Page images
PDF
EPUB

permettrait que je joignisse la nouvelle expression de mes regrets et de mes vœux à l'hommage de mon profond respect.

• Signé LA FAYEtte. »

De violens murmurent accueillirent cette lecture. Je m'étonne, s'écria Isnard, que l'assemblée n'ait pas envoyé de sa barre à Orléans ce soldat factieux. >

CLUB DES JACOBINS.

Les présidens du club, en mai et en juin, furent MM. Lecointre, Merlin, Chabot et Hérault-Séchelles.

Séance du 1er juin. — Chépy fils, de retour d'une mission diplomatique, fait part à la société de l'état de l'armée. - Demerix, vivandier dans l'armée de La Fayette, et caporal renvoyé du 45° régiment, expose les abus et les négligences qui, dans cette armée, tendent à affaiblir l'énergie de la discipline militaire : « On y tolère les jeux de hasard, les femmes de mauvaise vie, et les parties de boisson à des heures indues. >- Réal invite les membres de la société qui ont des fonds à placer à les hypothéquer sur le terrain des Jacobins. Guirault, acquéreur de ce local, n'a pu, dans le temps prescrit, remplir ses engagemens, et le procureur-syndic, Roederer, vient d'écrire au procureur de la commune qu'il eût à mettre ce bien national à la folle enchère : il n'y a donc pas de temps à perdre pour ôter des mains ministérielles ce moyen de dissolution de la société. Déjà 700,000 f. ont été fournis. (Journal du Club, n. CCVI.)

3 juin.-Lacroix lit un discours sur la cause des maux présens de l'empire et sur les moyens d'y remédier. Il voudrait, 1o le renouvellement des corps électoraux; 2° l'isolement de l'autrichienne, la destitution de tous les généraux suspects, et une levée de cent cinquante bataillons de mille hommes chacun ; 3° la vente des biens des émigrés, l'établissement d'une contribution progressive sur les riches, et la fonte de toutes les cloches; 4o la formation d'un conseil militaire près des armées pour concerter

le plan de campagne; les généraux n'auraient plus qu'à le faire réussir. — La plupart de ces propositions sont combattues par Chabot. (Journal du Club, n. CCVII.)

4 juin. Discussion relative à ce qui s'est passé à l'assemblée nationale au sujet du comité autrichien et de la faction d'Orléans.

Un citoyen du faubourg Saint-Antoine. « Je suis un homme qui, quoiqu'en veste, trouverait sur-le-champ dix-huit cents hommes; j'ai demandé la parole pour répondre au nom de ceux qui ont été insultés par des personnes qui ont pu croire qu'à l'assemblée nationale les tribunes ne se fussent pas renfermées dans les bornes du respect qui lui est dû, sans des gens apostés, et pour dire à M. Louvet qui semble croire à de tels soupçons, que nous savons nous contenir nous-mêmes; car j'étais aussi dans les tribunes, moi; j'observais, et j'avais passé la nuit à examiner tout ce qui se passait; je passerai encore tout le temps nécessaire à déjouer nos ennemis. - Dimanche je dois présenter moi-même une pétition à l'assemblée nationale; et si je ne trouve aucun membre de cette société qui veuille m'accompagner, je lirai moi-même ma pétition : je veux faire sentir à l'assemblée nationale toute la faiblesse qu'elle a laissé percer à l'égard de M. Ribes, et nous verrons si c'est le crime qui ose nous insulter.

› Je vous dirai, messieurs, que vous vous occupez trop de personnalités. Toujours l'on vous voit agités pour des querelles particulières, pour des débats d'amour-propre, tandis que la patrie devrait appeler tous vos soins. Des Jacobins doivent-ils s'abaisser à jouer le rôle de lutteurs? Car si nous sommes sans culottes, nous ne sommes pas sans sentimens ; et s'il y avait seulement quarante citoyens de ma trempe, je ne doute pas qu'il n'y eût plus de vigueur parmi les patriotes. Je n'ai pas de génie, mais je suis un homme qui saisirait une question mieux peutêtre que qui que ce soit. M. Guadet m'a paru pitoyable : il aurait mieux fait de ne pas sortir de sa place que de venir nous énoncer une opinion insignifiante sur l'écart scandaleux de M. Ribes. L'on n'a mis des citoyens armés dans les tribunes que pour empêcher le peuple de témoigner sa juste indignation; car

tandis qu'on comprimait ainsi l'énergie de ses sentimens, des fayettistes étaient au-dessus du président. - Enfin je dirai, d'après J.-J. Rousseau : la souveraineté du peuple est inaliénable. Tandis que ses représentans feront leur devoir, nous les soutiendrons; mais s'ils y manquent, nous verrons ce que nous avons à faire; car et moi aussi je suis membre du souverain. › (Applaudissemens très-vifs.) (Journal du club, n. CCVIII.)

6 juin. - M. Tallien. « Vous avez tous appris que M. Aubert, vicaire de la paroisse de Sainte-Marguerite, a pris femme. Il est maintenant poursuivi à cause de ce fait, et dénoncé au conseil de l'évêque. Bientôt peut-être il sera condamné. › — Une députation du faubourg Saint-Antoine insiste pour la cinquième fois sur la nécessité de s'occuper de l'instruction du peuple. Elle s'étonne que la société n'envoie pas quelques-uns de ses membres communiquer ses lumières à ses frères du faubourg SaintAntoine. (Journal du Club, n. CCIX.)

7 juin. Les débats de cette séance extraordinaire roulent sur le camp de vingt mille hommes et sur les processions. Ils n'offrent aucun détail intéressant. Manuel, vice-président, occupait le fauteuil ; il fit la communication suivante :

M. le président. Comme procureur de la commune, je suis chargé d'un devoir bien pénible, de poursuivre le citoyen qui a fait l'acquisition de ce terrain. Craignez de le voir tomber entre les mains de vos ennemis. J'invite donc tout les bons citoyens à faire un effort pour seconder de tous leur pouvoir celui qui s'est sacrifié pour le bien de votre société. › (Journal du club, n. CCIX.)

11 juin. - M. Lacroix lit deux lettres qui renferment des faits très-importans sur la situation de la ville de Strasbourg.

M. Laveaux. (C'était un journaliste jacobin mis en prison à Strasbourg pour avoir dénoncé la municipalité. A peine délivré, il était accouru à Paris; il y arriva le 10 juin.) Vous voyez, messieurs, combien le péril presse; les Feuillans triomphent; le maire (Diétrich) est un scélérat; il n'y a pas un moment à per

dre. Dans les cas urgens il faut des remèdes violens. L'empire n'est pas à Paris, il est aux frontières; que ferez-vous, en effet, si elles restent abandonnées? Vous dormez à Paris, l'assemblée nationale dort. (Applaudissemens redoublés.) Il est un fait, c'est que le salut de l'empire est en Alsace; et tout est perdu si elle est ouverte à l'ennemi. Pour échapper aux dangers qui nous menacent, je ne vois qu'un moyen, c'est de faire une pétition chargée d'une foule de signatures, où l'on dira à l'assemblée nationale: voulez-vous que nous soyons libres, oui ou non ? C'est encore d'aller demander à Louis XVI s'il veut sauver l'état. (Murmures.) Vous murmurez! hé bien! je veux que vous ne lui demandiez rien. Je propose de lui dire : Veux-tu faire ton devoir? si tu ne le veux pas faire, dépose ta couronne. Voilà le parti que vous avez à prendre; sinon, courbez la tête sous vos anciens tyrans. ›

Le prince de Hesse donne des détails sur l'état militaire de Strasbourg. Il dit que les villes d'Alsace sont dénuées de tout; que les rapports de Narbonne sont faux. Strasbourg n'a pour sa défense que 4,510 hommes; il termine en disant :

Je demande qu'on me confie le salut de l'empire du côté du Rhin. A Strasbourg, je ferais porter mon cercueil sur les remparts; et là, chaque jour, il me dicterait mes devoirs. (Applaudissemens.) — A la suite d'une discussion à laquelle prennent part Réal, Lasource et Dufourny, Fabre d'Églantine propose que Laveaux et les autres victimes des persécutions de Dietrich et de Victor Broglie, demandent par une pétition, que ces contre-révolutionnaires soient mandés à la barre de l'assemblée nationale. - Adopté. (Journal du club, no CCXI.)

13 juin. Discussion sur le renvoi des ministres.

[ocr errors]

M. Robespierre. Ce n'est pas d'aujourd'hui que la liberté est en danger. Elle le fut la première fois que la Constitution fut attaquée par ses propres fondateurs ; la première fois que la déclaration des droits, base de notre Constitution, fut violée; la première fois qu'un député composa avec les principes; la première fois qu'au Champ-de-Mars le sang des citoyens fut ré

pandu; la première fois que de grands coupables échappèrent à la vengeance des lois. Car c'est le signe de l'esclavage que d'être indulgent pour les grands et inexorable pour les faibles. La liberté fut en danger, la première fois qu'elle s'abaissa devant des généraux ou des ministres; lorsque, pendant plus de deux ans, on souffrit que des hypocrites dangereux conspirassent contre les lois; lorsqu'on leur permit d'attenter à la liberté individuelle. Elle fut en danger, toutes les fois, qu'oubliant les grands principes, l'assemblée se dégrada jusqu'à défendre les ministres. La nation existe, l'assemblée nationale existe. Il ne m'appartient pas de parler de la nation, lorsque nous avons encore une assemblée représentative; il n'appartient pas aux députés qui la composent de venir provoquer l'indignation de la société. Qu'ils fasent leur devoir, et nous n'aurons rien à craindre.

› Je place ma confiance dans ceux qui assistent à cette séance. Il dépend d'eux de nous donner la liberté. Mais, avant tout, il faut que je fasse ma profession de foi sur l'événement qui nous occupe. Il faut, puisqu'on m'en a imposé la loi, que je m'explique.

› Je déclare que le seul ministre que j'ai loué est M. Servan. Cependant je n'en ai pas moins combattu la mesure qu'il a proposée. C'est que l'on ne doit jamais juger de la bonté d'une mesure par le patriotisme de son auteur. Après avoir vu les coups mortels portés à la liberté par un petit nombre de citoyens parvenus à former une espèce de corporation au milieu de l'état, je craignais une armée imbue du même esprit et éloignée des frontières. Telles étaient mes craintes. Et cependant je n'en ai pas moins conclu que le ministre avait été trompé ; je n'en dis pas moins que cette mesure était mauvaise. Il n'a pas pu en disconvenir lui-même; la preuve m'en est venue par deux patriotes qui connaissent M. Servan.

› Peu m'importe que l'état major de la garde nationale ait repoussé ce projet. Il peut se faire que la cour ait ses raisons de le trouver dangereux ; et moi, je puis avoir aussi mes motifs pour le combattre. Il peut bien se faire que de deux partis opposés, il n'y en ait pas un seul conforme à l'intérêt public; il peut se faire

« PreviousContinue »