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vaient être plus grands. On décida en même temps que Tancrède qui l'accompagnait, et Raimond suivi de deux évêques d'Italie, et de toute son escorte, prendraient place avec Godefroi, en face de la porte de la même tour. Robert de Flandre, et Hugues de Saint-Pol, déjà chargés d'années, furent invités à s'établir avec leurs compagnons d'armes devant les murailles de la ville, sur le point qui descend vers la plaine. Robert, prince de Normandie, et le comte Breton, dressèrent leurs tentes près des murs, et chacun à son rang, vers le lieu où est situé l'oratoire du premier martyr Étienne. Le comte Raimbaud de la ville d'Orange, Louis de Monzons, Conon de Montaigu, et son fils Lambert, Gaston de Béziers, Gérard de Roussillon, Baudouin du Bourg, et Thomas de Féii, s'établirent aussi tout autour de la place. Le comte Raimond jugeant qu'il pourrait être plus utile sur un autre point, se retira de devant la tour de David, laissant seulement quelques-uns de ses hommes pour veiller sur les portes, et transféra son camp et ses tentes sur la montagne de Sion, pour entreprendre le siége de ce côté. Les princes français ayant ainsi disposé l'armée tout autour de la cité sainte, allèrent alors parcourir les environs, afin de ne laisser aucune place vacante, et de se précautionner contre les piéges des ennemis, et ils arrivèrent bientôt sur la montagne des Oliviers. Ils y placèrent un poste d'hommes vaillans, pour éviter d'être attaqués à l'improviste de ce côté, et pour que les Gentils, placés en embuscade, ne pussent descendre par la montagne, et venir surprendre les Chrétiens. La vallée de Josaphat, qui est dominée par la ville et par ses édifices,

ne put être occupée à cause de sa profondeur et de l'aspérité du terrain. On eut soin cependant d'y entretenir nuit et jour des postes, chargés de veiller sans relâche à la sûreté des fidèles.

LIVRE SIXIÈME.

La cité sainte ainsi investie de toutes parts, le cinquième jour du siége les Chrétiens se revêtirent de leurs cuirasses et de leurs casques à la suite d'un conseil, en vertu des ordres des princes, et, faisant une tortue avec leurs boucliers, ils assaillirent les murailles et les remparts. Les Sarrasins furent vigoureusement attaqués à coups de pierres et avec des frondes et des flèches qui volaient par dessus les murailles, et l'on combattit du dehors et du dedans durant une bonne partie de la journée : beaucoup de fidèles furent blessés à coups de pierres et mis hors de combat; quelques-uns d'entre eux eurent les yeux percés par des flèches. Dieu permit qu'aucun des chefs ne fût frappé ce jour-là. Les Chrétiens, irrités des maux que souffrait le peuple, redoublaient d'ardeur et se battaient avec acharnement; ils attaquèrent fortement les murs extérieurs que l'on appelle Barbacanes, et les endommagèrent sur quelques points avec des marteaux en fer et des hoyaux : ce jour-là, cependant, ils ne purent pousser bien loin leur entreprise.

Lorsque ce premier orage de guerre fut apaisé, le duc et les princes de l'armée ayant reconnu qu'il

leur serait impossible de prendre la ville d'assaut et par la force des armes, et, rentrés dans leur camp, ils tinrent conseil et tombèrent d'accord qu'ils ne pourraient jamais parvenir au but de leurs efforts, s'ils ne réussissaient à s'emparer de la place à l'aide de machines et d'instrumens de guerre. Tous jugèrent donc nécessaire de faire construire des machines, des pierriers, et des béliers; mais comme le bois est très-rare dans le pays, la matière première manquait absolument. Un frère chrétien, né Syrien, indiqua alors aux pélerins un lieu où ils pourraient trouver des bois nécessaires pour leurs constructions, et qui était situé au milieu des montagnes, vers le pays de l'Arabie. Aussitôt qu'on eut reçu cette information, Robert de Flandre, Robert seigneur des Normands et Gérard de Cherisi, prenant avec eux une troupe de chevaliers et d'hommes de pied, se rendirent à quatre milles du camp, et, ayant trouvé du bois, ils le posèrent sur le dos des chameaux, et revinrent au camp sans accident.

Le lendemain, dès le point du jour, tous les ouvriers se mirent à l'ouvrage pour construire les machines et le bélier, les uns travaillant avec des haches, les autres avec des tarières; ils continuèrent ainsi jusqu'à ce qu'au bout de quatre semaines, les machines à lancer des pierres et le bélier fussent complétement terminées et dressées en face de la tour de David, sous les yeux des ennemis enfermés dans cette tour. On convoqua alors les jeunes gens et les vieillards, les jeunes garçons, les jeunes filles et les femmes, pour aller dans la vallée de Bethléem chercher de petites branches et les rapporter au camp

sur des mulets et des ânes, ou sur leurs épaules, afin de tresser de triples claies dont la machine serait ensuite recouverte, pour être mise par là à l'abri des traits des Sarrasins. On fit, en effet, comme il avait été dit: on apporta une grande quantité de petites branches et d'osier, on tressa des claies, et on les doubla encore avec des cuirs de cheval, de taureau et de chameau, pour mieux garantir la machine des feux de l'ennemi.

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Tandis que le siége traînait ainsi en longueur, et que l'on construisait lentement et péniblement les machines, quelques hommes, poussés par le besoin, se séparèrent de l'armée pour aller chercher des vivres le hasard les conduisit dans les environs de la ville de Ramla, dont j'ai déjà parlé; ils y ramassèrent du butin, et, s'étant remis en route emmenant avec eux des bestiaux, ils furent attaqués et battus par des Sarrasins placés en embuscade, qui étaient venus d'Ascalon, ville appartenant au roi de Babylone, et qui leur enlevèrent leur butin. Gilbert de Trèves et Achard de Montmerle, vaillans chefs des Chrétiens et hommes nobles, périrent dans cette rencontre après s'être long-temps défendus, et eurent la tête coupée : tous leurs compagnons prirent la fuite à travers les montagnes. Comme ils s'avançaient rapidement pour retourner à Jérusalem, Baudouin du Bourg, qui était sorti du camp avec Thomas de Féii et une troupe de chevaliers, également pour aller chercher des vivres, rencontra ses frères fuyant en désordre. Informé de leurs malheurs, il releva leur courage et les engagea à retourner avec lui pour aller se venger de leur désastre. Les péle

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