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transférât dans le Midi, afin de mettre la Loire entre eux et

l'assemblée....

M. Torné. De deux choses l'une...

On demande l'ordre du jour.

M. Carnot le jeune. Nous pouvons maintenant juger M. Torné et M. Marant. J'insiste donc pour qu'on passe à l'ordre du jour.,

L'assemblée passe à l'ordre du jour.]

SÉANCE DU 6 JUILLET.

Extrait de l'opinion de Condorcet sur les mesures générales propres à sauver la patrie des dangers imminens dont elle est menacée.

La liberté, l'égalité, sont les droits du peuple français : la Constitution a réglé la manière dont il doit les exercer; mais elle serait incomplète si elle n'avait donné aux représentans de la nation l'autorité suffisante pour défendre ces droits, quelle que soit la main qui ose les menacer ou les attaquer; si elle n'avait placé le pouvoir de la loi entre l'oppression et l'anarchie. Une loi irrévocable qui empêcherait d'agir lorsque l'action est évidement nécessaire, et qui ne laisserait à la volonté nationale aucun moyen de se manifester quand le salut public exige qu'elle prononce; une telle loi serait une absurdité, et une véritable tyrannie. Entendre dans ce sens les articles qui fixent les limites des pouvoirs constitutionnels, c'est donc calomnier la Constitution, et non la respecter.

Toutes les fois qu'une loi peut être équivoque, un principe consacré par le consentement universel, comme par la raison, ordonne de préférer le sens qui s'accorde le mieux avec l'ordre naturel des choses, ou les règles générales de la justice. Ainsi, dans l'application des lois criminelles, s'il y a doute sur la peine, on choisit la plus douce, non-seulement par humanité, mais parce qu'une peine ne peut être juste si elle n'est pas formellement prononcée. Ainsi, la clause équivoque d'un testament s'explique en faveur de l'héritier naturel. Mais ici l'ordre naturel est

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que la puissance nationale réside entre les mains des représentans élus du peuple. Toute limitation à leur pouvoir, toute exception doit donc être formellement exprimée par une loi à laquelle la volonté même du peuple les ait soumis. Les autres pouvoirs n'existent que parce qu'ils ont été créés par une loi antérieure, et en vertu de cette loi l'assemblée des représentans élus du peuple est un pouvoir, par cela seul qu'elle existe, que les citoyens ont librement conféré à ses membres le droit de les représenter.

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Ainsi les autres pouvoirs ne peuvent légitimement agir s'ils ne sont spécialement autorisés par une loi expresse; et l'assemblée des représentans du peuple, au contraire, peut faire tout ce qui ne lui est pas formellement défendu par la loi. Dans les cas douteux, s'il est nécessaire de prononcer, parce qu'il est nécessaire d'agir, c'est encore à elle seule que peut appartenir le droit d'interpréter la loi même qu'elle ne peut changer, à moins qu'une autre loi n'ait réglé le mode de cette interprétation. Autrement le peuple ne serait pas réellement représenté, et l'exercice de la souveraineté nationale pourrait être suspendu.

Je ne vous proposerai que des moyens conformes à la Constitution; mais je n'oublierai point qu'en promettant de la maintenir, j'ai dù la regarder comme un système de lois conservatrices des droits du peuple, et non commé un instrument remis entre les mains du pouvoir exécutif pour anéantir la liberté.

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Un système de corruption s'annonce d'une manière effrayante, et il sert également les ennemis de la patrie, soit en multipliant les instrumens dont ils peuvent se servir, soit en leur donnant le moyen d'inspirer d'injustes défiances contre ceux mêmes qu'ils ne pourraient séduire.

De nombreux conspirateurs vous investissent, et, depuis ceux qui, du haut des tours de Coblentz, rappellent à grands cris l'ancien despotisme, jusqu'à ceux qui, au mileu de Paris, arment contre vous leur zè'e hypocrite des noms sacrés de Constitution, de religion ou de liberté, tous s'accordent, lors mème qu'ils semblent se faire la guerre, parce que ces hommes n'aspi*r tra{ {

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rent point à l'honneur d'avoir une opinion, mais qu'ils obéissent à un intérêt unique celui d'anéantir le règne de la loi, pour y substituer l'empire de l'intrigue, et se le partager entre eux.

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Enfin, ces dangers en ont produit un nouveau non moins redoutable l'agitation générale des citoyens, fruit nécessaire de leur juste mécontentement et de leurs inquiétudes, qu'il est impossible de blâmer, puisque les hommes les plus éclairés comme les plus fermes, partagent ces inquiétudes; puisque vousmêmes les avez consacrées en quelque sorte, par l'établissement d'une commission extraordinaire; puisque le cri qui s'est élevé de la capitale a déjà retenti dans la France entière.

Et cependant une faction sème le trouble dans vos armées; et l'ennemi s'avance, moins dangereux encore par ses propres forces, que par les intrigues des factieux et la stupidité ou la connivence du ministère.

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Je vais parcourir ces divers objets, et présenter sur chacun les réflexions que le zèle pour la liberté et pour le maintien de la tranquillité publique a pu m'inspirer.

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Le licenciement de la ci-devant garde du roi n'est pas effectué, et l'on assure qu'il existe un acte de sa volonté particulière contraire à sa volonté constitutionelle, exprimée par la sanction; acte contre-signé par un individu sans caractère. Si cet acte existe, il est un crime; et je demande que le ministre de l'inté rieur soit mandé pour rendre compte de l'exécution de la loi, et de l'existence de l'ordre donné au nom du roi, et signé d'Hervilly.

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Vous avez rendu un décret dans l'intention d'arrêter les complots des conspirateurs fanatiques, d'appaiser les mouvemens excités par eux ou contre eux, de rétablir la tranquillité qu'ils ont troublée, et qu'ils menacent de troubler encore.

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Vous avez voulu qu'un camp de gardes nationales, placé entre Paris et les frontières, assu ật la tranquillité générale de l'empire, et fùt à la fois, et une ressource de plus contre les ennemis extérieurs, et une force contre laquelle tous les complots des conspirateurs viendraient se briser. Ces decrets n'ont pas

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été sanctionnés, et ce refus n'a pu être inspiré que par ce vil ramas de fanatiques et d'esclaves dont le roi des Français est encore entouré. Mais songez que si la noblesse, le clergé, le roi de Hongrie, la cabale de ce ministre sacrifié à votre juste indignation, les factieux de nos armées, tous vos ennemis, en un mot, ont des protecteurs jusque sur les marches du trône constitutionnel, celui qui l'occupe est seul inviolable aux yeux de la loi; qu'il n'existe absolument aucune autre exception, et que vous pouvez dissiper cette épaisse phalange qui s'est placée entre vous et lui, entre le trône et la vérité.

La Constitution ne permet pas de présenter deux fois le même décret à la sanction; mais vous pouvez y faire des changemens. Constans dans vos principes, fidèles à ce qu'exige le bonheur du peuple, soit que vous effaciez de vos décrets quelques taches qui auraient pu les déparer, soit que vous fassiez le sacrifice doulour eux de quelques sages dispositions, votre franchise ou votre prudence vous donneront un titre égal à la reconnaissance des citoyens. Présentez alors ces décrets une seconde fois ; s'ils sont refusés, montrez, par de nouveaux changemens et une condescendance nouvelle, que vous ne désespérez pas aisément de la chose publique; et croyez que dans cette lutte inégale entre les hommes éclairés, animés de l'amour de la patrie, et des ministres ineptes ou corrompus, l'opinion nationale, fortement, universellement prononcée, aura bientôt emporté la balance.

Votre commission extraordinaire doit vous présenter un nouveau projet de décret sur la répression des troubles religieux.

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Déjà le ministre de la guerre vous a proposé, au nom du roi, un rassemblement de gardes nationaux; mais vous vouliez que ce rassemblement fût prompt, et il en préfère un dont la lenteur, en exposant moins le ministre, équivaudrait presque à un refus absolu.

Vous vouliez que des gardes nationaux, appelés de toutes les parties de l'empire, vinssent, avant de se consacrer à sa défense, jurer sur l'autel de la patrie de vivre libres ou de mourir ; vous

aviez fixé l'époque du 14 juillet ; vous aviez voulu, par cette auguste et touchante cérémonie, allumer un nouvel enthousiasme dans les cœurs français; mais on a craint cet enthousiasme; on a craint qu'il n'en imposât à nos ennemis ; on a craint que nous n'aimassions trop la patrie et la liberté; le temps s'avançait, et l'exécution de ce vœu allait devenir impossible.

les

Puisqu'on a voulu que la confiance n'existat plus entre vous et

agens du pouvoir exécutif, une surveillance active et journalière devient le premier de vos devoirs; ordonnez donc aux ministres de rendre compte à vos comités, jour par jour, de tous les ordres qu'ils ont donnés, de ce qu'ils ont fait pour assurer l'exécution de la loi.

Il serait al surde, sans doute, d'exercer une telle surveillance sur des ministres qui auraient de justes droits à la confiance des citoyens ; mais elle est légitime, nécessaire même, à l'égard de ceux contre lesquels s'élèvent de légitimes motifs de défiance. Or, n'en est-ce pas un contre les membres actuels du conseil, que d'avoir consenti à remplacer, ou à ne pas imiter les miuis res que vous avez déclarés avoir emporté les regrets de la nation? Ne serait-ce point trahir la patrie que d'abandonner un seul instant à de telles mains le sort de l'empire?

Oublierons-nous qu'une négligence, une inaction de quelques jours, peuvent nous réduire aux plus cruelles extrémités ? Formé par le parti de cet ancien ministre qui voulait nous amener à une transaction honteuse, en laissant à nos ennemis le temps de rassembler leurs forces, en négligeant de préparer nos moyens de défense, qui nous répond que le ministre actuel n'a point embrassé le même système? Le retard de la formation d'un camp qu'il convient lui-même être nécessaire, n'a-t-il pas été jusqu'ici son unique opération? Quelles mesures a-t-il prises pour empêcher les troupes prussiennes, réunies aux émigrés, d'exécuter leur projet d'invasion (1) ? Pourquoi a-t-il mieux aimé Vous cacher ce projet, que de vous parler des moyens d'en ren

(1) On venait d'apprendre le même jour que la Prusse prenait des dispositions qui annonçaient qu'elle participait au projet d'envahir la France.

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