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TABLEAU DES OPÉRATIONS ET DES DISPOSITIONS MILITAIRES.

La Fayette, avec un corps de dix-huit mille hommes, occupait, sous Maubeuge, un camp destiné à contenir l'ennemi dans cette partie des frontières. Son avant-garde, placée à Grivel, fut attaquée et se replia. Cette affaire, où Gouvion fut tué, eut lieu le 13 juin. (Voir plus haut.)

L'armée de Luckner avait marché, le 11, de Saint-Amand à Orchies; le 15, elle occupa le camp de Magdeleine, près de Lille, et le 17 elle entra sans résistance dans Menin. Le 18, Luckner écrit au ministre de la guerre : « J'ai laissé hier mon avant-garde et ma réserve à Menin; ce matin, j'ai fait partir de Warvik mon corps d'armée, qui a été renforcé par le corps de cinq mille hommes venant de Dunkerque. Mon avant-garde s'est avancée vers Courtrai; je compte demain faire un grand mouvement vers ce point; l'ennemi est en force dans ce camp. L'armée a montré jusqu'à présent de bonnes dispositions. ›

Le même jour Courtrai fut attaqué par l'avant-garde. Huit à dix mille hommes occupaient une redoute qui fut emportée par les généraux Valence et Jarry, et l'armée éntra dans la ville. Cette nouvelle arrriva pendant la séance du 20 juin.

Nous donnons ci-contre l'ordre de bataille de l'armée du Nord, an 25 juin.

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JUILLET 1792.

MINISTRES.

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Duranton, ministre de la justice, donna sa démission le 3.- Dejoly le remplace le 4. - Le 10, le ministère donne sa démission en masse. Le 21, Champion est nommé ministre de l'intérieur, et Dubouchage, de la marine. Le 23, Dabaucourt est ministre de la guerre. Le 50, Leroux-de-laVille est ministre des contributions publiques.

Le 1er août Bigot Sainte-Croix est nommé ministre des affaires étrangères.

Coup d'œil sur les événemens du mois.

Nous n'aurons encore à observer qu'une continuité; mais nous apercevrons qu'elle va être rompue, et que le noeud d'une légalité impuissante va céder à quelqu'une de ces grandes émotions populaires, à quelqu'une de ces crises passionnées et désespérées qui brisent avec le passé, et sauvent l'avenir.

En juillet, les formes constitutionnelles sont encore respectées; mais on voit qu'elles ne peuvent rien pour le salut de la nation; leur lenteur, leur mollesse, leur stérilité, ne répondent nullement aux exigences rapides et multipliées du moment solennel qui s'approche, cù un peuple, sans armes et sans armée, sans généraux, sans direction certaine, sans foi dans des chefs traîtres ou inintelligens, va subir le jugement de Dieu et soutenir contre l'Europe armée et l'insurrection intérieure, le germe de la civilisation future du monde. Les événemens se pressent; les obstacles s'accumulent; toutes les forces hostiles du dehors et du dedans se massent et se dressent à la fois contre l'esprit révolutionnaire; les désertions et les échecs se multiplient; et toutes ces choses arrivent à l'improviste et comme pour accabler la France dans le sein de la fausse sécurité où le pouvoir l'endormait. Alors, elle n'a plus le temps de suffire à ses ennemis ; c'est miracle qu'elle puisse échapper à leurs coups; mais, à ce mo

ment, comme un homme attaqué en guet-apens par mille assaillans à la fois, nous la verrons frapper en désespérée, et frapper sans cesse jusqu'à ce que tout se taise autour d'elle, jusqu'à ce que le silence succède aux cris, l'obéissance à la rébellion, la terreur aux menaces.

Il suffit de se rappeler ce que nous avons raconté précédemment, pour savoir qu'au commencement de ce mois, partout on conspire contre les sentimens et les volontés nationales.

Pendant que la noblesse s'assemble et forme un corps d'armée sur les terres de l'empire, pendant qu'elle organise des insurrections à l'intérieur ainsi que nous verrons celle de Jalès, les prêtres réfractaires travaillent l'esprit de leurs fidèles. Par l'ordre du pontife romain, les conservateurs de la morale de fraternité étaient devenus les défenseurs de l'ancien régime et les prédicateurs de l'inégalité; et déjà leurs efforts provoquaient dans les départemens de l'ouest et du midi, une hostilité sourde mais redoutable.

Certes, aux yeux de l'observateur de sang-froid, aux yeux d'un observateur de nos jours, les efforts de la noblesse et du clergé paraissent plutôt dignes de pitié que de colère. On n'aperçoit, aujourd'hui, que leur faiblesse et leur insuffisance visà-vis des grandes passions qu'ils prétendaient dompter. Mais, en 1792, on mesurait le danger de leurs tentatives à la crainte qu'elles inspiraient, et à la difficulté que l'on avait eue, pour ne point succomber à leurs prétentions dans les trois années précédentes. Jamais on ne peut avoir pitié que de la faiblesse, pardonner qu'après la victoire, Or, pour connaître la faiblesse de ses adversaires, il fallait que la France les eût combattus.

En outre, alors que la guerre étrangère était commencée, que l'on entrait en lutte avec les armées aguerries de l'Autriche, déjà fameuses par leurs victoires en Orient; alors que l'on apprenait la venue de ces troupes prussiennes, disciplinées par le grand Frédéric, le héros des Encyclopédistes; alors que la Russie armait, que toute l'Europe continentale se coalisait, et que, de tous côtés, on voyait des frontières ennemies et des fronts menaçans;

T. XV.

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alors, on sentait le besoin de se serrer, et de s'unir dans un même et énergique effort. Chaque tentative hostile d'un fils de la France, chaque démarche de la noblesse, chaque prédication du clergé, ôtait un soldat à la cause de la patrie; aussi tout acte d'opposition était un attentat à la nationalité et soulevait le peuple d'indignation; car c'était une question de vie et de mort qui allait se débattre.

Et sous quels auspices fâcheux commençait cette guerre hasardeuse?

Louis XVI, par ses actes, par des tentatives et des plaintes publiques, n'avait cessé de témoigner de ses pensées contre-révolutionnaires; Louis XVI était un roi prisonnier, qui voulait être libre pour agir en roi. Or, au dire des princes coalisés et des émigrés, tout ce rassemblement militaire qui se formait sur les frontières n'avait qu'un but, c'était de lui rendre sa puissance et sa dignité détruites et tant regrettées. Pouvait-on croire que le roi qui, maintes fois avait tenté en secret ce que les étrangers se proposaient hautement, vît leurs projets avec colère? Les ennemis de la France n'étaient-ils pas en réalité ses alliés? Et cependant, par la volonté de la Constitution, c'était ce prince qui nommait les ministres et gouvernait l'administration de la guerre.

Ces rapprochemens ne pouvaient échapper aux patriotes. Il leur semblait en effet impossible de soutenir le poids de la coalition, en conservant pour chef des armées de terre et de mer, un roi qui désirait leur défaite, et pour confident de leurs projets de campagne, un roi qui correspondait avec les ennemis.

La position était devenue telle qu'il n'y avait pas de milieu raisonnable entre les partisans de la monarchie absolue et ses adversaires. Les défenseurs de la monarchie constitutionnelle ne pouvaient plus être considérés que comme des fous indignes d'attention, ou des traîtres. Ainsi fut-il en effet; et nous savons, aujourd'hui, que nulle des accusations des patriotes, que nulle des inspirations du sentiment national n'étaient fausses; le roi

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