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taire dans sa famille. Ils élurent ensuite pour roi, ainsi que nous l'avons vu préparé d'avance, l'électeur palatin, Frédéric V; et la guerre commença aussitôt. Les succès militaires de Ferdinand, qui reconquit en un instant la Bohême, et eût écrasé l'Allemagne protestante sans le secours de la Suède et de la France, ne permirent pas d'éclore au reste du projet. Mais, ce que nous en avons dit montre suffisamment que cette longue et cruelle guerre eut une origine politique, et que sa couleur religieuse fut un fait tout-à-fait secondaire.

L'on cherchiera donc vainement, dans tous ces mouvemens auxquels le protestantisme servit de signe de ralliement, la moindre ressemblance avec la révolution française. Le lutheranisme tendait à isoler et à individualiser, celle-ci au contraire tendit à réunir et à homogénéiser. Les grands meneurs de l'un furent les privilégiés; les défenseurs et les partisans de l'autre furent ceux que les priviléges accablaient. Il n'y a pas plus d'analogie dans leur mode de manifestation, dans leur caractère physique en quelque sorte, que dans leur caractère moral. On ne trouve nullement dans les révolutions dont nous venons de parler, cette analogie de périodes, cette apparence circulaire toujours la même qu'exigent les doctrines de Machiavel et de Vico. Il n'y a de constant que ce qui doit l'être toujours: savoir, la lutte de l'esprit du bien contre l'instinct du mal; du sentiment de l'unité contre les intérêts de l'égoïsme.

Si les exemples que nous avons cités et les détails où nous sommes entrés n'étaient suffisans pour prouver et la valeur du protestantisme, et celle de la doctrine historique qu'il a prise sous sa protection, nous aurions à revenir sur la révolution d'Angleterre, à montrer que les mêmes passions que nous avons vues y ont pris part, à rappeler la ressemblance qui exista entre le puritanisme et les désirs anabaptistes, à prouver que là seulement il existait quelques pensées d'origine chrétienne et capables de devenir sociales. Nous aurions enfin à nous occuper de la Hollande et de la Suisse: mais ce serait, nous le pensons, un travail non moins superflu que fastidieux; et peut-être nous sommes-nous déjà trop arrêté sur les quelques points d'histoire que nous avons choisis.

En définitive, le protestantisme fut, selon le style en usage aujourd'hui, l'expression de son temps. Il fut, comme les arts de nos jours, non pas le réformateur, mais le complaisant de son siècle. A l'époque de son apparition, tous les pouvoirs tendaient à s'individualiser, et il vint donner une formule, une justification à cet égoïsme; il vint écarter l'idée de devoir, d'obéissance au but commun, rendre enfin chacun à luimême. Il est certain qu'aujourd'hui les peuples où la présence du catholicisme a maintenu le sentiment de l'unité, sont les seuls dont l'esprit est ouvert aux idées d'intérêt européen et de dévouement à l'avenir; et que ceux, au contraire, où la prétendue réforme s'est établie, devenus étrangers à tout ce qui n'est pas présent, à tout ce qui n'est pas local et moins encore à tout ce qui n'est pas de famille, ceux-là ont été et seront encore le principal obstacle que le christianisme aura à combattre lorsqu'il voudra enfin se réaliser.

Le lutheranisme, en effet, ne fut ni une invention, ni un développement du christianisme, il n'éleva pas lui-même ses prétentions jusque-là: il ne se donna pour autre chose que pour une reconstitution de la primitive Eglise : comme si l'art humain de perfectionner l'application d'une doctrine eût été jamais de retourner à son point de départ, à ses premiers essais. Encore, pour qu'il existât un mot de vrai dans cette assertion, il eût fallu qu'il n'altérât point les dogmes et le culte des premiers temps. Mais, prenons-le au mot, et disons qu'il n'eut que le mérite de négation. Or, il est facile de nier, difficile de créer; et toute négation dans les choses sociales est stérile; elle immobilise ceux qui ont le malheur d'y croire: telle fut l'œuvre du protestantisme; il s'était appuyé sur ce prétendu principe que les créations sont d'autant plus parfaites qu'elles sont moins développées, que tout ce qui est originaire est supérieur à ce qui suit; il ouvrit donc la voie à ces doctrines circulaires, à ces théories du droit naturel que nous avons combattues. Les conclusions protestantes, en un mot, sont directement contradictoires à l'idée progrès, directement opposées, par suite, aux conséquences finales de la révolution française, mère de cette dernière idée.

HISTOIRE PARLEMENTAIRE

DE LA

RÉVOLUTION

FRANÇAISE.

JUIN 1792.

La partie de notre travail sur le mois de juin, comprise dans le précedent volume, indique l'ordre et l'esprit des événemens dont nous allons ici classer les matériaux. Nous rappelerons le titre et la disposition des faits. Ils se succéderont ainsi : - Séances de l'assemblée. - Séances du club des Jacobins. - Tableau des opérations militaires.

SÉANCES DE L'ASSEMBLÉE.

I Juin. — L'assemblée rapporte le décret qui ordonnait au maire de Paris, de rendre un compte journalier de l'état de cette ville. - Delpech, orateur d'une députation des Amis de la Constitution, à Bordeaux, fait don de 75,000 liv. dont 55,000 liv.

T. XV.

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en espèces. Il tonne contre l'aristocratie, jure la liberté, l'égalité: point de nobles et jamais deux chambres.

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2 Juin. Pétion, maire, présente à l'assemblée les canonniers de la garde nationale de Paris, en l'assurant de la permanence de leurs canons. Ricard, orateur, appelle le glaive de la loi sur le premier lâche qui parlera de transaction avec les ennemis de la liberté : « Un bruit infâme se répand, ajoute-t-il; on ose par› ler de rétablir la noblesse, de créer deux chambres... La li

berté ou la mort, voilà notre capitulation; la mort des traîtres, > voilà notre dernier mot. (Applaudissemens.) - Discussion sur les dénonciations contre l'ex-ministre Duport. Le rapporteur, Saladin, rend compte des nouveaux faits à sa charge, et qui rentrent dans le délit d'attentat à la liberté individuelle. Quatremère parle contre la proposition du comité. Le ministre de l'intérieur, Roland, sollicite la faculté de réformer et organiser toutes les parties de son administration, et demande un nouveau fonds de six millions pour achats de grains à l'étranger. 4 Juin. - Servan présente, en ces termes, son projet d'un camp de vingt mille hommes:

Le ministre de la guerre. La nation, messieurs, vous témoignera sans doute sa gratitude pour la vigilance civique avec laquelle vous vous êtes occupés, et vous vous occupez sans relâche, de toutes les décisions que j'avais sollicitées pour la partie militaire. Quant à moi qui aime à voir, dans cet acte de votre sagesse, la bienveillance que vous témoignez au ministre de la guerre, permettez qu'en mon particulier je vous en témoigne ma gratitude. Permettez-moi aussi que je vous entretienne d'un projet qui me paraît extrêmement utile dans les circonstances. Fort de votre zèle, de votre influence sur la chose publique, j'aurai la certitude du succès que je désire, si vous daignez approuver mes idées. Dans la guerre que nous entreprenons, nous devons nous attendre à des revers. Ce sont eux peut-être qui nous feront sentir davantage le prix de la liberté ; mais il faut en prévenir les effets par les précautions que votre sagesse vous suggérera. Je vais vous en offrir une qui tient à la Constitution.

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