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moment; je dois me réduire aux faits essentiels de l'affaire. M. le maire, qui se reposait sur les mesures qui avaient été prises, qui était rassuré par les nouvelles qu'il recevait à chaque instant, ne fut averti, qu'après quatre heures, de l'introduction tumultueuse dans le Château; il s'y rendit de suite, et arriva avant cinq heures. Il s'y rendit, traversa la cour, se montra dans les escaliers, monta dans les appartemens, parla au peuple, lui fit entendre le langage de la loi, l'engagea à se retirer. Enfin après tous les soins prolongés pour contenir une multitude innombrable, il parvint à faire évacuer le Château ; il n'en sortit lui-même que lorsque le calme fut rétabli, et vint en rendre compte à l'assemblée nationale.

Voilà l'analyse succincte, mais exacte, mais fidèle, de la conduite du maire dans la journée du 20 juin.

Votre commission va examiner ce qu'exigaient les circonstances, et elle vous proposera les dispositions que la justice lui a dictées. Elle n'a pas cru devoir s'arrêter aux moyens de forme qui ont été relevés dans la discussion; elle a cru que, soit que vous leviez la suspension, soit que vous la confirmiez, il serait plus honorable pour les accusés, d'être jugés par les moyens fonciers appartenans à leur cause.

Le maire de Paris était chargé de veiller à l'exécution de l'arrété pris par le département, le 19 au soir, qui défend tout rassemblement qui pourrait blesser la loi ; cet arrêté a été pris en sa présence, et il en a instruit le commandant-général; il lui a recommandé de tenir les forces au complet, de les doubler aux Tuileries et à l'assemblée nationale; d'avoir des réserves d'infanterie et de cavalerie; de prendre en un mot toutes les mesures les plus convenables pour le maintien de la tranquillité publique. Instruit que les citoyens persistaient à marcher en armes, il cherche et il propose une mesure médiatrice, qui était que les citoyens de toutes les armes se rangeraient sous les étendards de la garde nationale, et sous l'inspection de ses chefs. Il en fait part au directoire du département par une lettre écrite le 20 juin à minuit. Par une seconde lettre écrite le même jour, à cinq heures du

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matin, le directoire du département de Paris insiste, en disant qu'il ne peut, en aucune circonstance, composer avec la loi. Alors, que fait le maire de Paris?

Il écrit aux différens commandans de bataillons ; il leur transmet la lettre qu'il reçoit du département ; il intéresse leur civisme pour se conformer à cette lettre, et pour qu'ils éclairent leurs concitoyens ; il envoie dans les faubourgs, dès six heures du matin, des officiers municipaux et des administrateurs de police, pour rappeler les citoyens qui s'attroupaient à l'obéissance à la loi, pour tenter auprès d'eux tous les moyens de persuasion.

Ceux-ci, tenant principalement à l'admission que d'autres pétitionnaires avaient obtenue dans le sein du corps législatif, voulant jouir du même honneur, sont sourds à toutes représentations. Que faire alors? L'attroupement ne pouvant être empêché, il fallait le diriger et le contenir. Le corps municipal est assemblé, et prend l'arrêté dont je vous ai donné lecture. Cet arrêté, parfaitement concordant avec celui du corps municipal du 16 juin 1792, qui autorisé la réunion, sous les drapeaux de la garde nationale, des citoyens non inscrits sur les rôles de la garde nationale, qui se sont pourvus de piques, et autres armes défensives pour défendre la patrie dans ses jours de danger, arrêté connu du département qui ne l'avait pas improuvé; cet arrêté paraît en effet la seule mesure qu'il fût possible de prendre, plutôt que de laisser vaguer un attroupement illégal, plutôt que de s'exposer aux maux qui pouvaient en résulter, plutôt que d'armer les citoyens contre les citoyens. Jamais cet arrêté n'aurait pu être un motif de suspension contre le maire; il n'était pas son ouvrage.

Quand la troupe armée a forcé l'asile du représentant héréditaire de la nation, la conduite du maire a-t-elle été plus répréhensible? Il a été averti après quatre heures, et il est de fait, messieurs, que la troupe armée était introduite dans le château ; il vient au château, et arrive avant cinq heures. Il se montre au peuple, il parle, il conjure. C'est enfin, après de longs efforts soutenus, qu'il parvient à faire évacuer les appartemens.

Quel est donc le motif de l'arrêté du département? Il ne nous

a donné connaissance, dit-il dans cet arrêté, de l'arrêté du con seil général de la commune que le 18. Mais il été a repondu à ce fait par l'observation que l'arrêté du 16 ne fut pris que dans une séance du soir, et que du 17 au 18 l'intervalle n'est pas immense.

Il n'a pas donné connaissance au directoire du département du rassemblement qui se projetait, et il n'a pas non plus communiqué au corps municipal l'arrêté du conseil général de la commune du 16, ainsi que cela avait été expressément ordonné. Mais, en donnant connaissance au directoire du département de l'arrêté du conseil général de la commune du 16, ne lui a-t-il pas donné connaissance de l'attroupement projeté? Mais le corps municipal, qui fait essentiellement partie du conseil général de la commune, n'était-il pas suffisamment instruit des faits par ce même arrêté du censeil général de la commune.

L'arrêté reproche à M. le maire de n'avoir point donné au commandant-général les ordres nécessaires pour empêcher le rassemblement qui se projetait. Des pièces font encore foi du contraire Dès le 19 au soir, le maire a écrit au commandant de la garde nationale pour qu'il prît toutes les précautions convenables pour maintenir la tranquillité publique, pour qu'il doublåt les postes des Tuileries et de l'assemblée nationale, pour qu'il tînt les autres postes au complet, pour établir des réserves d'infanterie et de cavalerie. Ne sont-ce pas là des ordres, et des ordres très-précis qu'il a donnés ?

Instruit que les esprits s'échauffent et persévèrent dans l'intention de marcher en armes, il propose une mesure moyenne au directoire de département qui, à la vérité, s'y refuse. Mais d'après ce refus même du directoire du département, son premier soin est d'écrire aux commandans des divers bataillons, de leur transmettre la lettre du département, et de les engager, au nom de la patrie, à s'y conformer, et à éclairer leurs concitoyens. Il envoie, dans la même vue et pour le même objet, dans les faubourgs, des officiers municipaux et des administrateurs de police.

Peut-on reprocher au maire le non succès de ces démarches?

Votre commission a pensé, dans l'état des faits qui sont constatés par les procès-verbaux, déclarations et autres pièces remises, qu'il était de votre justice de lever la suspension. (On applaudit à plusieurs reprises.)

La commission a eu ensuite à examiner la conduite du procureur de la commune : elle n'a pas trouvé, à beaucoup près, des renseignemens aussi étendus. Il ne paraît pas que le procureur de la commune se soit montré pour empêcher les désordres. L'article XXVIII du décret du 3 août lui en prescrivait du moins l'obligation; c'est lui qui, aux termes de cette loi, devait le premier se rendre au lieu de l'attroupement. Il a seulement passé une heure, le soir, dans le jardin des Tuileries, comme particulier et sans écharpe; on ne le voit jamais, soit avec les officiers municipaux dans les appartemens du château, soit ensuite avec le maire; lorsqu'il y est arrivé, il devait concourir avec eux au 'rétablissement de l'ordre. Une telle inaction serait nécessairement coupable; mais avant de juger le procureur de la commune, votre commission a pensé qu'il fallait l'entendre; il paraît même exprimer ce you dans la lettre qu'on vient de lire; et telle est d'ailleurs la conséquence des principes qui doivent diriger les coopérateurs d'une législation élevée sur les bases de la justice et de l'humanité. (On applaudit.)

Un des motifs de l'arrêté du département est la contrariété de l'arrêté de la municipalité du 20, avec celui du directoire du 19; mais, si vous considérez que ces deux arrêtés ne sont pas absolument différens, puisque celui du département ne prescrivait à la municipalité que de prendre toutes les mesures qui étaient en son pouvoir pour maintenir la tranquillité publique, et que l'arrêté du 20 ne contient que la dernière mesure qu'il était possible de prendre dans les circonstances, si vous considérez à quel point les esprits étaient échauffés; si vous considérez à quel point l'attroupement armé était en quelque sorte légitimé par la facilité que le corps législatif lui-même avait eue d'en recevoir d'autres dans son enceinte, facilité dont il sentit le danger, puisque le lendemain vous avez été obligé de rendre une nouvelle

loi; si vous considérez combien il pouvait être dangereux d'opposer une résistance peut-être inutile à une multitude innombrable et exaltée; non, messieurs, vous ne regarderez pas comme une violation de la loi une mesure dictée par les circonstances, une mesure qui avait pour but de prévenir des mouvemens plus grands encore que ceux qu'elle n'a pu empêcher : rappelez donc à ses fonctions un magistrat qui n'a point mérité d'en être suspendu; mais en même temps rappelez au peuple, à ce peuple qui vient aujourd'hui solliciter son rétablissement, que c'est lui qui l'a compromis; rappelez-lui que s'il veut être heureux et libre, que s'il veut jouir des droits que la Constitution lui a rendus, il ne doit jamais oublier le respect et l'obéissance qu'il doit à la loi, aux autorités constituées par elle et pour lui, que c'est cett obéissance qui seule peut assurer la prospérité publique et être la sauvegarde des magistrats qu'il a élus. Citoyens, que ce sentiment vous réunisse tous dans la belle journée de demain, que la persévérance dans ces sentimens éloigne à jamais ces événemens désastreux qui détournent trop souvent le corps législatif dest grands objets auxquels il est appelé, nuisent à la chose publique, et par conséquent à votre bonheur.

L'assemblée retentit d'applaudissemens presque unanimes et réitérés.

M. Muraire lit un projet de décret.

M. Boulanger. Il me semble qu'avant d'entendre les orateurs pour et contre, il serait nécessaire qu'on fit lecture de toutes les pièces. Sans cela, il n'est pas possible de juger.

L'assemblée décide que les pièces ne seront pas lues.

M. Gorguereau. Il faut convertir en loi la délibération que vient de prendre l'assemblée, et décréter que dorénavant les tri◄ bunaux n'auront plus besoin de pièces pour juger.

M. Rouhier. Ces messieurs ne se rappellent pas que j'en ai fait une lecture résumée dans l'arrêté du directoire de département et dans la proclamation du roi. Après avoir passé par ces deux scrutins, elles ne sont pas suspectes.

M. Ferrière. Les faits seuls pouvaient éclairer notre conscience

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