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La loi veut que, le 14 juillet de chaque année, les gardes pationales s'assemblent pour prêter le serment civique: ce que l'on a fait pour la liberté naissante, que ne le fait-on pas pour la perpétuer! Pourquoi ne sollicitez-vous pas de chaque canton cinq fédérés, vêtus et équipés, qui se réuniraient, au 14 juillet, à Paris, pour former ensuite un camp de vingt mille hommes au nord de la capitale.

⚫ La présence de ce camp assurerait la tranquillité dans les campagnes : au moment de la motion, vous pourrez faire marcher à l'armée les volontaires nationaux et les troupes de ligne qui sont à Paris et dans les environs; enfin, ce serait avec ces braves députés que nous viendrions jurer entre vos mains de défendre notre liberté jusqu'à la mort. (On applaudit.) Je prie l'assemblée de me permettre de lui soumettre en même temps le projet d'une lettre circulaire que je me propose d'envoyer aux corps administratifs, pour les inviter à interposer tous leurs efforts pour le rétablissement et le maintien de la discipline dans l'armée, et accélérer le complétement des bataillons de volontaires nationaux qui existent, et l'organisation de ceux qui ont été nouvellement créés. ».

Le ministre fait lecture de cette lettre qui reçoit de nombreux applaudissemens.

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M. Merlin. Je demande que l'assemblée décrète à l'instant cette fédération civique que le ministre de la guerre propose, et qu'elle renvoie au comité pour les détails. >

Cette proposition est renvoyée au comité militaire. - Berthelot, orateur d'une députation de la section de l'Observatoire, demande qu'il soit permis désormais aux citoyens de servir indistinctement à tous les postes, sous quelques vêtemens qu'ils s'y présentent. Une députation des forts de la halle est introduite. Elle remet l'adresse suivante, lue par un des secrétaires de l'assemblée.

Les forts pour la patrie, c'est-à-dire les forts de la halle, paraissent devant vous. Nos surnuméraires sont allés verser leur sang sur la frontière; ils combattent pour nous, travaillons pour

eux. (On applaudit.) Puisque le commerce a besoin ici de nos bras, puisque nous ne pouvons pas partager avec eux les fatigues et les dangers de la guerre, nous voulons contribuer à ses frais de nos facultés. Cette guerre ne ressemble pas aux autres. Ne serait-il donc pas à propos de porter à la tête de nos armées l'arche sainte de la loi, comme faisaient les Hébreux dans leur bon temps. Si cette idée obtient votre suffrage, sans doute que les aînés de la révolution, les forts de la halle, seront choisis pour porter sur leurs épaules ce fardeau sacré. ›

Chabot monte ensuite à la tribune. Il déclare qu'il va remplir l'engagement, par lui contracté, de prouver l'existence d'un comité autrichien. Il dénonce d'abord Duport pour avoir dit que la Constitution ne pouvait aller, et que les deux chambres lui paraissaient nécessaires. Il établit ensuite l'existence du comité autrichien par une série de faits.

Enlèvement du roi : Il rappelle le projet constant du départ du roi en 1791, renouvelé en février dernier; il cite à cet égard la lettre de Mausuy, capitaine de la garde nationale de Vatteville. Ségovie en avait prévenu le maire : Pierre Gives, marchand, avait fait à la municipalité de Mortagne la déclaration qu'un domestique, revenant de Coblentz, lui avait assuré que le projet des princes était d'avoir le roi de gré ou de force; qu'il y avait en France une compagnie d'hommes dévoués à cet effet : que s'ils ne pouvaient l'enlever, ils le poignarderaient, l'empoisonneraient, et en rejetteraient l'odieux sur les Jacobins ou l'assemblée nationale. Un soldat de la garde du roi écrivait au président de l'assemblée nationale, le 15 mai, que le plan d'évasion était si bien combiné, que, sans l'indiscrétion d'un des complices, qui le mettait à portée d'avertir, il serait infaillible.

Dissolution de l'assemblée nationale: On a su qu'un noble de Poitiers avait dit, en partant, qu'il venait se joindre aux trente mille qui devaient, sous un mois, égorger l'assemblée nationale et mettre le feu aux quatre coins de Paris. Des lettres d'Angleterre, des émigrés, et des principaux points de la république, ccordent sur l'existence de ce complot.

Garde du roi: Elle était un composé d'hommes gangrénés d'aristocratie; quelques-uns d'eux ont dit que, s'ils étaient réformés, on ferait sauter la salle de l'assemblée; il fait observer que le roi, par sa proclamation, a conservé les appointemens à son ancienne garde, et donné des logemens dans l'école militaire à ceux qui voudraient rester.

Rassemblemens de nobles et de prêtres à Paris : Des correspondances certaines portent à vingt mille le nombre des conjurés récemment arrivés à Paris.

Cocardes blanches, fabrication d'armes, espions: Il existe des faits positifs à cet égard; le juge de paix de la section de Bondy a découvert une commande de 6,000 armes blanches avec devise :

Vivre ou mourir pour le roi. Les députés sont habituellement espionnés et suivis. Nouveaux faits à l'appui des griefs posés par Brissot contre Montmorin.

Comité secret: Il en a été tenu plusieurs à Saint-Denis, SaintOuen, Auteuil, chez le prince Montbarry; Rivaldy, officier de l'empereur; de Nivernois, le ci-devant évêque de Larochefoucauld; Vienne, architecte, Daguesseau, etc.

Trahison: Une déclaration de Bedrunne, ancien officier du ci-devant comte d'Artois, porte, qu'allant à Bruxelles, chez les émigrés Villequier et Mme Brienne, il a entendu dire à celle-ci que « le roi avait un parti formidable à Paris, qui éclaterait dans peu ; que le roi de France et celui de Hongrie ne faisaient › qu'un avec plusieurs membres de l'assemblée nationale de › France; qu'il n'y avait que ces coquins de Jacobins qu'on ne › pouvait pas gagner, mais qu'on parviendrait à les réduire par › la force; qu'une grande partie des chefs de l'armée était pour > les défenseurs du roi. Une lettre d'un citoyen au service des émigrés, a, dans le temps, prévenu de plusieurs faits qui ont eu lieu ; et récemment encore, il vient d'avertir de la trahison de Narbonne, Delessart, Duport-Dutertre, Brissac, La Fayette et les généraux. (Rumeur, interruption.)

Lameth demande la censure de Chabot, comme ayant provoqué à la désobéissance aux généraux. Foisset veut qu'on l'envoie à

l'Abbaye pendant trois jours. Lacroix demande la continuation; si ce sont des calomnies, on en fera justice. Lacépède pense que le correspondant de Chabot est le plus fidèle serviteur des émigrés. Tarbé dit qu'il ne voit pas la France dans les intrigans de Paris. Dubayet observe que la noblesse émigrée exècre La Fayette.

Chabot demande des commissaires pour le triage des pièces qu'il pourra lire. Dumas s'y oppose, afin que l'on connaisse à ⚫ quoi se réduisent toutes ces conspirations, dont on nous berce ⚫ depuis si long-temps ». Lemontey est de cet avis, pour savoir ce qu'on doit ordonner relativement à Chabot.

Ribès dénonce d'Orléans, Dumourier, Bonne-Carrère, comme les vrais membres du comité autrichien. Ruhl demande qu'il fasse sa dénonciation en forme. Lacroix s'écrie qu'on ne doit pas inculper sans preuves des fonctionnaires qui jouissent de la confiance de la nation.

Chabot reprend et dénonce un imprimé des députés du Tarn, Gaufferand, d'Esperon, Sancère, Coubé, Larroque-Labécède et Leroy-de-Flagis, qu'il qualifie d'héritiers du côté droit de l'assemblée constituante; ils y traitent l'assemblée législative de corps de 750 tyrans, sans expérience, et disent que s'il faut choisir entre la tyrannie d'un seul et celle de plusieurs, le système est résolu en faveur de la royauté absolue. Il compare cet écrit aux protestations qui ont eu lieu sous l'assemblée constituante, et provoque la sévérité de l'assemblée. (Murmures, violente agitation.) Jaucourt lui reproche de chercher à provoquer le peuple contre une partie de l'assemblée. Chabot dénonce ensuite les conférences secrètes de Vaublanc et Chéron avec le juge de paix Larivière, et il propose le désarmement des citoyens qui n'auront pas prêté le serment, la déclaration de Paris en état de guerre, et un rapport sur les chefs de la conspiration.

On demande que Chabot soit envoyé à l'Abbaye. Vergniaud se plaint de ces dénonciations hasardées, qui peuvent désorganiser l'armée, l'assemblée nationale et le ministère; il improuve également Chabot et Ribes. Emmery veut qu'on fasse mention au

procès-verbal du mouvement d'indignation au sujet des doutes élevés sur la conduite de La Fayette. Guadet fait adopter le renvoi des pièces au comité, à l'exception de celles relatives aux généraux et autres officiers de l'armée. Hébert renouvelle la motion d'envoi de Chabot à l'Abbaye. ( Ordre du jour.)

Ribes dénonce le véritable comité autrichien, suivant lui, la faction d'Orléans, qui a formé l'horrible complot de massacrer le roi, sa famille et tous ceux qui veulent la Constitution, et qui a favorisé l'indépendance des colonies, pour se ménager une amnistie. Il cite en preuve les voyages de d'Orléans et Talleyrand à Londres: Dumourier est chargé de la partie de l'argent ; il a tiré 1,200,000 liv. qui serviront jusqu'à l'arrivée des fonds de l'emprunt fait à Bruxelles par Larchier. De-là ces écrits qui appellent le roi M. veto; la reine, tigresse; les gardes nationales, les assassins du Champ-de-Mars. . . . Il accuse Pétion d'être du complot, et conclut à l'acte d'accusation contre d'Orléans, Dumourier et Bonne-Carrère. Verron veut qu'on déclare que l'opinion de Ribes est le résultat d'une imagination en délire. Gossuin dit qu'il est fou. Aréna et Guadet font passer à l'ordre du jour.

Séance des Jacobins.- La dénonciation de Ribes donna lieu, le soir même aux Jacobins, à une discussion dont c'est ici la place.

Sillery se livra à une longue apologie du duc d'Orléans; il rappela sa conduite, depuis le moment où il fut envoyé en exil jusqu'à celui où il venait de prendre les armes pour la défense de la liberté. Il déclara que ce prince avait toujours soutenu les droits du peuple, et qu'il s'était toujours trouvé en butte aux persécutions de la cour, combinées avec les manoeuvres de La Fayette, si évidemment acharné à le perdre. Quelques personnes demandèrent l'impression de ce discours.

M. Legendre. Il est étonnant que lorsque la patrie est en danger, on vienne nous occuper d'un individu. » ( Il s'élève de nombreux murmures. On arrête que Legendre ne sera pas entendu.)

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