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et 6 octobre de la même année, lorsque retenant les vengeances populaires, elle à fait retomber sur nos ennemis les malheurs dont ils voulaient nous accabler? (Il s'élève des applaudissemens.) En a-t-elle demandé, lorsqu'elle s'est dispersée dans les départemens circonvoisins, pour assurer la libre circulation des subsistances, maintenir la police dans les marchés, et ramener la confiance dans le sein de la capitale? (On applaudit.) En a-t-ellé demandé enfin, lorsque tout récemment elle a purgé Paris et quelques départemens des brigands qui les infestaient, et par son courage inflexible étouffé dans leur naissance les brandons de la guerre civile prête à éclater dans divers lieux?

› Mais qu'a-t-elle besoin de vanter son patriotisme, et de rappeler des services que le ministre seul cherche à dissimuler? Ce n'est pas seulement dans la cœur de tous les Français qu'il faut chercher le jugement de sa conduite, il est écrit dans la Constitution: ou les citoyens qu'il vous a proposé de rassembler sous les murs de Paris ne sont pas des troupes de ligne, ou ils ne sont que de simples gardes nationales, et alors le ministre est condamné par l'article III du titre IV de la Constitution, qui porte expressément : que les gardes nationales ne forment ni un corps militaire, ni une institution dans l'état ; que ce sont les citoyens eux-mêmes appelés au service de la force publique.

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› La proposition de leur réunion ne peut regarder que le ministre de l'intérieur: en conséquence, le ministre de la guerre n'a pas dû prendre l'initiative sur un décret aussi étranger à son département. (Il s'élève des murmures et quelques éclats de rire. Plusieurs membres demandent à relever les suppositions fausses et calomnieuses de cette adresse. M. le président observe qu'ils ne peuvent prendre la parole qu'après que le pétitionnaire aura terminé.) Le titre III de la Constitution, chapitre III, section IV, article X, n'accorde l'initiative aux ministres que sur les objets de leur administration. Ainsi, en supposant qu'il ne s'agisse que d'une simple réunion de gardes nationales, sous le titre de fédération, le ministre de la guerre serait déjà coupable; mais ici les citoyens qui se réuniront ne doivent pas être considérés

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comme de simples gardes nationales, puisqu'ils seront soldés, puisqu'ils seront soumis à la discipline militaire; qu'il dise donc le mot; ce seront des troupes de ligne.

› Comme vous avez adopté ce décrét, nous n'observerons pas au ministre de la guerre que tout récemment le corps législatif avait, sur la proposition formelle du roi, décrété la levée de vingthuit bataillons de gardes nationales, et que pour en créer de nouveaux, il était naturel d'attendre que ces premiers fussent organisés. (Il s'élève de nouveaux murmures. Y

› Nous ne dirons pas qu'appeler ces gardes nationales sous les murs de Paris, c'est les livrer à la débauche, à la corruption. Nous ne rappellerons pas à l'Assemblée que si les trois bataillons de Paris, qui sont sur nos frontières, eussent campé quelques jours de plus dans la plaine de Grenelle, ils ne se fussent pas immortalisés en protégeant la retraite de l'armée dans l'affaire de Mons; mais nous dirons qu'en faisant cette proposition, le ministre de la guerre a formellement violé la Constitution. Lé titre III, chapitre III, article VIII, délégue expressément et exclusivement au roi le pouvoir et la fonction de proposer l'augmentation de la force publique, et au corps législatif de la décréter. Lors donc qu'un ministre se permet, de sa seule autorité, de faire cette proposition, il violela Constitution, il trahit la nation. Demandez maintenant au ministre de la guerre s'il était porteur d'une lettre du roi qui l'autorisât à vous proposer cette levée de 20,000 hommes, ou plutôt ouvrez vos procès-verbaux, rappelez-vous votre décret, et vous verrez que la proposition du roi n'y est nullement mentionnée; ainsi M. Servan est forcé d'avouer qu'il a mérité le décret d'accusation. Qu'on ne prétende pas avec affectation que nous cédons ici à l'impulsion du sentiment qu'auraient pu nous faire éprouver les calomnies du ministre contre la garde nationale, et le projet qu'il a formé de la priver de ses canons pour les donner à ce corps de réserve. Non, je ne le dénoncé pas pour ses calomnies, mais pour s'être rendu en cela le vil instrument d'une faction qui déchire le royaume, de cette faction qui provoque les vengeances populaires, qui à la scélératesse

d'imaginer toutes sortes de moyens pour diviser les citoyens, de chercher à opposer le bonnet du travail aux casques militaires, les piques aux fusils, l'habit de campagne aux uniformes. (Les murmures éclatent avec plus de force.-On demande de toutes parts que le pétitionnaire soit chassé de la barre.)

«Quant à nous, citoyens de Paris, qui avons les premiers conquis la liberté, nous saurons la défendre, dans tous les temps, contre toute espèce de tyrans, et nous avons encore la force et le courage des hommes du 14 juillet; nous serons toujours inaccessibles à la séduction; mais nous pouvons vous assurer qu'aucune force ne nous séparera de nos braves canonniers.

M. le président adresse la parole aux pétitionnaires pour les inviter à la séance.

Un grand nombre de membres simultanément. Non, les représentans de la nation ne peuvent pas siéger à côté de ces hommeslà. (L'assemblée applaudit par un murmure presque général à ce cri d'improbation.-Les orateurs se pressent à la tribune pour répondre aux pétitionnaires; chacun demande à relever un fait.)

M. Vergniaud. Je demande à prouver qu'ils ne doivent pas être admis à la séance, et c'est la question par laquelle doit commencer la discussion. Il est douloureux sans doute que dans une séance ou le patriotisme s'est signalé d'une manière bien éclatante, où vous avez vu de braves militaires en donner des signes non équivoques, et exciter la plus vive émotion dans le cœur de tous les bons citoyens, il est douloureux, dis-je, que dans cette mêmeséance vous veniez d'entendre une pétition qui, si elle peut supposer du zèle, en suppose du moins tout l'égarement. Le pétitionnaire a commencé par observer qu'il ne demandait point le rapport du décret, et en même temps il nous a dénoncé le ministre de la guerre, sur la proposition duquel le décret a été rendu; c'est-à-dire, qu'en d'autres termes il vous a dénoncés vous-mêmes à vous-mêmes.

On vous a dit qu'on ne demandait point le rapport du décret, mais en même temps on vous a demandé un décret d'accusation contre le ministre pour sa proposition confirmée par votre décret:

c'est-à-dire qu'en d'autres termes on vous a demandé un décret d'accusation contre vous-mêmes. On vous a dit que la proposition du ministre, convertie en motion, était inconstitutionnelle : c'est donc à dire que vous avez rendu un décret inconstitutionnel, quoiqu'on n'ose pas vous en demander formellement le rapport. Enfin, on a dénoncé le ministre de la guerre comme ayant, par la proposition de ce décret, calomnié la garde nationale de Paris, Cette proposition ayant été décrétée, n'en résulte-t-il pas, en d'autres termes, qu'on vous a dénoncés vous-mêmes comme ayant calomnié cette garde nationale? Eh bien ! puisqu'il faut dénoncer, je dénonce à mon tour à l'Assemblée nationale, à la garde nationale de Paris, à l'indignation de tous les bons citoyens, celui qui, abusant du droit de pétition, vient de calomnier avec une audace inconcevable et le ministre, et l'Assemblée, et la garde nationale elle-même. (La salle retentit à plusieurs reprises d'applaudissemens presque unanimes.)

Reconnaissez ici les indignes manœuvres, les abominables moyens qu'on emploie pour persuader à la garde nationale de Paris que votre décret lui est injurieux; vous savez comment on court de porte en porte pour surprendre des signatures et arracher des suffrages à la crédulité ou à l'ignorance, même des femmes et des enfans. On vous a déjà lu un procès-verbal de section, qui désavoue ces pétitions, et vous dénonce les intrigues dont elles sont l'objet; on va vous en lire un autre qui vous convaincra qu'il n'est pas de bassesses que les agitateurs et les factieux n'emploient pour égarer l'opinion de la brave garde nationale parisienne, et voilà la calomnie que je vous dénonce. Quelle est, en effet, l'occasion où vous ne lui avez pas donné les témoignages les plus authentiques de votre confiance? Ne venez-vous pas de lui confier la garde du roi? Ne vous environnez-vous pas d'elle dans toutes les occasions périlleuses? Ne manifestez-vous pas chaque jour combien vous comptez sur son zèle et sur son courage? (On applaudit.) Mais on dit que vous la calomniez, parce que vous faites venir les citoyens des départemens pour l'aider dans son service. Veut-on faire entendre que les citoyens de Pa

ris rougiraient de voir auprès d'eux leurs frères des départemens? Ah! la voilà, cette calomnie abominable dont je vous demande vengeance au nom de la loi. (On applaudit.)

Il serait bien facile de répondre à ces misérables reproches de violation de la constitution, qu'on vient de faire entendre avec emphase dans cette enceinte. N'est-il pas évident que le droit de requérir les gardes nationales appartient exclusivement aux corps populaires, qu'il peut être exercé par un corps administratif, par une simple municipalité, et que pour cette réquisition, l'initiative du roi serait absolument inconstitutionnelle. Répondraije à cette autre objection : « Que la garde nationale de Paris n'a pas besoin de secours.» Quoi! elle demande celui d'une garnison de troupes de ligne, et elle pourrait être offensée de l'assistance généreuse et libre de ses frères des autres départemens! Faut-il être militaire pour sentir la nécessité de placer un corps intermédiaire entre nos armées et la ville de Paris, lorsque l'on sait que le théâtre de la guerre n'est qu'à quarante lieues de la capitale? La garde nationale peut-elle s'offenser de ce qu'on ne la croit pas assez forte pour pouvoir, en même temps, contenir les ennemis intérieurs et repousser les armées étrangères, dans le cas où, après une défaite de nos troupes de première ligne, elles tenteraient une entreprise contre la capitale? Notre confiance en elle, toute pleine et entière qu'elle soit, doit-elle nous rendre imprudens?

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Non, je crois que la garde nationale elle-même nous saurait mauvais gré si, par une grande mesure de sagesse, nous ne préparions des mesures de résistance pour le cas où l'ennemi, enhardi par une victoire, menacerait la ville où siégent les dépositaires de la Constitution. Il ne nous appartient pas d'exposer aux risques d'une bataille livrée avec des forces trop inégales, le sang des citoyens de Paris; et si ce sang doit couler pour la défense de la liberté, qu'au moins il fructifie en arrosant son berceau, et qu'il trouve des défenseurs dans la réunion des citoyens de toutes les parties du royaume. Les Parisiens aspirent-ils à l'honneur exclusif de défendre le corps législatif? Eh! où doit donc régner

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