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tes-nous enfin une vérité qu'il ne vous est plus possible de nous dissimuler; dites-nous clairement, parce que cela est, que la patrie est en danger; et si les mesures ordinaires ne vous suffisent pas, indiquez à la nation souveraine les formes dans lesquelles il lui sera permis de faire connaitre sa volonté suprême. Prononcez en même temps la permanence de nos sections; c'est le vœu de la capitale; qu'à chaque instant du jour le citoyen puisse calmer ses inquiétudes. Lorsque le peuple pourra se réunir et s'instruire dans une assemblée légale, il sera toujours calme. (On applaudit.)

Nous déposons sur l'autel de la patrie, pour les frais de la guerre, une somme de 2620 liv. en assignats, et de 258 liv. en argent.

M. Montault. Les acclamations avec lesquelles l'assemblée a entendu cette pétition m'autorisent à en demander l'impression, et j'en fais la motion expresse.

L'impression est décrétée.

Plusieurs autres sections adhèrent à la pétition de celle des Gravilliers.]

Section de la Place-Royale.

[M. Tallien, orateur de la députation. Un grand attentat vient d'être commis. La ville de Paris est dans la douleur; nous venons, au nom d'une nombreuse portion des citoyens de cette ville, chercher dans votre sein des consolations et vous demander justice.

Pétion est suspendu de ses fonctions par un directoire contrerévolutionnaire.

Pétion, notre père, notre ami, est sous le coup d'une accusation, et pourquoi! pour n'avoir pas versé le sang dans la journée du 20 juin..... Pour n'avoir pas armé les citoyens contre les citoyens.... Pour n'avoir pas changé en un jour de deuil l'anniversaire d'une des époques les plus mémorables de notre révolution.

Le corps municipal est venu hier déclarer dans cette enceinte que le crime de Pétion était le sien. Eh bien! il est aussi le nôtre ; nous venons demander à partager le sort de notre vertueux

maire; nous venons offrir de nouvelles victimes à ce directoire dont la conduite journalière sert si bien les projets des ennemis de notre révolution.

Qu'on nous charge aussi de fers; ils nous paraîtront plus) légers lorsque nous les partagerons avec Pétion.

Nous venons déposer dans le sein du corps législatif l'adhésion la plus entière à la conduite tenue par le maire et le corps municipal, dans les journées antérieures et postérieures au 20 juin.

Nous déclarons solennellement que le maire, que le procureur de la commune et le corps municipal jouissent de toute notre confiance, et, nous osons le dire, de celle de tous les bons citoyens de la capitale. (On applaudit.) Les persécutions qu'ils éprouvent en ce moment ne nous les rendent que plus chers; chacun de nous s'est imposé l'obligation d'être le défenseur de ses magistrats opprimés, et le dénonciateur de leurs persécuteurs.

Nous déclarons également que le directoire du département de Paris a perdu notre confiance, et nous vous demandons que, conformément à l'article 8 de la section n du chapitre IV de l'acte constitutionnel, vous leviez dans le plus court délai la suspension prononcée par le directoire contre le maire et le procureur de la commune, et que vous jugiez quelle est l'administration coupable, ou de la municipalité qui a épargné le sang, ou du directoire qui voulait le faire verser. (On applaudit.)

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Ces adresses furent renvoyées à la commission des Douze.] - Du 8 au 11, le roi eut tout le temps de prendre un parti sur l'arrêté du département de Paris, et, en rendant Pétion à ses administrés, de se montrer persistant dans la voie de l'oubli, que l'abbé Lamourette avait cherché à mettre à l'ordre du jour. Les Jacobins s'y attendaient, ainsi que nous en trouvons la preuve dans leurs débats; et c'était une mesure tellement convenable, que l'on peut croire que l'assemblée s'y attendait. Il n'en fut pas cependant ainsi la terrible déclaration fut décrétée sans que la cour eût rien fait. Il arriva alors que dès la journée du 11, à la séance du soir, la barre fut assaillie de pétitionnaires qui, tout en la remerciant de s'être confiée au patriotisme de la nation,

demandaient à l'envi, et leur maire, et la mise en accusation de La Fayette, du directoire de Paris, et quelquefois des ministres démissionnaires.

Ce furent d'abord des ouvriers qui venaient de travailler au champ de la Fédération, et qui défilèrent ayant encore, la plupart, la pelle ou la pioche en main, et la hotte sur le dos.

Ce furent ensuite des députations de la section du ThéâtreFrançais (Cordeliers), de la section des Gravilliers, de la section des Postes, de celle du Palais-Royal.

Ce fut ensuite une adresse d'un bataillon de vétérans, puis une pétition présentée au nom de quarante mille ouvriers travaillant aux bâtimens.

Cette longue et populaire démonstration fut close par une députation du corps municipal qui vint annoncer à l'assemblée que deux juges de paix, MM. Menjaud et Fayel, venaient de décerner des mandats d'amener contre Pétion et Manuel, et qu'un mandat d'arrêt était projeté pour cette nuit. Ces nouvelles excitèrent dans l'assemblée l'indignation la plus violente. Il était déjà très-tard; cependant elle rendit sa séance permanente. Nous allons maintenant laisser parler le Moniteur.

SÉANCE DE NUIT DU 11 JUILLET.

[M. Rouyer. Les officiers municipaux ont dénoncé que deux' juges de paix ont décerné un mandat d'amener contre MM. Pétion et Manuel. Vous n'ignorez pas qu'il est défendu aux corps judiciaires de décerner de pareils mandats contre des municipal lités, pour cause de leurs fonctions, à moins qu'il n'y ait un ordre du directoire; et, dans le cas où le directoire aurait donné cet ordre, ce n'est pas encore aux juges de paix à l'exécuter. Si1 le directoire de Paris avait trouvé le maire vraiment coupable,' c'était devant le tribunal criminel, par l'organe du commissaire du roi, qu'il devait le poursuivre. Je demande que demain matin' le pouvoir exécutif rende compte de cette infraction à la foi, et que vous punissiez en même temps et le directoire et les juges de paix. (On applaudit.).

M. Masuyer. Il ne s'agit pas seulement d'une usurpation de fonctions qui, dans l'affaire de M. Pétion, sont interdites à des juges qui, ne pouvant agir, d'après un arrêté du directoire, que lorsqu'il a été revu par les deux autorités supérieures, le roi et l'assemblée, se trouvent doublement prévaricateurs. Il ne suffit pas que nous nous fassions rendre compte de ce qui concerne MM. Pétion et Manuel, il faut que le pouvoir exécutif rende compte de ce tribunal de sang etabli au château des Tuileries." Eh! n'est-il pas affreux que, l'an quatrième de la liberté, des juges de paix aillent porter leur tribunal dans le palais d'un roi, lorsqu'ils n'auraient pas osé le faire sous l'ancien régime! Ces juges de paix se sont rendus coupables d'un attentat bien plus grave contre MM. Paris et Bouland, parce qu'ils ont porté atteinte à la souveraineté du peuple dans les assemblées primaires. Je ne crains pas de le dire, cet attentat est plus grave encore que celui du juge de paix Larivière contre MM. Bazire, Chabot et Merlin. N'oublions pas que c'est dans les assemblées primaires que le citoyen est véritablement investi de toute sa dignité ; qu'il exercé la portion de souveraineté qui appartient à chaque individu. Or, poursuivre un citoyen pour avoir énoncé son opinion dans une assemblée primaire, c'est attenter à la souveraineté nationale. (On applaudit.) Je demande donc que le pouvoir exécutif rende compte de ce qui regarde MM. Manuel et Pétion, et de ce qui concerne MM. Paris et Bouland.

M. Bazire. Au nombre des dangers de la patrie, est la suspension de ce magistrat vertueux, de ce génie tùtélaire de Paris. (On applaudit.) Comment se fait-il que l'institution bienfaisante des juges de paix soit devenue le fléau des citoyens? Il y a ici prévarication formelle contre la Constitution. Rien n'a pu autoriser la conduite des juges de paix. Il est interdit aux corps judiciaires de s'immiscer dans les fonctions administratives. Faites justice enfin la voix publique s'élève contre ces attentats. Je demande que les deux juges de paix soient à l'instant mandés à la barre. (On applaudit.) Je demande en outre, puisque les dangers de la patrie sont plus grands que nous ne le croyions cè

matin, que l'assemblée se déclare permanente. (On applaudit.) M. Chabot. Ce ne sont pas les juges de paix qu'il faut mander à la barre, c'est le ministre de la justice, pour n'avoir pas dénoncé devant un tribunal l'attentat contre la souveraineté nationale dans la personne de MM. Paris et Bouland. Je demande donc que le ministre soit mandé séance tenante.

M. Lemontcy. Le ministre de la justice a transmis à la commission des Douze une lettre de M. Menjaud, relative à cette affaire. La commission a un rapport tout prêt à vous présenter, sur les juges de paix qui ont établi leur tribunal aux Tuileries.

M. Cambon. Il n'est personne qui soit plus persuadé que moi des manœuvres qu'on emploie pour perdre la chose publique. Mais plus on emploie de manoeuvres, plus nous devons rester fermes aux principes. La loi réglementaire sur les corps administratifs leur permet de faire des délégations aux tribunaux. Le corps législatif ne peut savoir si le directoire de Paris a eu tort, qu'en jugeant l'arrêté du directoire; car si l'arrêté est déclaré illégal, la délégation devient nulle. Je vois bien un manége concerté entre les agens des autorités supérieures et les autorités subalternes. C'est ici la clef de la responsabilité à exercer tant contre les ministres, que contre le directoire et les juges de paix. Marchons, sans précipitation: si nous mandions les juges de paix, et qu'ils vinssent nous dire que c'est Pétion citoyen privé, et non Pétion maire de Paris, qu'ils ont poursuivi, nous serions obligés de convenir que nous avons commis un acte arbitraire. Il faut donc nous hâter de prononcer sur l'administration de M. Pétion, et renvoyer le tout après le rapport sur l'arrêté du directoire de Paris. (On applaudit.),

Cette proposition est adoptée.

Des citoyens de Rochefort, arrivés pour la fédération, d'où ils comptent se rendre aux frontières, viennent présenter leurs hommages à l'assemblée, et demander le décret d'accusation. contre M. La Fayette.

On fait lecture d'une lettre des administrateurs du département de l'Ardèche, apportée par un courrier extraordinaire, qui

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