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l'égalité, si ce n'est dans l'honneur de servir la cause commune de la liberté? (On applaudit.) La réquisition d'une fédération de 20,000 gardes nationaux était donc la mesure de précaution la plus sage pour nous assurer de la prompte réunion des forces nécessaires pour le salut de l'empire. Il eût été ridicule qu'en cas d'insuffisance de nos armées de première ligne, la garde nationale de Paris volât seule sur les frontières; que seule elle se répandit par détachemens dans les différens départemens où la tranquillité publique serait compromise ; il eût été ridicule enfin, que seule, elle formât ce corps de réserve, cette seconde ligne destinée à arrêter les progrès des ennemis extérieurs, en même temps qu'à réprimer les manoeuvres de ceux du dedans. (La salle retentit de nouveaux applaudissemens presque unanimes.)

Je ne m'étendrai pas davantage pour réfuter les calomnies atroces débitées et contre l'assemblée nationale, et contre les patriotes des départemens, et contre la garde nationale de Paris elle-même, qui sera sans doute indignée de la démarche qu'on ose faire en son nom. (On applaudit.) Mais comme il importe à la sûreté publique et à l'honneur de la garde nationale que les auteurs de ces manœuvres soient découverts, je demande que la pétition qui vient d'être lue soit renvoyée aux comités de surveillance et de législation réunis, et je voudrais que le décret fût motivé à peu près ainsi :

L'Assemblée nationale, pleine de confiance dans la garde nationale parisienne, et considérant que ce ne peut être que par des. manœuvres criminelles et par des instigations secrètes, qu'on a tenté d'égarer l'opinion de quelques individus de cette garde, renvoie la pétition aux comités de législation et de surveillance, pour en être fait incessamment rapport. Je demande en outre que le pétitionnaire ne soit point admis aux honneurs de la séance. (On applaudit.) Vous ne les avez jamais accordés aux dénonciateurs. (Plusieurs voix : Ni aux calomniateurs.)

M. Dumoslard. Je demande à combattre cette étrange proposition. (Il s'élève des murmures.-On demande que la discussion soit fermée.)

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N..... Je demande la parole pour un fait. M'étant trouvé hier au Palais-Royal, dans une maison où étaient trois ou quatre personnes qui me serviront de témoins, j'ai entendu un propos qui explique assez bien la perfidie qu'on vient de manifester dans la pétition lue à la barre, et qui prouve que si l'on ne peut révoquer en doute la pureté des sentimens de la très-grande majorité de la garde nationale, au moins est-on autorisé à croire qu'elle renferme dans son sein un grand nombre de malveillans. Un officier de cette garde nationale se présenta avec un air audacieux, et dit, en propres termes: Ne nous parlez pas des 20,000 brigands qui doivent arriver à Paris; la garde nationale suffit pour dissoudre ce corps, et nous les attendons à coups de fusil. Vous voyez qu'il n'y a pas de machinations infâmes que l'on n'emploie pour égarer la garde nationale et l'indisposer contre les patriotes des départemens.

M. Gareau. Je demande à énoncer un autre fait, c'est que celui des pétitionnaires qui a porté la parole est M. Joseph Vasselin, l'un des auteurs du Journal de Paris, et secrétaire de M. Duport-Dutertre.

M. Brival. Deux députés suppléans qui ont assisté au propos, dont l'ante-préopinant vient de vous rendre compte, viennent de m'assurer qu'il a été tenu par M. Vasselin. Ce fait donne, je crois, le mot de l'énigme.

M. Dumoslard. Il faut d'abord fixer l'attention de l'Assemblée · sur le véritable objet de la question. Ce n'est pas le mérite intrinsèque de la pétition que vous avez à juger; et moi aussi, j'appelle vos regards sur les manœuvres de toute espèce qui nous environnent, et moi aussi, j'appelle votre vengeance, celle de la loi sur tous les agitateurs du peuple, (on applaudit), sur tous les calomniateurs, sur tous les factieux ; et moi aussi, je demande le renvoi de cette pétition aux comités de législation et de surveillance, ainsi, jusqu'à présent je suis d'accord avec les préopinans: mais l'on vous propose de refuser aux pétitionnaires les honneurs de la séance.... (Plusieurs voix : Oui, oui, de les chasser.)

M. Charlier. L'Assemblée nationale a le droit d'exercer une

police correctionnelle sur les personnes qui ont l'audace de venir l'outrager dans le lieu même de ses séances; je demande donc que les pétitionnaires soient, non pas chassés, mais mis en état d'arrestation. (Plusieurs membres de l'Assemblée et les tribunes applaudissent. )

M. Dumoslard. Je m'interroge pour deviner les motifs d'une pareille décision, je n'en vois aucun. Cette pétition demandet-elle la révocation de votre décret. Je veux bien le supposer un instant, mais je demande s'il n'est pas permis à des citoyens libres de demander à l'Assemblée nationale, par forme de pétition, la révocation de ses décrets, Nous devons tous une obéissance absolue à la loi. La mort, voilà le partage de ceux qui oseraient la braver; mais dans un état libre, autant l'obéissance aux lois est un devoir sacré pour tous les citoyens, autant il est libre à chacun de les improuver fortement. Ce n'est donc pas parce que les pétitionnaires vous auraient demandé la révocation d'un décret et surtout d'un décret non encore sanctionné, que vous pourriez leur refuser l'admission à la séance. La leur refuseriezvous parce qu'ils ont attaqué le ministre de la guerre? Je suis loin de douter du patriotisme et du zèle de M. Servan, et je me plais à lui rendre hommage; mais depuis quand donc les ministres sont-ils devenus des arches d'alliance auxquelles on ne puisse toucher sans être frappé de mort? (Une partie de l'assemblée applaudit.) Cette pétition est individuelle et dans les formes prescrites par la Constitution. Vous examinerez, si vous voulez, les ressorts qui ont fait agir les pétitionnaires, et s'il existe un crime, je serai le premier à demander la punition du coupable. Mais je me fais un devoir aussi de vous rappeler les décisions que vous avez portées vous-mêmes. Vous avez regardé les honneurs de la séance comme un droit que vous ne pouvez refuser aux citoyens. (Il s'élève quelques murmures. (Je terminerai par un seul mot, par une seule réflexion. Vous avez accordé les honneurs de la séance aux soldats de Château-Vieux; ne me forcez pas de pousser plus loin ce rapprochement.

M. Cambon. Je vais vous lire une adresse de la section du

Louvre, qui vous annonce que l'assemblée générale de cette section a improuvé et rejeté à l'unanimité le projet de pétition mis à l'ordre par l'état-major de la garde nationale.

M. Cambon fait lecture d'un procès-verbal du Comité de la même section, qui contient des détails très-circonstanciés sur les intrigues employées par plusieurs personnes, parmi lesquelles on dénonce des membres de l'état-major de la garde nationale, pour capter des signatures.

M. Marbot. Je demande qu'il soit enjoint au pétitionnaire de sortir à l'instant de l'Assemblée, il vient de se permettre des gestes menaçans contre plusieurs membres, et l'on ne peut plus tolérer cet excès d'insolence.

M. Quinette. Lors de la malheureuse affaire de M. Dillon, deux fois les citoyens pétitionnaires se trouvèrent dans le même cas que ceux-ci; comme leur langage annonçait l'expression de la calomnie, ils furent renvoyés sans être entendus. Celui-ci a calomnié l'Assemblée nationale, le ministre, les gardes nationales du royaume. Je demande que les huissiers aient ordre de le faire sortir à l'instant. (On applaudit.)

Quelques membres d'une des extrémités de la salle élèvent encore des réclamations en faveur des pétitionnaires, et insistent, sans cependant motiver leur demande, pour qu'ils soient admis à la séance.

L'Assemblée décide, à une très-grande majorité, que son président leur enjoindra de se retirer à l'instant.

Les huissiers font exécuter le décret.

M. Vergniaud fait une seconde lecture du considérant de son projet de décret.

M. Dumas. Je demande la question préalable sur le considérant, parce qu'il me paraît attentatoire à la liberté des citoyens, destructif du droit de pétition et calomnieux; il présuppose des manoeuvres et des instigations coupables. (On applaudit. - Des cris: Oui, oui, s'élèvent de différentes parties de la salle.) Il tend à faire croire à des actes répréhensibles et même criminels.... (Les mêmes voix : Oui, c'est vrai.) Là où tout homme

libre, là où tout citoyen qui veut le bien de son pays ne peut voir que l'exercice et non pas l'abus du droit sacré de pétition; ce considérant ferait croire que la pétition est faite dans d'autres motifs que celui qu'inspire le sentiment généreux de la résistance à l'oppression. (Il s'élève un violent murmure.-Plusieurs membres somment M. Dumas de s'expliquer.) Je demande que l'Assemblée renvoie purement et simplement au comité, et qu'elle ne préjuge pas ce qui doit résulter de leur examen, et je crois qu'elle y verra une question constitutionnelle à juger, et non pas des passions à agiter.

Plusieurs membres appuient la proposition de M. Dumas, en demandant à grands cris la question préalable.

M. Charlier. Quoi done! prétendra-t-on que les pétitionnaires n'ont pas insulté les gardes nationaux des départemens, lorsqu'ils les ont représentés comme des brigands, dont le rassemblement compromettrait la tranquillité publique et la sûreté de la capitale; ce sont leurs expressions. (Un mouvement d'indignation presque général se manifeste dans l'Assemblée.-On entend plusieurs membres s'écrier simultanément; Nos concitoyens des départemens ne sont-ils pas aussi patriotes que ceux de Paris?)

N.... Il n'est pas de département dont les gardes nationales n'aient contribué, par les services les plus signalés, à l'affermissement de la liberté.

M. Delmas. Je demande qu' après ces mots : « l'Assemblée. pleine de confiance en la garde nationale parisienne, on mette : ‹ et, jalouse de venger l'injure qui a été faite aux gardes nationales des quatre-vingt-deux autres départemens.» (On applaudit.)

Un grand nombre de membres des extrémités de la salle s'opposent à grands cris à l'amendement de M. Delmas.-On remarque au milieu du mouvement tumultuaire de cette opposition, les gestes et les cris de MM. Boulanger, Calvet, Chéron. — Plusieurs membres demandent qu'ils soient rappelés à l'ordre. d'autres se lèvent pour adopter par acclamation l'addition proposée par M. Delmas.

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