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[› Le meilleur moyen, dit il, de résister à l'ennemi, est dans l'union du corps législatif avec le roi, dans le concert suivi entre les deux pouvoirs, dans le rétablissement de la discipline militaire, et dans la cessation des troubles intérieurs, des désordres de l'anarchie, et de toutes ces méfiances réciproques qui, en diminuant nos forces, contribuent à augmenter l'audace des ennemis. Abjurez les haines et les divisions; et au lieu de déclarer que la patrie est en danger, vous pourrez proclamer qu'elle est sauvée.

› Je propose donc : 1° d'envoyer une adresse dans les départemens, avec un extrait du procès-verbal de la séance de samedi, pour inviter tous les citoyens à se réunir, à l'imitation des membres de l'assemblée;

> 2o D'ordonner de grands préparatifs en armes et provisions de toute espèce, pour armer quatre cent cinquante mille hommes;

> 3o D'envoyer des commissaires aux frontières pour examiner l'état de nos forces, et en faire un rapport qui puisse enfin ne laisser plus de doute dans les esprits sur notre véritable position;

4o De prononcer, de concert avec le roi, la cessation de toute espèce de recherches sur les troubles du 20 juin. » ]

A l'évêque de Lyon, succéda M. Lamarque, organe de l'opinion contraire; il demanda avec chaleur qu'on n'ajournât pas davantage la déclaration de la vérité, et qu'on cessât d'hésiter à remettre aux mains et au courage de la nation le salut de sa propre cause.

L'assemblée, en effet, décida qu'elle entendrait le lendemain un rapport définitif sur la question, et les comités diplomatique militaire, et la commission des douze furent invités à s'entendre et à réunir leurs avis.

Le lendemain 11, après un rapport de Hérault, fait au nom de trois comités, le danger de la patrie fut enfin décrété en ces

termes :

[ Acte du Corps légistatif.

Des troupes nombreuses s'avancent vers nos frontières. Tous

ceux qui ont en horreur la liberté, s'arment contre notre Constitution.

CITOYENS, LA PATRIE EST EN DANGER.

› Que ceux qui vont obtenir l'honneur de marcher les premiers pour défendre ce qu'ils ont de plus cher se souviennent toujours qu'ils sont Français et libres; que leurs concitoyens maintiennent dans leurs foyers la sûreté des personnes et des propriétés; que les magistrats du peuple veillent attentive:nent; que tous, dans un courage calme, attribut de la véritable force, attendent, pour agir, le signal de la loi, et la patrie sera sauvée. › L'assemblée, en même temps, décréta une adresse aux citoyens, et une autre à l'armée.

L'assemblée nationale à l'armée française.

› Braves guerriers! l'assemblée nationale vient de proclamer le danger de la patrie; c'est proclamer la force de l'empire, c'est annoncer que bientôt la jeunesse française se portera sous les drapeaux de la liberté : vous l'instruirez à vaincre; vous lui montrerez le chemin de la gloire. Au signal du danger de la patrie, vous sentez redoubler votre ardeur. Guerriers! que la discipline en dirige les mouvemens; elle seule garantit la victoire. Ayez ce courage calme et froid que doit vous donner le sentiment de vos forces. Une véritable armée est un corps immense mis en mouvement par une seule tète. Il ne peut rien sans une subordination passive de grade en grade, depuis le soldat jusqu'au général. Guerriers, imitez le dévouement de d'Assas et le courage du brave Pie; méritez les honneurs que la patrie réserve à ceux qui combattent pour elle: ils seront dignes d'elle, dignes de vous !

> N'oubliez pas que c'est votre Constitution qu'on attaque. On veut vous faire descendre du rang glorieux des peuples libres. Eh bien! braves gue: r ers, il faut que la Constitution triomphe, ou que la nation française se couvre d'une honte ineffaçable. De toutes parts vos concitoyens se disposent à vous seconder.

N'en doutez pas, il n'est aucun Français qui balance. Il n'en

est aucun qui, dans un jour de péril ou de gloire, s'expose à déshonorer sa vie par une lâche et honteuse inaction. Qu'il serait malheureux, celui qui ne pourrait pas dire un jour à ses enfans, à ses concitoyens : Et moi aussi, je combattais quand notre liberté fut attaquée ; j'étais à la journée où les armes françaises triomphèrent de nos ennemis; j'ai défendu les remparts de la ville qu'ils attaquèrent en vain; et mon sang a coulé tel jour, pour la patrie, la liberté, l'égalité ! »

Adresse aux Français.

› Votre Constitution repose sur les principes de la justice éternelle; une ligue de rois s'est formée pour la détruire : leurs bataillons s'avancent, ils sont nombreux, soumis à une discipline rigoureuse, et depuis long-temps excercés dans l'art de la guerre. Ne sentez-vous pas une noble ardeur enflammer votre courage! souffrirez-vous que des hordes étrangères se répandent comme un torrent destructeur sur vos campagnes! qu'elles désolent notre patrie par l'incendie et le meurtre! en un mot, qu'elles vous accablent de chaînes teintes du sang de ce que vous avez de plus cher !

Nos armées ne sont point encore portées au complet, une imprudente sécurité a modéré trop tôt les élans du patriotisme; les recrutemens ordonnés n'ont pas eu un succès aussi entier que vos représentans l'avaient espéré. Des troubles intérieurs augmentent la difficulté de notre position, nos ennemis se livrent à de folles espérances qui sont pour vous un outrage.

. Hatez-vous, citoyens! sauvez la liberté et vengez votre gloire. › L'assemblée nationale déclare que la patrie est en danger. › Cependant gardez-vous de croire que cette déclaration soit l'effet d'une terreur indigne d'elle et de vous; vous avez fait le serment de vivre libres ou de mourir. Elle sait que vous le tiendrez, et elle jure de vous en donner l'exemple; mais il ne s'agit pas de braver la mort, il faut vaincre : et vous le pouvez, si vous abjurez vos haines, si vous oubliez vos dissensions politiques, si vous vous ralliez tous à la cause commune, si vous surveillez avec une

infatigable activité les ennemis du dedans, si vous prévenez tous les désordres et les violences individuelles qui les font naître, si, assurant dans le royaume l'empire des lois, et répondant, par des mouvemens réglés, à la patrie qui vous appelle, vous volez sur les frontières et dans nos camps, avec le généreux enthousiasme de la liberté et le sentiment profond des devoirs des soldats-citoyens.

› Français! qui depuis quatre ans luttez contre le despotisme, nous vous avertissons de vos dangers, pour vous inviter aux efforts nécesaires pour les surmonter. Nous vous montrons le précipice; quelle gloire vous attend quand vous l'aurez franchi! Les nations vous contemplent; étonnez-les par le déploiement majestueux de vos forces et d'un grand caractère. Union! respect pour les lois! courage inébranlable, et bientôt la victoire couronnera de ses palmes l'autel de la liberté, et bientôt les peuples qu'on arme aujourd'hui contre votre Constitution ambitionneront de s'unir à vous par les liens d'une douce fraternité; et bientôt, consolidant par une paix glorieuse, les bases de votre gouvernement, vous recueil erez enfin tous les fruits de la révolution, et vous aurez préparé, par votre bonheur, celui de la postérité.]

Cette déclaration eut, sur l'opinion publique, les résultats que prévoyaient les hommes modérés, et que craignait la cour. En faisant appel au patriotisme, elle poussa à l'exaltation les sentimens révolutionnaires. Ainsi dans son numéro CLVII, Prudhomme disait :

L'assemblée nationale l'a enfin prononcée, cette formule terrible, ce signal du péril, cet appel au courage du peuple : Citoyens, la patrie est en danger. Or, que signifient ces mots? C'est de leur interprétation que dépend aujourd'hui le sort de la liberté française. S'il n'y avait en France ni journaux, ni lumières, ni opinion publique; si les Français vivaient isolés comme des sauvages ou entassés comme des barbares; si nos relations externes et notre position intérieure n'étaient pas aussi bien et souvent mieux connues des représentés que des représentans; enfin, si

l'assemblée nationale avait affaire à un peuple ignorant, stupide, imbécile, nous dirions que la déclaration du danger de la patrie n'est et ne peut être considérée que comme un avertissement solennel que la France est menacée par les puissances étrangères; que le roi de Prusse est à la tête d'une armée nombreuse; que les émigrés sont, dans ce moment, rangés en bataille ; que les tyrans subalternes de la Germanie ont tous pris part au concert des grandes puissances; que la Russie fait passer aux princes ligués une armée auxiliaire; que la Sardaigne est prête à se joindre à eux; que l'Espagne n'attend que le moment de faire une invasion par les Pyrénées; que La Fayette s'est lui-même désigné comme généralissime de toutes ces troupes; que Louis XVI favorise La Fayette et la ligue; que le plus implacable ennemi de la liberté, c'est la cour; que tous les jours, à chaque instant, on y ourdit des trames nouvelles; que Louis XVI y a établi un tribunal d'inquisition, où les patriotes sont interrogés, vexés, en présence des ambassadeurs étrangers; que le département de Paris est le premier instrument dont se sert la cour pour opprimer la liberté; que la majorité des autres directoires de département, que presque tous les administrateurs, presque tous les tribunaux de justice, presque toutes les autorités constituées sont formellement les complices de Louis XVI, d'Antoinette sa femme, du général rebelle, de la cour de Berlin et de la cour de Vienne; que Louis XVI accorde une protection éclatante aux séditieux, aux fanatiques, aux artisans de la guerre civile; que cet ennemi, déguisé sous le nom de roi constitutionnel des Français, nous a fait, lui seul, plus de mal que ne peuvent nous en faire tous les despotes et tous les oppresseurs de l'Europe; que les juges de paix de Paris sont devenus entre les mains du roi des instrumens de persécution; enfin, que par l'influence de la liste civile, par Tinjuste rigueur du pouvoir exécutif envers les amis de la révolution, par sa constante dissimulation de tous les outrages, de tous les attentats à cette même révolution, la France est tombée dans un état convulsif qui la précipite constamment vers la servitude ou l'anarchie.......

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