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compétens pour prononcer sur le fond; 2° que, dès à présent, et sans préjudice des mesures ultérieures que vous pourrez prendre contre les auteurs de cette adresse, vous improuviez formellement cette provocation faite au corps législatif d'empiéter sur des pouvoirs qui ne lui sont pas dévolus. (On applaudit. ) M. Girardin demande la parole.

La proposition de fermer la discussion est réitérée et rejetée à une petite majorité.

M. Girardin. Le citoyen vertueux que la commune de Marseille s'honore de posséder, M. Martin, auquel Mirabeau avait donné le surnom de Juste, vous a déjà fait entendre les cris de son indignation. Mais je vous rappelle qu'un de vos orateurs les plus éloquens vous a fait jurer, le 14 janvier dernier, que vous regarderiez comme infâmes et traîtres à la patrie tous ceux qui provoqueraient des changemens à la Constitution. D'après ce serment que vous avez prêté avec un empressement unanime, vous devez punir également ceux qui veulent modifier la Constitution dans un sens, et ceux qui veulent la détruire dans un autre; On applaudit.) c'est à-dire les aristocrates et les démagogues. L'adresse qui vient de vous être lue est donc une infraction à la loi du 14 janvier. Il y a plus: ce n'est pas un vou formé par de simples citoyens, c'est une proposition faite par des magistrats qui n'ont pu l'être, qui n'ont pu remplir leurs fonctions qu'après avoir prêté serment de fidélité aux lois constitutionnelles. (Mêmes applaudissemens.) En un mot, vous ne pouvez voir, dans cette affaire, que des magistrats par jures qui vous demandent le renversement de la Constitution. Eh bien! législateurs, sachez punir les factieux du midi comme les aristocrates du nord, les communes républicaines comme les directoires royalistes; et vous n'aurez qu'un glaive pour frapper tous les ennemis des lois, de la liberté, et j'ose le dire, du repos public; car le salut de la France dépend, dans ces circonstances, de votre fermeté à vous rallier aux principes de la Constitution. Vous devez un grand exemple qui annonce votre improbation, (Plusieurs voix: Nous sommes d'accord.) qui fasse rentrer dans le néant tous fac

tieux. Vous devez la manifestation franche de vos principes à la nation qui vous la demande.

Mais en même temps que j'invoque votre sévérité, je déclare que je ne suis pas de ceux qui aiment les mesures précipitées ; qu'au contraire, je voudrais que jamais un décret d'accusation ne fût porté qu'avec ce calme et cette maturité qui assurent la sagesse des délibérations. (Les mêmes voix: Nous sommes donc tous d'accord sur le renvoi au Comité.) Oui; et j'appuie dans ce sens la proposition de M. Lacroix. Mais je croyais bien nécessaire de faire cette distinction: qu'ici ce sont des magistrats parjures que vous avez à juger, et non pas des citoyens pétitionnaires. Je vous rappelle que le jour approche où vous allez être entourés de fédérés, où i's répéteront avec vous le serment de maintenir la Constitution ; je leur rappelle à eux mêmes qu'ils se sont armés pour la défendre. Je pense que si ces citoyens avaient bien connu la loi, ils n'auraient pas troublé votre délibération par leurs applaudissemens; et j'ose croire qu'ils distingueront toujours l'opinion qu'on peut avoir en son particulier, sur quelques articles de la Constitution, dont le correctif se trouvera dans la Constitution ellemê:ne, et la fidélité que lui ont jurée tous les Français, tant qu'elle ne sera pas légalement changée. Elle doit être, dans ces momens de crise, notre seul point de ralliement; et ne faut-il pas en consol der l'existence avant de chercher à en perfectionner les parties? (Il s'élève de nombreux applaudissemens.)

L'assemblée ordonne le renvoi de l'adresse à la commission des douze, pour en être fait le rapport demain.

On fait lecture d'une lettre du roi.

Je charge, monsieur le président, le ministre de la justice de remettre à l'assemblée nationale, suivant l'article VIII de la section II du chapitre IV de la Constitution, la proclamation que j'ai rendue sur l'arrêté du département, portant suspension provisoire du maire et du procureur de la commune de Paris. » Signé LOUIS; et plus bas, DEJOLY.]

L'arrêt, daté de la veille, confirmait la suspension du maire et du procureur de la commune de Paris. Ainsi le roi perdait

cette occasion de recueillir un peu de popularité. Les Jacobins l'avaient cru plus habile; car un grand nombre d'entre eux croyaient que la mesure prise par le département, avait été préparée en même temps que le projet de conciliation de l'évêque Lamourette, afin de fournir à la cour l'occasion d'une amnistie, et de donner une preuve de franchise qu'ils croyaient propre à tromper beaucoup de gens. Le parti que choisit le roi était d'autant plus mauvais, qu'il ne devait point ignorer que la majorité était assurée à Petion. Les Jacobins ne doutaient pas de l'emporter dans cette circonstance,et rien au reste n'avait été négligé dans ce but. Le maire de Paris avait, dès le lendemain de sa suspension, fait distribuer à la porte des Jacobins et partout une brochure ayant pour titre : Règle générale de ma conduite. Elle était de nature à conquérir l'opinion des hommes les plus modérés, pourvu qu'ils portassent quelque croyance aux principes de l'époque. Elle ne contient rien cependant qui puisse, de nos jours, offrir quelque intérêt ou quelque instruction, et donc nous avons dû la laisser de côté, afin de ne rien retrancher du drame parlementaire lui-même. Nous allons donc reprendre la suite de la séance du 12 juillet.

Après la lecture des pièces, le président Aubert-Duba yet annonça que Pétion demandait à être admis à la barre. L'assemblée' décida qu'il serait introduit et entendu.

M. Pétion. Une décision du département m'ayant éloigné du poste auquel je tiens par ses périls mêmes, auquel je tiens par les services que je puis rendre à mes concitoyens, je me présente devant vous, avec la sécurité que donne le sentiment d'une conscience sans reproche. Je demande une justice sévère; je la demande pour moi, je la demande pour mes persécuteurs.

Je n'éprouve pas le besoin de me justifier, mais j'éprouve celui très-impérieux de venger la chose publique. Il n'est pas au pouvoir du département de porter la plus légère atteinte à la réputation d'un magistrat qui ne cessa, qui ne cessera jamais d'être fidèle à ses devoirs.

Si je n'avais à répondre qu'au département, je garderais le

silence depuis long-temps il est jugé au tribunal de l'opinion.

Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il a déclaré la guerre à la municipalité : ce corps ambitieux et usurpateur voudrait la tenir dans une dépendance servile, la comprimer dans tous ses mouvemens; il voudrait que son action seule se fit sentir sans cesse aux citoyens, pour faire remarquer son existence. Tourmenté de la manie de dominer, il ne peut pas supporter la puissance d'opinion qui environne la municipalité.

Ces passions haineuses et jalouses expliquent la conduite qu'il a tenue dans plus d'une occasion. La circonstance actuelle lui ayant paru plus remarquable, il l'a saisie avec empressement pour déployer la plénitude de son pouvoir.

J'avoue que je suis encore à concevoir la décision vraiment scandaleuse qu'il a portée. Je sais bien que les papiers vendus à certain parti, pour outrager chaque jour la révolution, la morale et la justice, en avaient ouvert l'idée; je sais bien que des manœuvres avilissantes et des agens méprisables avaient préparé une pétition contre la municipalité et contre moi; mais ces œuvres de corruption faisaient plutôt notre éloge que notre censure. (Une partie de l'assemblée et les tribunes applaudissent.),

Je ne pensais pas qu'une des meilleures actions de ma vie publique, celle qui laisse le plus de souvenirs consolans dans mon cœur, pût devenir un titre de persécution.

Je me demande ce que j'ai fait: el bien! j'ai empêché le sang des hommes de couler; j'ai empêché de s'allumer dans la capitale le flambeau d'une guerre civile, qui eût peut-être incendié l'empire.

Voyons maintenant ce que le directoire me reproche. J'ai lu son arrêté, et j'ai frémi d'indignation, et mon ame s'est soulevée contre les mains infidèles qui l'ont tracé.

Hommes justes, lisez-le, si vous pouvez, de sang-froid, et jugez. Ce n'est qu'une déclamation presque toujours mensongère, dans laquelle on se permet, non-seulement d'altérer les faits, mais dans laquelle encore on ne prend pas la peine d'exposer un seul des moyens en faveur de celui qu'on accuse; dans laquelle des

allégations insidieuses prennent sans cesse la place du raisonne

ment.

Est-ce donc ainsi que se tiennent les balances égales de la justice?

J'observe d'abord que le directoire du département ne devait s'immiscer en aucune manière dans les mesures de police et d'ordre public que la réunion des citoyens pouvait exiger le 20 juin. Tout ce qui est de police, est de l'essence du pouvoir municipal. Le département a un simple droit de surveillance et de censure. Il laisse agir, puis il contrôle. S'il agit immédiatement, s'il ordonne, la surveillance n'existe plus, la loi est éludée et manque son but.

Le conseil général avait soumis son arrêté du 16 juin à l'influence du directoire; j'ignore pourquoi : si j'avais eu l'honneur de présider le conseil ce jour-là, j'aurais fait tous mes efforts pour empècher un abus aussi dangereux dans ses consequences.

Enfin le directoire en est saisi : et quand il s'empare de ce qui ne lui appartient pas, ce n'est pas pour relâcher ce qu'on lui donne. Il a eu une conférence, le 19, avec les administrateurs de la police et moi. Alors même, il était incertain de savoir si les faubourgs feraient leur marche en armes. Il a pris un arrêté en forme de proclamation, où il a rappelé les principes généraux sur les attroupemens armés; il nous a invités en outre à une surveillance active.

Il est facile, sans doute, de commander de cette manière; et il est plus facile encore de censurer les mesures prises, lorsque les événemens sont passés.

Ici le département commence à m'adresser adroitement un léger reproche, sur ce que je ne l'ai prévenu que le 18 d'un arrêté pris le 16; mais remarquez que c'est dans une séance du soir que l'arrêté a été rendu ; qu'il n'a pu être expédié que le 17; qu'il n'y a pas un long espace du 17 au 18. Ce reproche ne peut donc être regardé que comme une précaution oratoire, pour disposer à entendre avec plus de complaisance des faits plus inportans,

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