forme narrative, & quelquefois avec plus de grace que devant, lorsque le fens exclut tout objectif, ou que cet objectif n'eft énoncé que par les mots, le, fe, que, sel. ̧

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REGLES relatives à la place que doit occuper le VERBE.

Le Verbe ne marche jamais à la tête de la phrase que dans les Formes Impérative, Interrogative, & Optative. C'eft une conféquence de tout ce que nous venons de dire; puifque dans ces occafions, le Sujet fe met après le Verbe, il faut néceffairement alors que le Verbe foit le premier. 2o. Il eft encore le premier, lorfqu'à l'Infinitif il tient lieu d'un Nom.

ÊTRE ESTIME, c'eft le vœu de tous les hommes.

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3.9. Il précede également le fujet dans le discours animé :

IL PÉRIT, cet homme fi cher à la France.

RÉGLES relatives à la place que doit occuper l'Objet & le TERME.

L'objet & le terme fe placent ordinairement après le Sujet & le Verbe; mais dans quelques occations ils les précédent.

On les met avant le Sujet, lorsqu'ils font énoncés par le Conjonctif-relatif, que, qui, dont, quoi, lequel::

Le Plan Qui vous propofez eft impraticable,

A quoi nous déterminerons-nous?

On les met avant le Verbe, lorsqu'ils font énoncés par les Pronoms, me, Le, fe, le, par leurs pluriers, & par les mots elliptiques en, & y:

Une fois l'an il м vient voir;

Je LUI rends le même devoir.

Nous fommes l'un & l'autre à plaindre:

IL SE contraint pour ME contraindre. (1)

2o. Et on les met après le Verbe, lorfqu'ils font énoncés par les Pronoms moi, toi, foi, lui, & même par y:

C'eft A MOI que ce difcours s'adreffe.

Où la difcorde regne apportez-v la paix,

3°. Il en eft de même lorfque ces Pronoms défignent des circonstances:

Elle vous l'a promis & juré DEVANT MOI.

Il eft vrai que ce circonftanciel peut fe placer devant le Verbe, lorsqu'on fait en Poëfie inverfion de la phrafe entiere: ainfi Racine dit :

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La phrase auroit été construite ainfi en profe, l'aimable Iphigénie eft unie aver vous d'une amitié fincere.

Gombaut.

4. Dans les phrafes où il y a deux Verbes, les Pronoms fe placent auprès du Verbe dont ils font l'objet ou le terme :

On ne peut vous blâmer,

Elle ne peut se confoler.

5°. Tour, fervant d'Objectif, fe place après le Verbe, fi ce Verbe est dans un tems fimple: il engloutit TOUT; mais fi le Verbe eft dans un tems compofé, tout le place entre les deux parties de ce tems, il a TOUT englouti. Ce qui rentre cependant dans le même principe, parce que le Verbe il a, eft confidéré comme le Verbe dont tout eft l'objet, tandis que le mot englouti n'eft confidéré que comme un adjectif du mot elliptique tout: ce qui confirme notre doctrine fur les Participes.

RÉGLES relatives aux ADVERBES & aux CONJONCTIONS.

Il eft difficile ou affez inutile de tracer les régles relatives à la place qu'on doit affigner aux Adverbes, parce que ces mots ont rarement une place fixe & qu'ils dépendent à cet égard de l'harmonie & de la clarté de la phrase, se plaçant avant ou après le Verb, fuivant leurs divers effets à cet égard.

Tout ce qu'on peut dire de conftant fur cet objet, c'est que les Adverbes fe placent ordinairement après le Verbe qu'ils modifient:

La vi&time marchera BIENTÔT fur vos pas;

Sur-tout, s'ils marquent le tems d'une maniere relative:

Nous fommes feuls ENCORE.

Les CONJONCTIONS doivent marcher néceffairement à la tête des phrafes qu'elles lient.

Quoiqu'il foit habile, il fe trompe cependant affez fouvent.

Mais ici il ne faut pas perdre de vue ce que nous avons dit fur le nombre des Conjonctions: car en le réduifant, comme nous l'avons fait, nous avons rendu inutiles nombre de régles qui n'avoient pour objet que des mots regardés mal-à-propos comme des Conjonctions.

Ajoutez à ces régles, celles qui regardent les Circonftanciels, & dont nous avons parlé plus haut & vous aurez tout ce qui s'eft dit de mieux à ce fujet.

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