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Mais ces faits sont connus de tous les Français.... Quel a été donc le but moral du législateur?... La patrie ne serait point en danger.... si le corps législatif pouvait s'emparer de la dictature et, sans avoir égard à la Constitution, déclarer nuls les veto posés à ses décrets, suspendre les nobles de leurs fonctions, nommer des généraux patriotes.... S'il pouvait librement ordonner des levées.... et donner à nos armées la direction que comporte la nature de cette guerre....

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› La patrie est en danger, et les députés extraordinaires de tous les departemens (les férédés venus pour le 14 juillet) sont à Paris; la patrie est en danger, le peuple est en insurrection..... Français, vous allez donc devenir libres! A l'instant que le peuple est légitimement assemblé, dit l'auteur du Contrat › social, toute, juridiction du gouvernement cesse, la puissance › exécutrice est suspendue..... » Il est temps que tous les prestiges disparaissent, que les préjugés s'évanouissent! Il faut être libres et l'occasion est belle. Français! notre pusillanimité nous a fait manquer notre première révolution : manquerons-nous la seconde!... On croit peut-être qu'il faut un grand courage, de grands efforts, de grands sacrifices pour faire cesser les dangers de la patrie! On se trompe; il ne faut que de la bonne foi.... Il faut avouer franchement que la cause du danger réside dans la Constitution.... N'est-ce pas à elle que nous devons l'hérédité de la couronne, partant Louis XVI, sa femme, ses frères, ses enfans, la liste civile, la corruption, la persécution, la dévastation, la mort? N'est-ce pas à elle que nous devons nos généraux, nos juges, nos administrateurs?.....

› La France n'a que deux ennemis dangereux, le roi et La Fayette; et encore La Fayette ne serait plus si le roi était abattu. Que Louis XVI soit donc ou chassé pour jamais du trône, ou du moins suspendu de ses fonctions pendant le cours de la guerre!....

› Nous devons dire ici une grande vérité........ c'est que le corps législatif, après avoir déclaré que la patrie est en danger, n'a plus le droit d'interpréter cette déclaration.... Le peuple est

ressaisi de l'autorité souveraine; nulle puissance humaine ne saurait l'empêcher d'aller à la source du mal....

› Nous savons que dans peu les traitres doivent livrer quelques-unes de nos villes frontières; nous savons qu'alors le roi et les émigrés feront paraître un manifeste; nous savons que ce manifeste proposera le rétablissement de la noblesse, et la formation d'une seconde chambre. »

(Révolutions de Paris, n. CLVII. )

Nous venons de voir comment la déclaration de l'assemblée fut accueillie par la presse. Voici comme elle le fut dans les clubs patriotes.

Séance des Jacobins, 10 juillet.

L'ordre du jour est le danger de la patrie.

Robespierre. Le moment est arrivé d'écarter tous les intérêts personnels, pour ne s'occuper que de l'intérêt public. Ce sentiment é ait gravé dans tous les cœurs; un décret solennel vient de nous en faire une obligation.

› Qu'est-ce que ce décret? Est-ce une vaine formule vide de sens? Est-ce une arme dont le despotisme compte pouvoir faire usage pour écraser la liberté, pour opprimer ses vrais adorateurs? Non! Et ce n'est point en vain que les citoyens des départemens seront venus se rallier aux cris de la patrie en danger.

› La patrie est en danger! Ces mots disent tout pour des cœurs ardens, vraiment épris de l'amour de la patrie et de la liberté. Cette formule ne nous apprend pas de nouveaux faits. Avant cette déclaration, nous savions qu'un général conspirateur était à la tête de nos armées; nous savions qu'une cour corrompue machinait sans relâche contre notre liberté et notre Constitution. Ce n'est donc pas pour nous instruire, que l'assemblée nationale a prononcé cette formule imposante. Ces mots la pàtrie est en danger sont une exhortation à toute la nation, de déployer toute l'énergie dont elle est capable pour prévenir ces dangers.

› La nation connaissait bien ses dangers; mais elle semblait engourdie sur le bord de l'abîme, et l'assemblée nationale a voulu

la réveiller de sa lethargie. Lorsque l'assemb'ée nationale a prononcé cette formule, elle a voulu dire: » En vain, nous faisons de bonnes lois, si le pouvoir exécutif ne les fait pas exécuter, s'il les entrave par des veto perfides, si des administrateurs corrompus conspirent avec la cour pour tuer la Constitution par la Constitution en vain des armées de soldats patriotes et valeureux exposent leurs vies en combattant, si l'on arrê e leur marche victorieuse, ou si on ne les envoie au combat que pour les faire succomber sous un nombre d'ennemis double du leur. Dans des circonstances aussi critiques, les moyens ordina res ne suffisent pas Français, sauvez-vous. ›

› Ou bien cette déclaration solennelle signifie ce que je viens de dire, ou bien elle ne serait qu'une trahison, en montrant à la nation les dangers auxquels elle est exposée, sans lui laisser la faculté de prendre les moyens qu'elle croira propres à la sauver. Déjà même, les ennemis de la liberté espèrent en faire un usage meurtrier, et, quand j'ai vu à la suite de cette déclaration, un Vaublanc proposer une adresse à l'armée, je me suis dit : puisque cette formule n'effraie pas certaines gens, il faut qu'ils espèrent en tirer parti.

› Ces hommes vous diront: La patrie est en danger, il est vrai; mais, d'où viennent les dangers de la patrie? Est-ce de la part de la cour? Non, car elle veut la Constitution et l'obéissance aux lois. Est-ce de la part des prêtres qui fomentent le feu de la guerre civile? Non, car que peuvent des êtres isolés privés de tout moyen de séduction. Est-ce de la part de la noblesse qui voudrait recouvrer ses priviléges? Non, car ces nobles sont à la tête de vos armées pour soutenir la cause de l'égalité. Si la patrie est en danger, c'est de la part des citoyens réunis en sociétés pour surveiller la conduite des fonctionnaires qu'ils se sont choisis; c'est de la part du peuple, qui ne veut pas qu'on le mène en aveugle; c'est de la part des magistrats du peuple, qui n'ont pas voulu vendre ou leurs talens, ou leur silence aux conspirateurs. Ainsi, ces hommes ne seront pas gênés par cette formule; ils l'interpré

teront comme ils interprètent la Constitution, dans laquelle ils trouvent les moyens de la détruire.

› Pour nous, qui ne voulons que le bien général de l'humanité, la patrie est en danger, parce qu'il existe une cour scélérate et inconvertissable; la patrie est en danger, parce que l'idolâtrie et la séduction ont procuré à cette cour des administrateurs assez vils pour se prosterner devant elle, et qui, à peine sortis de ces assemblées où ils flattaient le peuple pour obtenir des places, sont assez vils, comme les administrateurs de la Somme, du Pas-deCalais et autres, pour entrer dans une fédération coupable avec la cour contre la liberté. La patrie est en danger, parce que, sur la base de la liberté, s'est élevée une classe aristocratique d'hommes qui n'ont cherché qu'à convertir leurs frères en cannibales; parce qu'il existe un état-major qui, quoique licencié par l'assemblée nationale, subsiste encore pour conspirer.

› Comment la patrie ne serait-elle pas en danger, quand un général, qu'on a cru le général des Français, et qui n'est que celui de la cour de Vienne, dont il épouse les intérêts et emprunte le langage, foule aux pieds la nation française en insultant ses représentans? Comment la patrie ne serait-elle pas en danger, quand un tel homme circonvient de ses émissaires et de ses complices, un autre général, lorsque les flammes de Courtrai sont les seuls gages que nous donnons de notre attachement aux Brabançons, lorsque ce Jarry reste impuni, que nous abandonnons nos conquêtes, et que nous donnons le temps aux puissances ennemies de rassembler leurs forces?

› Voilà, de l'avis de la nation, la cause de nos dangers. Nos dangers ne cesseront donc que lorsque cette cause sera extirpée. Si l'on avait frappé ce général, auteur de tous nos maux, la guerre serait terminée; le Brabant serait libre; il y aurait longtemps que tous ces petits électeurs seraient sans trône et sans sujets; la liberté serait fermement établie sur les bords du Rhin et de l'Escaut, et formerait une barrière impénétrable d'hommes libres autour de nos frontières.

La liberté sera en danger tant que La Fayette sera à la tête

de nos armées, tant que l'administration des départemens sera confiée à des hommes assez impudens pour oser honorer de leur persécution les magistrats que seuls le peuple honore de son estime.

J'espère qu'avant trois jours nous serons délivrés de notre plus dangereux ennemi, qu'un décret nous aura fait justice de La Fayette, car, sans ce décret, comment pourrions-nous entreprendre de combattre pour la liberté? Osons nous flatter encore que ces directoires rebelles, sinon contre l'autorité de la cour, au moins contre la souveraineté du peuple, n'existeront pas. Espérons qu'au sein même de l'assemblée nationale, des hommes qui doivent au peuple toute leur existence, n'oseront pas diviser la nation en côté autrichien et en côté français.

› Si, dans un mois, la patrie est encore en danger, si l'état des choses n'est pas entièrement changé, il ne faudra pas dire alors la nation est en danger, il faudra dire la nation est perdue. J'ai toujours été l'apôtre de la Constitution, le défenseur des lois; mais la première des lois est celle sur laquelle repose la Constitution, l'égalité, la liberté. Il faut donc la Constitution décrétée; mais il la faut tout entière, religieusement observée pour le salut du peuple, sans quoi le mot Constitution ne devient plus qu'un mot de ralliement pour les factieux qui voudraient s'en emparer pour combattre la liberté. C'est dans ces principes que j'ai rédigé une adresse aux fédérés, dont je vais faire lecture à la société, si elle le trouve bon. ›

M. Robespierre lit son adresse au milieu des applaudissemens. L'impression, l'affiche, la distribution aux députés de l'assemblée nationale, aux membres de la société, aux citoyens des tribunes, et l'envoi aux sociétés affiliées, sont décrétés. (Journal des Jacobins, n. CCXXX.)

Le Journal des Jacobins ne contient point cette adresse : mais elle fut insérée dans le Défenseur de la Constitution. Nous la donnerons plus tard; c'est par-là que nous ouvrirons notre description de la fête de la fédération.

- C'est ainsi que l'on écrivait et que l'on parlait dans Paris;

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